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En Lorraine, le Rassemblement national brandit Frédéric Weber comme un trophée. Après 17 ans de syndicalisme chez ArcelorMittal, cet ancien militant de Force ouvrière a rejoint le parti lepéniste, "déçu par les fausses promesses de la gauche" avant la fermeture des hauts-fourneaux.
Sur les routes de France à l'approche des élections européennes du 9 juin, l'AFP a fait étape à Hayange (Moselle), un bastion du RN qui y dirige la ville et la circonscription.
Ici, à tous les coins de rue, on aperçoit au loin les deux cathédrales rouillées des hauts-fourneaux de l'acier de Florange, fermés depuis plus de dix ans maintenant malgré une bataille syndicale acharnée.
Frédéric Weber en était, avec la CFDT puis avec Force ouvrière, et il garde en travers de la gorge la harangue de François Hollande perché sur un camion aux côtés des syndicats lors de la campagne présidentielle 2012, qui n'aura pas empêché la fermeture un an plus tard.
"Tous les élus de gauche étaient avec nous à l'époque. Ils étaient censés nous sauver", martèle celui qui continue à travailler comme "infirmier au service santé" chez Mittal - l'entreprise a maintenu 2.200 emplois à Florange dans la production d'acier.
Alors après la déception, "Fred" s'est tourné lentement mais sûrement vers Marine Le Pen. Un premier vote pour le Front national en 2017, sans le claironner. Puis une rencontre cinq ans plus tard avec le nouveau député Laurent Jacobelli pour s'encarter au RN.
Une aubaine pour le parti d'extrême droite, qui tient une conférence de presse en 2023 pour annoncer ce ralliement symbolique.
Voilà désormais Weber 43e sur la liste de Jordan Bardella pour le scrutin européen. La place est non éligible, mais lui offre de la visibilité, en attendant - qui sait - son heure aux prochaines législatives: l'ancien syndicaliste réside au Val de Briey, dans une circonscription de la Meurthe-et-Moselle voisine remportée par LFI en 2022.
De "sensibilité de gauche" auparavant, le quinquagénaire explique sa bascule par les promesses "non tenues" et l'état "trop grave du pays" sur le plan "économique et social". Plus tard, ce fumeur en veste de cuir et jean évoque l'immigration, redoute ceux qui veulent "changer notre mode de vie", "imposer une religion" et le "halal", et s'étonne de ce "restau pakistanais qui ne vend pas d'alcool".
- "La tête polluée" -
Ancien de la CGT, son copain Jean Mangin s'apprête à glisser lui aussi un bulletin RN dans l'urne le 9 juin. "La fermeture partielle de la partie chaude de Florange, ça reste une plaie qui ne sera jamais refermée", dit le jeune retraité. "J'ai été voir des psys, j'avais la tête polluée".
Marine Le Pen aurait-elle sauvé les hauts-fourneaux ? "Je ne sais pas, ce sont tous des beaux parleurs, mais on s'accroche toujours à quelque chose pour espérer".
Pour "Coco" Mangin comme on l'appelle, "le problème principal de la France c'est la perte de souveraineté et d'autorité". Il votait encore Mélenchon il y a peu, raconte-t-il, mais ne comprend plus le leader insoumis: "le conflit israélo-palestinien, je ne vois pas trop ce qu'il vient faire dans les européennes".
Au pied des hauts-fourneaux, un supermarché Lidl s'est installé. Cathy Savary en ressort avec des dragées au chocolat et une bouteille de vin pour son compagnon. Elle n'ira pas voter le 9 juin, car "ils ne font rien pour le peuple". Le RN ? "Y a toujours le côté un peu raciste qui me bloque" même si le maire, Fabien Engelmann, "est plutôt bien".
A quelques mètres, toujours sur le parking, Alain vote RN pour "mettre un coup de pied dans la fourmilière" et n'a "pas honte de le dire". Bientôt retraité de La Poste, il pointe les "factures d'électricité astronomiques, alors qu'on habite à 25 kilomètres d'une centrale nucléaire", celle de Cattenom.
Devant la mairie, Slimane Laribi traverse la place comme une ombre. Le RN lui fait peur: il trouve que Marine Le Pen "est méchante et n'aime pas les Algériens". Quant à Macron, "c'est fini, y en a marre", souffle cet homme de 75 ans, fine moustache et veste sombre. "Tout est cher, je touche 900 euros de retraite. J'y arrive pas".