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Une nouvelle ministre d'Emmanuel Macron devant la Cour de justice de la République (CJR) ? Un procès a été ordonné jeudi contre Amélie Oudéa-Castera (Sports) après une plainte en diffamation déposée par l'ex-patron du foot français Noël Le Graët.
Sollicité par l'AFP, le procureur général près la Cour de cassation Rémy Heitz a annoncé jeudi le renvoi en procès, par la commission d'instruction de la CJR, de la détentrice du portefeuille des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Elle sera jugée pour diffamation publique envers un particulier par la formation de jugement de la CJR, seule juridiction habilitée à juger les ministres pour des actes commis dans l'exercice de leurs fonctions.
Le premier procureur de France a rappelé dans un communiqué que cette décision faisait suite à une plainte déposée par M. Le Graët le 24 avril 2023.
"Elle concerne des propos tenus par Mme Amélie Oudéa-Castera, dans l'exercice de ses fonctions de ministre, à l'occasion d'une conférence de presse du 15 février 2023 et d'une interview du 5 mars 2023", a-t-il précisé.
Une procédure avait été ouverte en juin 2023.
"La décision rendue ce jour (...) est susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation, dans un délai de cinq jours", a encore souligné M. Heitz.
Sollicité par l'AFP, son entourage a indiqué que la ministre avait "pris acte avec sérénité" de cette décision "subséquente" à sa mise en examen en décembre 2023.
Après onze ans de règne, Noël Le Graët avait démissionné de la Fédération française de foot (FFF) avec fracas en février 2023, après un rapport d'audit accablant de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) sur sa gestion, sur fond d'accusations de harcèlement sexuel.
Les inspecteurs de l'IGESR estimaient que M. Le Graët "ne dispos(ait) plus de la légitimité nécessaire pour administrer et représenter le football français", compte tenu notamment de son "comportement inapproprié (...) vis-à-vis des femmes".
- "Propos et écrits ambigus" -
Quelques heures après le départ de M. Le Graët, son avocat, Me Thierry Marembert, avait annoncé une plainte contre Mme Oudéa-Castera, affirmant que la ministre avait "menti" sur ce rapport.
Le conseil a vu dans cette décision jeudi "la suite logique de notre plainte".
Me Marembert soulignait également à l'époque une différence entre la synthèse du document, publiée le 15 février qui mentionnait des "paroles" et des SMS, "des propos ou des écrits ambigus pour certains et à caractère clairement sexuel pour d'autres", et son intégralité.
Ce rapport n'a pas été rendu public.
"Les propos pour lesquels (M. Le Graët) met en cause Mme Amélie Oudéa-Castéra n'ont consisté qu'à faire état des conclusions de ce rapport dans sa conférence de presse du 15 février 2023 comme dans une expression publique ultérieure", a argué l'entourage de la ministre jeudi.
L'ancien patron du foot français fait lui-même l'objet d'une enquête à Paris, après des accusations de harcèlement moral et sexuel.
Il a été entendu dans cette procédure, en audition libre, le 29 janvier.
La procédure en matière de droit de la presse rend habituellement quasi-automatique, après une plainte en diffamation, la saisine d'un juge d'instruction et la mise en examen de l'auteur des propos, le débat de fond se déroulant à l'audience.
La jurisprudence est légèrement différente devant la CJR dont la commission des requêtes peut apprécier les suites à donner aux plaintes qu'elle reçoit.
A trois reprises au moins, notamment en février dernier pour une plainte du footballeur Karim Benzema contre le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, cette commission des requêtes a écarté certaines plaintes, estimant que le délit de diffamation n'était pas suffisamment caractérisé.
Mais une fois ce filtre passé, la procédure habituelle en matière de presse reprend. Par cette décision de renvoi, la CJR a reconnu "l'existence matérielle des propos qui lui sont attribués, mais ne préjuge en rien de leur caractère répréhensible", a rappelé l'entourage d'Amélie Oudéa Castera.
L'audience se tiendra à une date inconnue, selon une source judiciaire.
En novembre dernier, la CJR a relaxé le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, jugé pour prise illégale d'intérêts.