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Georges "écoeuré": son épouse doit rembourser une indemnité maladie parce qu’il touche une pension de retraite au taux de ménage

Près de deux ans après avoir perçu une indemnité maladie, Sophie doit rembourser 534 euros à la Mutualité chrétienne sur demande de l'INAMI. Son mari touchant une pension au taux de ménage, elle n’a pas le droit à un revenu de remplacement. Une situation qui met en lumière les critiques envers le statut de cohabitant, perçu par beaucoup comme une injustice sociale.

Georges n’en revient pas. Près de 2 ans après que son épouse a touché une indemnité maladie de sa mutuelle, l’INAMI lui demande de rembourser la somme à la mutuelle : 534 euros. "Pourriez-vous m'expliquer cette situation ?", demande-t-il à RTL info via le bouton orange Alertez-Nous. 

Pour le SFP, une indemnité maladie perçue indûment par Sophie

Georges et Sophie, mariés depuis 10 ans, habitent ensemble depuis 9 ans à Sprimont. Sophie travaille 13 heures par semaine en titres-services, ce qui lui permet de toucher entre 500 et 600 euros nets par mois. En 2022, Sophie a dû faire face à une incapacité de travail, suite à une opération, et a reçu un revenu de remplacement : une indemnité de 500 euros de sa mutuelle, la Mutualité chrétienne. Une irrégularité pour le Service Fédéral des Pensions (SFP), laquelle n’a pas échappé à son contrôle annuel. Le SFP a informé Georges que, puisqu’il est chef de ménage, son épouse ne pouvait pas toucher de revenu de remplacement : le retraité devait choisir entre rembourser l’indemnité de la mutuelle ou rembourser la différence entre sa pension au taux chef de ménage et celle au taux d’isolé. La première solution étant la plus avantageuse, avec une différence de 300 euros par rapport à la seconde, le couple a opté pour le remboursement de l’indemnité de 500 euros, avec un plan de paiement.

"Si la personne reçoit une pension au taux de ménage, le conjoint ne peut effectivement pas percevoir de revenus de remplacement", confirme le service communication du SFP. En moyenne, une pension au taux ménage est plus élevée de 25 % par rapport à une pension au taux isolé. Pour en bénéficier, certaines conditions doivent être réunies : il faut être marié (la cohabitation légale ne suffit pas) et le conjoint ne doit recevoir "aucun revenu de remplacement, tel que le chômage, des allocations maladie ou d’invalidité", explique le SFP. Le conjoint de la personne qui touche la pension au taux ménage peut encore travailler en limitant ses revenus professionnels aux plafonds autorisés qui sont d’application à sa situation.

Le statut de cohabitant sous le feu des critiques depuis de longues années

Ce système, qui donne accès aux droits sociaux en fonction des trois statuts — chefs de ménage, isolés et cohabitants — est vivement critiqué par de nombreuses associations. Énéo, le mouvement social des aînés, plaide pour la suppression du statut de cohabitant en portant les allocations des cohabitants au niveau de celles des isolés. "Dans un couple, ce statut rend financièrement un des partenaires dépendant de l’autre et peut contribuer à favoriser l’emprise de l’un sur l’autre, avec son cortège de conséquences néfastes sur la santé mentale et physique, le libre-arbitre, l’autonomie et l’exercice de la citoyenneté", peut-on lire dans le mémorandum d’Énéo. 

Pour la Ligue des droits humains, "il est impératif d’individualiser les droits économiques et sociaux, notamment en supprimant le statut cohabitant de toutes les branches de la sécurité sociale, et de rehausser tous les revenus au minimum"

Depuis son introduction dans les années 80, le statut de cohabitant, touchant majoritairement des femmes, est aussi dans le viseur des mouvements féministes qui réclament une individualisation des droits en sécurité sociale "afin que la situation familiale n’ait plus d’incidence sur les droits sociaux des femmes travailleuses se trouvant contraintes de dépendre de leur compagnon", peut-on lire par exemple sur le site de Vie Féminine

"Stop au statut de cohabitant·e", une plateforme soutenue par différents organismes, veut sensibiliser la population à cette "injustice" et mettre la pression sur les autorités politiques. 

La plupart des partis politiques, à l’exception des partis conservateurs et d’extrême droite, sont favorables à une réforme de ce statut, avec des nuances. Les Engagés, l’un des grands vainqueurs des élections du 9 juin dernier, sont clairement pour l’individualisation des droits sociaux. Ils estiment le coût de l'alignement de toutes les allocations pour les cohabitants sur les allocations pour les personnes isolées à 1,86 milliard d’euros par an. 

Quand on part à la retraite, on dit "profitez-en bien", mais avec quoi ?

Georges a travaillé depuis l’âge de 16 ans en tant qu’éducateur ou en tant qu’ouvrier à l’usine. Depuis 2021, il touche une pension qui s’élève à 2.050 euros par mois nets. Le logement social où il habite avec Sophie coûte environ 700 euros par mois. La somme des revenus du couple leur laisse très peu de marge : "Vous deviez aller là… Non, l’essence est trop chère. On voudrait bien partir en vacances, bah non. On voudrait bien aller au restau… Non plus. J’ai travaillé 50 ans pour ne rien savoir faire", constate-t-il, amer. 

Georges exprime un sentiment profond de déception et d’injustice envers le système qui, selon lui, manque de flexibilité et de compassion. "On travaille toute une vie, pour quoi ? Quand on part à la retraite, on dit ‘profitez-en bien’, mais avec quoi ?" Il souligne la disparité entre les revenus des politiciens et ceux des pensionnés comme lui, ce qui nourrit chez lui un sentiment d’écœurement et de désillusion.

La santé de Georges ajoute une autre couche de complexité à cette situation déjà difficile. Souffrant de douleurs chroniques depuis 2014, il doit gérer sa condition tout en cherchant des moyens de boucler les fins de mois. "Il faut qu’on trouve le moyen de faire rentrer un peu d’argent tous les mois. Pour ne pas se lever et aller se coucher en se disant ‘qu’est-ce qu’on va manger demain ?’." 

Des pensions légales insuffisantes ?

"Il y a un réel travail à faire sur les pensions légales de manière à permettre à tous les aînés de vivre dignement", réagit Sylvie Dossin, secrétaire politique d’Énéo, face à ce témoignage. "Ces difficultés financières amènent les aînés qui les subissent à vivre de façon plus "frugale", à couper sur les dépenses notamment sociales, mais aussi sur celles qui touchent aux soins de santé ou au logement. Cela a donc de réels impacts sur eux à long terme", dénonce-t-elle. 

Georges appelle à une réforme qui prendrait en compte les cas particuliers et offrirait une plus grande flexibilité. "Qu’il y ait des règles, je comprends. Mais qu’il y ait une adaptation possible en fonction de certains cas."

 

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