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D'après un sondage publié hier par le Journal du dimanche, 52 % des Français sont satisfaits de la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre. Mais pour 74 % des sondés, il sera rapidement renversé. Marine Le Pen a confirmé ses craintes en déclarant lors de sa rentrée politique dans le Pas-de-Calais que le Premier ministre était, je cite, "sous surveillance". Est-ce que cela signifie que c'est désormais le Rassemblement national qui dicte l'agenda politique en France ?
L'équation paraît simple... À première vue, le gouvernement de Michel Barnier ne tiendrait qu’à un fil. Il connaîtra d’ici quelques jours ou quelques semaines sa première épreuve avec la déclaration de politique générale devant le Parlement. À cette occasion, la gauche a déjà annoncé qu’elle allait déposer une motion de censure. Mais cette motion ne recueillera pas la majorité, car le Rassemblement national ne la votera pas. Il est donc facile d’en déduire que Michel Barnier devra sa survie au bon vouloir de l’extrême droite.
Le quotidien de gauche Libération a d’ailleurs publié vendredi une couverture explicite. On y voyait une photo pleine page du Premier ministre tamponné par la formule "Approuvé par Marine Le Pen". Hier, lors de sa rentrée politique, la patronne du Rassemblement National l’a en quelque sorte confirmé en déclarant : "Nous n’accordons pas de blanc-seing. Si au fil des semaines, les Français devaient à nouveau être oubliés ou maltraités, nous n’hésiterions pas à censurer le gouvernement."
Sauf que pour renverser le gouvernement, il faudrait que le nouveau Front populaire et le Rassemblement National votent ensemble. Or, le RN ne soutiendra pas la censure déposée par la gauche à la rentrée parlementaire. Alors pourquoi le nouveau Front populaire soutiendrait-il plus tard une autre censure présentée, elle, par l’extrême droite ?
Chez les Insoumis, il y a une telle détestation d’Emmanuel Macron que, pour renverser son gouvernement, ils seraient prêts à pactiser avec le diable. Mais les Insoumis ne sont qu’une partie du Front populaire. Il n’est pas dit que les Verts ou les socialistes, voire les communistes, en feraient autant.
De plus, le Rassemblement national n’a pas intérêt à censurer Michel Barnier. Du moins, pas tout de suite. D’abord, parce qu’il veut consolider son image de parti respectable qui, contrairement aux Insoumis, ne sème pas le désordre. Et ensuite, parce que Michel Barnier va probablement instaurer le vote à la proportionnelle que le RN appelle de ses vœux. Et comme chaque jour qui passe nous rapproche d’une nouvelle dissolution, il n’y a pas d’urgence. Michel Barnier va bénéficier de ce qu’on appelle la "routine des lendemains". Les Français vont s’habituer à sa présence, le gouvernement va travailler et la pression va retomber jusqu’au prochain scrutin. Comme l’écrivait La Fontaine, "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage".