Accueil Actu Vos témoignages

La consommation de drogues dans les rues de Liège risque d'augmenter à cause de cette décision de la Région Wallonne

La salle de consommation à moindre risque (SCMR) de Liège est sur le point de fermer ses portes. Une partie de ses activités est déjà arrêtée et c'est très loin d'être une bonne nouvelle pour ceux qui en bénéficiaient. 

Sébastien a 47 ans. Depuis qu'il est jeune adolescent, ce Liégeois consomme toute une série de drogues. "J'ai commencé à fumer des joints vers 12-13 ans. À 15-16 ans, j'ai commencé à sortir et à essayer les ecstasys, speed et cocaïne puis, le premier décembre, on a pris de l’héroïne". 

Aujourd'hui à la rue, il a souhaité faire part d'une mauvaise nouvelle pour bon nombre de consommateurs de drogues en appuyant sur le bouton orange Alertez-nous. Ouverte en septembre 2018, la salle de consommation à moindre risque de Liège va devoir fermer ses portes d'ici la fin de l'année. Elle a d'ailleurs déjà cessé une partie de ses activités. 

Ce qui coince, c'est le budget. Cette salle est subventionnée par la Région Wallonne et les autorités régionales souhaitent faire évoluer la manière de subventionner. Dès lors, le budget reçu vaut jusque fin 2024 et n'est pas renouvelé. 

La ville de Liège ne peut pas assumer seule 

Cette situation a amené la Ville de Liège à remettre des préavis aux personnes qui travaillent dans cette salle. "Nous sommes dans une phase où les préavis qui avaient été donnés au personnel s’exécutent les uns après les autres et nous n’avons plus assez de personnel qualifié dans cette salle pour maintenir un fonctionnement normal", regrette le bourgmestre Willy Demeyer. 

"La ville, étant sous plan de gestion, n’a pas les moyens de payer les sommes nécessaires au fonctionnement, au-delà de ce qui était prévu dans le budget communal", ajoute le mayeur. 

Avec le départ des différents employés, les services ont été diminués et "ce qui se fait maintenant, c’est l’accompagnement social, mais il n’y a plus de consommation".

C'est bien là le mal pour Sébastien et les autres personnes qui avaient l'habitude de bénéficier des services de la SCMR. "C’est dommage. On a vu dans votre journal que les gens vont consommer dans le tunnel. Là, on avait un lieu où on était en sécurité. Il y avait des infirmiers, des éducateurs… Si quelqu’un faisait un malaise, un infirmier arrivait. Il n’y avait pas que le fait de consommer, il y avait des gens compétents pour nous encadrer. ", déplore notre alerteur. 

C'est une saloperie

Pour le quadragénaire, se droguer est un besoin physique. "Au début, quand on en prend, on n’est pas malade, mais le cerveau se rappelle du bien-être que ça nous a procuré. Forcément, quand on nous en repropose la fois d’après, on ne dit pas non parce qu’on n’est pas malade. (…) C’est un cercle vicieux". 

"Ça a foutu ma vie en l’air. J’ai 47 ans et je n’ai rien. Je zone de droite à gauche", ajoute-t-il encore, dépité. Pourtant, il a tenté d'en sortir. Mais les résultats n'ont pas été au rendez-vous. "J’ai fait des cures, mais rien n’y a fait. L’envie doit venir de soi, mais même en le voulant, c’est compliqué. C’est une saloperie. C’est la pire crasse que j’ai consommée". 

Déjà totalement accro à l'héroïne, Sébastien et les autres consommateurs sont aujourd'hui exposé à un autre danger dans leur consommation. "L’héroïne en Belgique commence à être coupée au fentanyl. Un produit mille fois plus puissant que l’héroïne", précise notre alerteur. Une raison supplémentaire pour chercher un soutien social et médical.

Un financement qui va évoluer

Mardi, en réponse aux députés, le ministre wallon de la Santé, Yves Coppieters s'est exprimé sur l'avenir de la salle de consommation à moindre risque de Liège. 

 

Le ministre Engagés reconnait totalement les avantages de ce type de salles. "Elles permettent non seulement de réduire les risques sanitaires pour les utilisateurs et utilisatrices de drogues, mais aussi d’améliorer la sécurité et la qualité de vie de la population environnante", assure-t-il.

"Actuellement, les salles de consommation à moindre risque, dont celle de Liège, sont encore financées sur la base de subsides facultatifs, ce qui amène inévitablement les opérateurs à être dans une situation d’incertitude quant à la pérennité de leurs actions et projets", estime Yves Coppieters. Il avance que la salle de Liège a reçu son subside pour 2024, mais que "pour les prochaines années, comme vous le savez, le Gouvernement envisage de simplifier les procédures des subventions facultatives".

"Dans cette optique, nous n’allons pas renouveler la convention trisannuelle qui liait la fondation TADAM à la Région wallonne au profit d’une nouvelle formule plus adaptée à l’avenir."

Pas encore de date avancée 

Yves Coppieters assure être en contact avec "les porteurs du projet de Liège afin d’avancer vers une solution constructive". Il souligne également avoir été informé de "difficultés de gestion du projet" et souhaite faire la lumière là-dessus avant toute chose.

Une étude est actuellement en cours concernant la subvention de la salle et "des résultats provisoires seront disponibles courant 2025. Les conclusions finales sont attendues pour mars 2026."

"Je tiendrai bien entendu compte des résultats de l’étude dans les politiques que je mettrai en place visant à une prise en charge multidisciplinaire des assuétudes et des dépendances", conclut le ministre. 

Le grand changement à venir est "le fait est que l’on organise une organisation de financement triennal vers du quinquennal (de manière générale)", indique par après le cabinet du ministre. Cette nouvelle organisation nécessitera "une année transitoire de préparatifs des modalités d’octroi/dossiers à rentrer". 

La balle est dans leur camp

Il faudra donc vraisemblablement attendre encore plusieurs mois avant de voir le gouvernement régional apporter un nouveau financement à cette salle. 

En attendant, les personnes qui ne peuvent plus en bénéficier n'ont plus d'autre option : "On va consommer en rue", déplore Sébastien. "La police va nous voir et nous arrêter pour confisquer le produit. On a déjà du mal à se faire 20 ou 30 euros pour acheter le produit, puis la police va nous le prendre."

Une crainte partagée par le bourgmestre de Liège, Willy Demeyer : "Il y aura vraisemblablement plus de consommation en rue."

Pour l'élu, "la balle est dans le camp de la Région Wallonne". Il plaide aussi, et surtout, pour une politique globale de lutte contre la consommation à l'échelle de tout le pays. "Ce qui est surtout inquiétant, c’est l’absence de réflexion globale sur le problème en Belgique. J’ai demandé au formateur Bart De Wever d’avoir une réflexion globale et intégrée sur le problème. Nier le problème, c'est dangereux". 

À lire aussi

Sélectionné pour vous