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Comptez sur elle pour faire danser l'Europe autant que lui tirer des larmes : la méga-star américaine Taylor Swift donne ce jeudi 9 mai à Paris, avant Lyon, Madrid, Londres et Munich, le départ de sa tournée de tous les records sur le Vieux continent.
"The Eras Tour", débutée en mars 2023 aux États-Unis, est devenue à la fin de l'année dernière la première tournée de l'histoire à écouler plus d'un milliard de dollars de billets. Un chiffre qui devrait plus que doubler d'ici son terme au Canada en décembre.
Ce show millimétré de 03h20, que la chanteuse a déjà emmené à travers les Amériques, en Asie et en Australie, retraçait jusque-là les dix albums (depuis "Taylor Swift" en 2006) qui l'ont propulsée d'étoile montante de la country américaine à plus grande star internationale de la pop, avec 110 millions d'auditeurs mensuels sur Spotify (contre 70 pour Beyoncé ou Dua Lipa).
Mi-avril, la chanteuse de 34 ans a sorti son 11ᵉ opus, "The Tortured Poets Department". Vendu à 1,4 million d'exemplaires le premier jour, il est devenu le plus écouté à son lancement sur Spotify, avec un milliard de streams en cinq jours. Et ce malgré des critiques mitigées, le magazine musical britannique NME l'ayant qualifié de "rare faux pas".
"Va-t-elle dédier une section entière du concert à cet album ou juste jouer quelques morceaux ?", se demande Glenys Johnson, autrice de "Taylor Swift, l'histoire d'une icône mode" (éd. Place des Victoires), au nom des "Swifties", le surnom des fans de la chanteuse.
"Emotions les plus profondes"
Selon Satu Hämeenaho-Fox, autrice de "Into the Taylor-Verse, au cœur de l'univers de Taylor Swift" (Gallimard Jeunesse), la grande blonde aux yeux bleus, à l'image revendiquée d'Américaine moyenne, a bâti son succès sur le "langage partagé de la jeunesse féminine". "Il y a quelque chose dans sa musique qui capture le désir adolescent de voir sa vie débuter, l'aspiration à une existence plus poétique, chargée de passion, de danger et d'amour", décrit Hämeenaho-Fox.
Depuis 17 ans que l'artiste chante ses joies et ses peines, de cœur notamment, "son public a grandi avec elle. Les sentiments qu'elle transmet sont devenus plus complexes. (...) Elle crée un espace pour les émotions les plus profondes qu'on a parfois l'impression de ne pas être autorisé à ressentir".
Fan depuis "Midnights", dont les sonorités électro-pop ont accroché l'oreille du grand public au-delà des États-Unis en 2022, Soukeyna, 16 ans, admire une "artiste très complète (qui) écrit tous ses textes" à un rythme stakhanoviste (quatre albums entre 2019 et 2022). "Il faut vraiment écouter les paroles et les comprendre parce que c'est quelque chose d'unique", plaide-t-elle.
La jeune fille originaire de Marmande (sud-ouest de la France), qui assistera au concert dimanche avec sa sœur ainée, apprécie aussi "l'impression de faire partie d'une communauté" : "J'ai l'impression que tout le monde est très bienveillant. Tout le monde chante, on échange des bracelets, ça a l'air incroyable".
La star, personnalité de l'année 2023 selon le magazine Time, prend d'ailleurs le plus grand soin des "Swifties", allant jusqu'à les inviter chez elle ou leur offrir des cadeaux.
Jugés, moqués
Joana Lopes, une fan portugaise, assure que les "Swifties" ont l'habitude de voir leur culte rabaissé : l'icône elle-même a été brocardée pour des paroles qui tournaient beaucoup autour de ses anciens amants. "Il y a quelques années, nous ne pouvions pas parler de Taylor sans être jugés ou moqués", témoigne Joana. Mais des fans de toute l'Europe, qui ne manqueraient pour rien au monde l'opportunité de la voir en concert cette année, ont revendiqué leur sentiment d'appartenance.
Alexa et Femke animent un mélange éclectique de groupes sur WhatsApp, l'un axé par exemple sur les vidéos de la tournée quand un autre est consacré à des discussions politiques... Car ce qui réunit les "Swifties" va bien au-delà de la musique. Les textes de Taylor Swift sont parfois source de réconfort. Après avoir perdu son père à l'âge de 16 ans, Alexa se souvient avoir trouvé du soutien dans une chanson évoquant "le propre parcours de Swift face au cancer de sa mère".
À Lisbonne, Joana Lopes et son amie Ana Carmo, 29 ans, font partie d'un groupe WhatsApp réunissant des dizaines de fans de tout le pays. Joana se souvient avoir été aidée par la musique de Swift au décès de sa grand-mère. "C'est ce jour-là que Taylor est entrée dans ma vie", confie la femme de 33 ans. Ses textes sont "la chose que j'apprécie le plus".
Les fans "se sentent vus"
Swift fait en sorte que ses fans "se sentent vus", résume Clara Garcia, 25 ans, consultante à Bruxelles : "c'est toute une communauté" réunie par les énigmes distillées par la star autour de mots cachés ou les bracelets d'amitié qu'elle a remis à la mode. C'est indubitablement l'une des clés de son immense succès.
"Taylor a délibérément créé une communauté et s'est positionnée comme quelqu'un qui pouvait être l'amie de ses fans", explique Georgia Carroll, une experte de la culture des fans, selon qui Swift "n'a jamais été aussi populaire".
Les écoutes de sa musique ont augmenté de 50% en Europe sur l'application Deezer depuis avril 2023, mois qui a suivi le lancement de sa tournée mondiale, déjà devenue la plus lucrative de l'histoire avec 1 milliard de dollars de recettes atteint en fin d'année dernière. Selon les données Spotify recueillies juste avant la sortie du dernier album en avril, c'est aux Pays-Bas, au Portugal, ainsi qu'en Belgique et en Slovénie, que Swift suscite le plus d'enthousiasme.
Cet attrait n'allait pas de soi sur un continent où peu de gens ont l'anglais comme langue maternelle, mais ce n'est pas une barrière pour ses fans. "J'ai écouté ses chansons et je me suis demandée ce qu'elle racontait. J'ai donc commencé à lire ses paroles et à les traduire pour comprendre", se souvient Joana Lopes. Alessia Faranna, une Bruxelloise de 25 ans, assure que Swift l'a "beaucoup aidée" à améliorer son anglais.
Impact économique
Lors de chacun des quatre concerts parisiens, jusqu'à dimanche, ils seront près de 42.000 fans à Paris La Défense Arena, dont 20% d'Américains et 10% d'Européens, selon des chiffres communiqués par la salle de spectacle. Pour avoir leur billet, au bout de longues heures d'attente en ligne, ils ont dépensé 180 euros en moyenne, précise Bathilde Lorenzetti, vice-présidente de Paris La Défense Arena.
Et ils ne comptent pas s'arrêter là : la salle, qui a eu un aperçu des files d'attente lors des shows japonais, a exceptionnellement doublé les points de vente de produits dérivés.
Sa sixième tournée emmènera ensuite l'ancienne petite fiancée de l'Amérique, qui a pris position contre le trumpisme en 2018, en Suède, au Portugal, en Espagne, à Lyon (2-3 juin), au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas, en Suisse, en Italie, en Allemagne, en Pologne et en Autriche. Avec à chaque fois un impact considérable attendu sur l'économie locale. Différentes études évaluent entre 5 et 10 milliards de dollars les retombées aux États-Unis.