Partager:
Steve (prénom d’emprunt) s’est étonné de découvrir ce qu’il considère comme un privilège de la Loterie Nationale. Il dénonce un comportement "hypocrite" de la part de l’État belge.
Dans une période difficile sur le plan financier, Steve (prénom d’emprunt) a fait la demande d’être ajouté à la liste EPIS (Excluded Persons Information System) qui reprend les personnes interdites de jeux de hasard dans notre pays. Une manière pour lui "d’économiser de l’argent là où [il] peut". "Je ne suis pas dans les problèmes, mais je me protège", précise-t-il.
En moyenne, le parieur misait jusqu’à "200 euros maximum par mois". "Parfois, je me dis que je pourrais faire autre chose avec cet argent", reconnaît-il en assurant que "ça ne me crée pas de dettes". Il est également bien conscient de la place que prend son "passe-temps", comme il l’appelle et assure savoir "s’arrêter à temps". "Tout le monde n’est pas apte à faire ça".
Démarches simples
La procédure d’auto-exclusion est facile à faire. Steve parle de "démarches simples". "J’avais déjà entendu parler de ça. C’était assez facile d’aller sur le site de la commission des jeux et de s’inscrire. Je me suis inscrit et quelques minutes plus tard, j’avais une réponse par mail. Quelques heures plus tard, on m’a signifié que j’étais inscrit".
Une fois sur la liste, Steve n’a plus le droit d’entrer dans les casinos ni dans les salles de jeux. Vous ne pouvez également plus faire de paris en ligne. Mais ces restrictions ne s’appliquent pas aux jeux de la Loterie Nationale, à son grand étonnement.
Je me demande comment l’État peut proposer un outil pour s’interdire de jouer tout en acceptant que les personnes qui se sont inscrites sur la liste puissent encore jouer sur le site de l’État même
"Au début, j’étais surpris. Je pensais que le site n’était simplement pas à jour avec mon interdiction. J’ai vu que je pouvais continuer à jouer, j’ai testé et j’ai constaté que tout fonctionnait. Je me suis renseigné et j’ai appris que la Loterie n’était pas dans la liste EPIS. J’ai contacté la Loterie Nationale, mais je n’ai pas eu de réponse", raconte-t-il.
"J’aimerais bien me protéger et je ne comprends pas que la Loterie Nationale ne fasse pas partie de la liste EPIS", regrette le joueur.
"C’est de l’hypocrisie", assène-t-il. "Je me demande comment l’État peut proposer un outil pour s’interdire de jouer tout en acceptant que les personnes qui se sont inscrites sur la liste puissent encore jouer sur le site de l’État même".
Pour Steve, que ce soient des jeux de casino ou de la Loterie Nationale, "les dangers sont les mêmes, il y a un risque de perte d’argent".
"Je pense que tous les sites de jeux d’argent devraient faire partie de cette liste. Dire que les jeux à gratter sont moins dangereux que les jeux de casino pour les gens addicts, ce n’est pas correct."
Deux raisons
Si la Loterie Nationale n’est pas concernée par l’exclusion, c’est en raison de deux facteurs, comme l’explique Jannie Haek, le CEO de la Loterie Nationale.
"Il y a les jeux de hasard d‘un côté, qui ont leur propre législation, et de l’autre côté, la législation sur la Loterie Nationale. Il y a deux raisons pour lesquelles nous n’appliquons pas la liste EPIS : 1) Parce que la liste est historiquement arrivée en même temps que les casinos et les bureaux de paris. Ces derniers étaient dans une 'illégalité' et pour éviter que certains magistrats et huissiers soient exposé à de la criminalité comme l’extorsion, le surendettement, du matchfinxing (truquer des rencontres sportives) et dans une relation directe avec un milieu 'illégal', ils ont créé cette liste EPIS, qui s’est ensuite élargie pour exclure les personnes qui ont des problèmes d’assuétudes aux jeux. 2) Oui, la liste fonctionne et est un bon instrument, mais nous croyons plutôt dans la prévention. C’est-à-dire de diminuer les risques, d’avoir des modérateurs des risques qui soient fermes et donc éviter l’assuétude aux jeux."
La liste EPIS était, comme l’a expliqué Jannie Haek, initialement conçue pour des raisons de déontologie. Ce n’est que plus tard qu’elle s’est ouverte aux personnes souhaitant s’empêcher de jouer à des jeux d’argent.
"Il y a deux secteurs : le secteur public et privé. Le privé est soumis à des règles différentes du public", analyse de son côté Magali Clavie, la présidente de la commission des jeux de hasard. "Par le passé, on faisait une distinction entre la Loterie et tous les autres jeux comme le casino. Maintenant, les choses ont changé. On est passé à des jeux à gratter et à des jeux en ligne qui ressemblent de plus en plus à ce qu’on peut trouver dans le privé, c’est compliqué pour le joueur de faire la différence entre les deux."
Raison pour laquelle la Commission des jeux de hasard se dit favorable à ce que la liste EPIS soit étendue à tous les jeux de hasard, bien que cette décision ne dépende pas d’elle, mais d’une "démarche politique".
La Loterie peut être bloquée
Il existe tout de même une possibilité de s’exclure des jeux de la Loterie Nationale, mais elle est indépendante. "Les joueurs peuvent gérer ça eux-mêmes dans leur profil utilisateur. Vous pouvez décider de vous exclure vous-même pour une durée délimitée ou de manière définitive. Ça se fait en deux clics", assure le CEO de l’entreprise. "Depuis 12 ans et le début de notre site internet, on a un peu plus de 4 000 joueurs qui se sont exclus définitivement", ajoute-t-il.
Concernant le nombre de personnes inscrites sur la liste EPIS, "on est à 45 000 personnes depuis 2004", détaille Magali Clavie. "On a 7 000 demandes par an, ce qui représente environ 20 demandes par jour", précise-t-elle.
Quant aux critiques qui disent que lorsque l’argent va dans les caisses de l’État, les règles ne sont pas les mêmes, Jannie Haek leur répond qu’"on gère la boite d’une façon beaucoup plus responsable pour la population que si l’argent va sur l’île de Malte ou Las Vegas ou n’importe quoi. Ça, c’est sûr et certain".