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Les Russes sont appelés aux urnes ce week-end pour élire leur prochain président. Un simulacre d’élection, car tous les véritables opposants de Vladimir Poutine ont été réduits au silence. Sûr de sa victoire, le président candidat n’a d’ailleurs pas vraiment fait campagne
Sur le territoire de Donetsk, annexé par la Russie en 2022, la commission électorale vient à vous. Du porte-à-porte pour inviter les habitants à voter. Il n’y a pas d’isoloir dans le bureau de vote improvisé, sur le palier. Le bulletin est glissé dans l’urne, et direction le prochain appartement.
Les habitants des territoires annexés vivent sous le régime de la loi martiale, instaurée par le président russe. Conséquences : des libertés de déplacement limitées…et une liberté d’opinion que l’on sait restreinte. "Le jour où nous avons intégré la Russie était le plus beau jour de ma vie. J'espère que ça va continuer et que notre pays va prospérer. J'aime tous ceux qui vont voter pour Poutine", dit une habitante.
Vladimir Poutine, 71 ans, se présente pour un cinquième mandat présidentiel. Il n’a participé à aucun débat à la télévision. Les trois autres candidats officiels sont des opposants de façade. "Il a tenu son discours aux assemblées où il a fait toutes les promesses de campagne traditionnelles. Il a fait une campagne solitaire et sans débat", rapporte Laetitia Spetschinsky, chargée de cours à l'UCLouvain et spécialiste de la Russie. "Il est vraiment seul en lice avec trois concurrents dont personne ne connaît vraiment le nom", ajoute-t-elle.
L’homme est assuré de remporter la victoire. Pour les observateurs, ce n’est pas une élection, mais un plébiscite : pour ou contre Vladimir Poutine.
Dans le pays, une minorité de citoyens osent exprimer leur opposition. Mais il existe de réels supporters du président. Vladimir Poutine apparaît comme le garant de la stabilité et des valeurs traditionnelles.
"Il a succédé à Boris Eltsine en 1999, d'abord en tant que Premier ministre. Il a succédé à une période horrible pour les Russes. Toute la période couverte par Vladimir Poutine, y compris pendant les 4 ans où il n'était pas président, entre 2008 et 2012, est une période plus faste que celle qui précédait. Donc oui, il est apprécié, en tout cas pour ce qu'il a fait pendant ses deux premiers mandats et puis par la posture guerrière qui plaît quand même à une partie de l'électorat russe", analyse Laetitia Spetschinsky.
Les deux réels opposants au président candidats ont tout simplement été éjectés du scrutin par la commission électorale.
Ekaterina Dountsova, journaliste, se présente en novembre 2023 comme la candidate "pour la paix" : alors que sa popularité augmente, sa candidature est rejetée pour cause "d'erreurs notamment sur le format des dates", indique la commission. "Quand un si grand pays dépend de la décision d’une seule personne, cela entraîne parfois des conséquences surprenantes et malheureusement négatives...", déclarait-elle dans une vidéo postée sur son compte Telegram.
Boris Nadejdine, 60 ans, a également été écarté, le mois dernier : certaines des signatures requises pour pouvoir être candidat ont été jugées irrecevables. C’est le seul qui dénonçait ouvertement la guerre en Ukraine.
Pour montrer son opposition sans prendre de risques, la veuve d’Alexeï Navalny, l’opposant décédé en prison le mois dernier, fait cette proposition : elle appelle ses soutiens à aller voter au même moment, dimanche à midi. Ainsi, la contestation sera mesurable à la longueur des files devant les bureaux de vote.