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"Pourquoi ont-ils tué mon neveu?": la police tire à balles réelles en marge des manifestations au Bangladesh

La police antiémeute a tiré samedi à balles réelles sur des manifestants au Bangladesh où l'armée, présente en force, patrouille dans les villes au lendemain d'une nouvelle journée d'affrontements meurtriers.

Le mouvement lancé par des manifestations d'étudiants et qui a fait au moins 123 morts cette semaine, selon un décompte réalisé par l'AFP à partir de données de sources policières et hospitalières, a incité la Première ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis 15 ans, à reporter des déplacements à l'étranger.


"Elle a annulé ses visites en Espagne et au Brésil en raison de la situation actuelle", a expliqué samedi à l'AFP son porte-parole Nayeemul Islam Khan.


Les manifestants dénoncent des quotas d'embauche dans la fonction publique qui profitent selon eux au pouvoir en place et réclament désormais la démission de Sheikh Hasina. 


Sillonnées par des militaires circulant à pied ou à bord de véhicules blindés, les artères de la capitale Dacca, une mégalopole de 20 millions d'habitants, étaient pratiquement désertes samedi à l'aube. 


Mais des milliers de personnes sont redescendues dans les rues du quartier de Rampura plus tard dans la journée et les policiers ont tiré sur elles, faisant au moins un blessé, a constaté l'AFP. 


La foule protestait contre le couvre-feu entré en vigueur à minuit et qui doit au moins durer jusqu'à dimanche 10H00 (04H00 GMT) sur l'ensemble du territoire bangladais. "Il y a de l'anarchie dans le pays (...). Les gens se font tirer comme des lapins", a dit à l'AFP l'un d'entre eux, Nazrul Islam, 52 ans.

"Mon neveu était si innocent. Il ne sait pas grand-chose. C'est un enfant ! Ils l'ont tué alors qu'il était innocent. Je veux que justice soit faite. Pourquoi ont-ils tué mon neveu ? Il n'a rien fait. C'est juste un étudiant", indique Shahida. "Le gouvernement illégitime essaie de tuer les étudiants. Ils tirent sur les étudiants comme des oiseaux, par tous les moyens possibles. Ici, une nouvelle personne arrive blessée toutes les 5 à 10 secondes, et toutes sont des étudiants."

Tués par balle


Les hôpitaux ont quant à eux signalé à l'AFP un nombre croissant de personnes tuées par balle depuis jeudi, les tirs des forces de l'ordre ayant été à l'origine de plus de la moitié des décès enregistrés depuis le début de la semaine, d'après les descriptions fournies par le personnel médical. "L'armée a été déployée dans tout le pays pour assurer le maintien de l'ordre public", a déclaré à l'AFP le porte-parole des forces armées, Shahdat Hossain.


Le bureau de la cheffe du gouvernement avait pris une décision en ce sens la veille, la police n'étant à nouveau pas parvenue à maîtriser la situation. "Des centaines de milliers de personnes" ont affronté vendredi à Dacca les forces de l'ordre, selon leur porte-parole, Faruk Hossain. "Au moins 150 policiers ont été admis à l'hôpital. Cent cinquante autres ont reçu les premiers soins", a-t-il raconté à l'AFP, ajoutant que deux d'entre eux avaient été battus à mort.

"Les manifestants ont mis le feu à de nombreuses guérites de police" et "beaucoup de bureaux gouvernementaux ont été incendiés et vandalisés", a en outre affirmé M. Hossain.


L'AFP a appris auprès du Dhaka Medical College Hospital que deux policiers avaient trouvé la mort samedi, tandis que quatre autres personnes admises en soins intensifs ont succombé à leurs blessures. 


Un représentant de Students Against Discrimination, le principal groupe organisateur des manifestations, a fait pour sa part savoir à l'AFP que deux de ses dirigeants avaient été arrêtés depuis vendredi.


Les autorités ont par ailleurs imposé dès jeudi une coupure nationale d'internet, entravant fortement les communications.
Les sites web du gouvernement demeurent inaccessibles et les principaux journaux, dont le Dhaka Tribune et le Daily Star, n'ont pas pu mettre à jour leurs comptes sur les réseaux sociaux. 


Bangladesh Television, le radiodiffuseur d'Etat, reste aussi hors d'état de poursuivre ses émissions après que son siège à Dacca a été incendié par des manifestants ce jour-là.
 

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