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La perspective du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ravive les inquiétudes au sein de l’OTAN, notamment concernant le soutien à l'Ukraine et la cohésion de l'Alliance. Si les dirigeants européens se montrent rassurants, l'imprévisibilité de l'ancien président et sa position ambiguë sur le rôle des États-Unis en Europe alimentent les spéculations.
Face aux déclarations de Donald Trump qui promet de "régler le conflit ukrainien en 24 heures" en négociant directement avec Vladimir Poutine, les diplomates européens s’interrogent sur l’impact d’un éventuel retrait ou désengagement américain.
Le professeur d'histoire Serge Jaumain, spécialiste des États-Unis, estime que cette hypothèse est plausible. Selon lui, Trump accorderait "peu de crédit au souhait de la population ukrainienne, et encore moins aux Européens". Il souligne également que les chancelleries occidentales, échaudées par l’élection de 2016, sont désormais mieux préparées à cette éventualité.
Pour Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN, les États-Unis joueront un rôle décisif dans la stabilité de l’Alliance : "Son leadership sera à nouveau un élément clé pour garder notre Alliance forte." Tout en multipliant les propos rassurants, Rutte a rappelé le besoin pour les alliés européens de poursuivre leurs efforts de défense collective, insistant sur une "Russie plus agressive" et l'alignement de certaines puissances comme la Chine et la Corée du Nord avec Moscou.
Tensions sur le soutien à l’Ukraine
La position de Donald Trump sur l’Ukraine inquiète, notamment après ses critiques sur les dépenses américaines pour soutenir Kiev. Rutte a cependant tenu à rappeler que Trump "comprend parfaitement" que la guerre en Ukraine dépasse les frontières de l’Europe et concerne directement la sécurité des États-Unis. Mais pour certains experts de l'OTAN, les déclarations rassurantes de Rutte seraient destinées à apaiser Trump, dont la politique pourrait déstabiliser les alliances.
Camille Grand, ancien responsable de l’OTAN et chercheur au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), voit deux scénarios possibles : une situation "désagréable mais pas catastrophique", comme lors du premier mandat de Trump, ou une rupture plus profonde, accentuée par l'entourage politique actuel de Trump, nettement moins favorable aux alliances.
Vers un repositionnement stratégique de l’Europe ?
Certains responsables européens, comme le ministre français des Affaires européennes Benjamin Haddad, appellent à renforcer l’autonomie stratégique du continent. Un diplomate de l’OTAN souligne que "si les États-Unis retirent leur aide, l'Europe ne peut pas immédiatement les remplacer".
Pour une partie des alliés, le retour de Trump pourrait paradoxalement devenir un levier pour solidifier leur indépendance militaire et renforcer leur unité.
En réponse aux exigences budgétaires de Trump, l’OTAN affiche une augmentation des dépenses militaires : 23 des 32 membres de l’Alliance atteignent aujourd’hui l'objectif de 2 % du PIB consacré à la défense, un niveau sans précédent. Rutte a affirmé que Trump trouvera, en janvier, une Alliance "plus forte, plus unie et plus importante" qu’à son premier mandat.
Pourtant, des voix comme celle de Camille Grand rappellent que les Européens, malgré leurs efforts, ne sont "pas encore prêts à prendre en charge l’essentiel de la sécurité de l’Europe et du soutien à l’Ukraine".
Une droite européenne encouragée ?
En Europe, le retour de Trump pourrait aussi galvaniser les figures de la droite populiste, notamment Viktor Orbán et Giorgia Meloni, qui voient en lui un allié potentiel. Orbán, qui organise un sommet européen cette semaine, a même annoncé qu'il célébrerait sa victoire avec du champagne.
Pour Serge Jaumain, cette dynamique pourrait "renforcer la droite dure en Europe", offrant un nouvel élan aux courants politiques qui prônent un éloignement de certaines alliances traditionnelles.
Le retour potentiel de Donald Trump en 2024 laisse l’OTAN dans une situation délicate, entre espoir de continuité et crainte de réformes imprévisibles.
La question reste ouverte : les États-Unis continueront-ils à jouer un rôle central au sein de l’Alliance, ou leur leadership sera-t-il redéfini sous l’impulsion d’une présidence Trump résolument axée sur les intérêts nationaux ?