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Fabienne, une enseignante, vit une fin de carrière abrupte, marquée par une mise à la retraite "non sollicitée" après 43 ans de service. Lors d'un congé maladie, la Liégeoise a découvert avec stupéfaction qu'elle est "pensionnée à partir du 1er octobre 2024", sans avoir formulé de demande. Explications.
La fin de carrière de Fabienne, une enseignante liégeoise, a été marquée par une décision "soudaine". Après 43 années de service, elle se retrouve confrontée à une "mise à la retraite non sollicitée".
Enseignante depuis 1981, elle a consacré la majeure partie de sa carrière à une école maternelle de la région liégeoise. Après la rentrée scolaire 2024, elle a dû s'absenter quelques semaines. "J'étais en congé maladie pendant un mois à cause du Covid, suivi d'une infection dentaire", explique-t-elle. C’est alors qu’un coup de téléphone inattendu de sa directrice est venu chambouler son quotidien. "J'ai appris que j'étais pensionnée à partir du 1er octobre 2024. Or, je n'avais fait aucune demande !"
Fabienne a officiellement atteint la première date de pension tout en ayant épuisé son droit aux congés maladie (un maximum de 182 jours). Elle pouvait ainsi être mise à la pension d’office.
L'enseignante ne cache pas sa "stupéfaction" face à cette nouvelle. "Personne ne m’a prévenue que cela pourrait m’arriver. J’avais prévu de travailler encore deux ans", souligne-t-elle, visiblement affectée par cette décision. "On vous met sur la sellette du jour au lendemain, sans lettre recommandée ni aucune alerte préalable. C’est inacceptable."
Le courrier qu'elle a reçu le 3 octobre de la part de la Communauté française ne fait que confirmer ce qu'elle redoutait. "Il stipule que j'étais en âge d'être pensionnée, et que j'avais épuisé mes jours de maladie. Après 43 ans de service, il est normal d’avoir utilisé son droit aux congés maladie. C’est la façon dont cela a été abordé qui est déconcertante. La pension doit être demandée 3 mois à l’avance pour que les papiers soient préparés. Mais là, je n'ai rien demandé", conclut Fabienne.
Cette transition peut être déroutante pour les enseignants
La CSC Enseignement souligne que ce cas de mise à la pension d'office, bien que peu fréquent, révèle une réalité complexe. Selon la réglementation en vigueur, lorsque les enseignants atteignent leur première date de pension tout en ayant épuisé leur droit aux congés maladie (un maximum de 182 jours durant leur carrière), ils peuvent être mis à la pension d’office.
"Ce sont des situations qu’on rencontre moins d’une dizaine de fois par an. Au début de leur carrière, les membres du personnel de l’enseignement, quand ils sont nommés, ont le pot maladie qui les couvre. Ils continuent de toucher un salaire à 100%, et ils sont couverts pour un maximum de 182 jours (ce qui correspond à une année scolaire). Dès que les gens ont utilisé ce pot maladie car ils ont été malades longtemps, ils sont en disponibilité maladie durant leur carrière (en savoir plus en cliquant sur ce lien). Leur salaire est abaissé, et ils peuvent être convoqués à certains moments par le Medex, le service de santé de la Communauté française, qui peut décider d’une mise à la pension pour inaptitude", explique le syndicat.
Et d'ajouter: "Pour les personnes qui se retrouvent dans le cas de cette dame qui vous a contacté, elle est déjà en fin de carrière. Elle a déjà atteint sa première date de pension possible. Dans la loi, une règle prévue dit que quelqu’un qui a atteint sa première date de pension et mise en dispo maladie, qui a épuisé tous ses congés, est d’office mis à la pension."
La CSC appelle malgré tout à une plus grande transparence au sein du système. "Nous avons demandé depuis longtemps à la Communauté française d’implémenter un suivi régulier du nombre de jours restants dans le pot maladie des enseignants, idéalement sur leurs fiches de paie", indique un porte-parole.
"On nous dit que techniquement c’est impossible. Or, on pense que ça serait une information utile pour les membres du personnel pour éviter des situations comme celles-ci, où des gens sont parfois avertis plusieurs mois après qu’ils ont été mis en disponibilité. On leur demande ainsi parfois de rembourser des milliers d’euros car ils ont perçu trop de salaire pendant un certain temps. Il y aurait des choses à faire à ce niveau-là, mais malheureusement dans ce cas-ci, il n’y a pas de recours possible face à la décision. Et en même temps, si on se met à la place de l’employeur, la communauté française, elle a joué son rôle de protection de la personne qui était malade. Cela veut dire que la personne a quand même utilisé un certain nombre de mois pendant lesquels, elle a été couverte. Au bout d’un temps, la communauté française estime que la personne ayant déjà un certain âge, une carrière complète, elle s’est dit que si la personne continue d’être malade, ça ne nous intéresse pas car on paie le salaire de la personne, et celui de l’enseignant(e) qui la remplace. Pour diminuer le coût, ils se disent que la personne ayant un certain âge, a droit à une pension et on la met à la pension d’office. C’est comme ça que cela a été réfléchi au départ."
La CSC rappelle également que la mise à la pension, bien que légale, peut avoir des conséquences financières significatives pour les enseignants. "Pour beaucoup, cela représente une perte de salaire importante, pouvant atteindre 600 à 700 euros par mois", met en garde le syndicat.
Fabienne a toujours la possibilité de reprendre une carrière d’enseignante, mais chez un autre employeur. "Il existe des possibilités, mais on comprend le traumatisme pour la personne", conclut le porte-parole de la CSC.