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Tous les enseignants en Fédération Wallonie-Bruxelles, de même que le personnel administratif et technique des écoles, sont appelés à se croiser les bras mardi pour une journée de grève, la première depuis l'installation de la nouvelle majorité MR-Engagés en juillet dernier.
Plusieurs piquets filtrants sont annoncés devant différents établissements, ainsi que la distribution de tracts dans plusieurs centre-villes de Wallonie.
Si les cours seront à coup sûr perturbés par cette grève, rappelons toutefois que les écoles sont tenues d'accueillir les enfants en garderie.
Réunis en front commun, les syndicats entendent dénoncer par cette action les économies que la nouvelle majorité va, selon eux, imposer à l'enseignement. Ce n'est d'ailleurs sans doute pas une coïncidence, cette grève intervient au moment où le parlement de la FWB examinera le projet de budget pour 2025.
Les organisations syndicales redoutent des mesures qui nuisent à la qualité mais aussi à l'accessibilité de l'enseignement, l'un des piliers de la démocratie. Les syndicats s'inquiètent particulièrement d'une nouvelle détérioration des conditions de travail des enseignants ainsi que de leur statut. "Tout d’abord, on est inquiet, en tant que professionnels, de l’avenir que l’on va réserver à notre métier. On ne sait pas à quelle sauce on va être mangé dès la rentrée prochaine", déclare Charlotte Dubrulle, enseignante à La Louvière.
Le nouveau gouvernement veut aussi revoir l'orientation vers l'enseignement spécialisé et ainsi réduire le nombre d'élèves qui s'y trouvent actuellement. "Je trouve qu'ils dénigrent la pédagogie. C'est important d'avoir quelqu'un de qualifié dans la classe. Les enfants vont être moins bien formés. L'enseignement spécialisé est oublié. Et quand, après, on va les avoir, ils seront en grande souffrance parce qu'ils seront restés dans l'ordinaire où même de très bonnes instits ne savent pas se couper en dix", déplore Cécile, enseignante maternelle et primaire dans l'enseignement spécialisé à La Louvière.
"Cortège funèbre pour enterrer l’enseignement qualifiant à Nivelles", nous écrit-on via le bouton orange "Alertez-nous".
Les craintes des syndicats
En ligne de mire, la décision polémique de la nouvelle majorité MR-Engagés de mettre fin à la staturisation des enseignants au profit de contrats à durée indéterminée. Jusqu'ici, les enseignants étaient nommés à vie dans une école et étaient donc fonctionnaires, c'est désormais un CDI que les nouveaux venus obtiendront. Un contrat auquel il est plus facile de mettre fin. En plus de cela, à l'analyse du projet de budget 2025, le secteur craint aussi une réduction des moyens pour l'enseignement qualifiant.
L'enseignement qualifiant, c'est l'enseignement technique et professionnel centré sur l'apprentissage concret d'un métier. Une diminution du nombre de professeurs et du matériel est prévue, mais il est aussi question de réorienter certains étudiants hors du circuit obligatoire. Les élèves majeurs qui ont décroché de l'enseignement obligatoire pendant un an ne pourront plus s'inscrire en 3e et 4e secondaire dans l'enseigenement qualifiant. Il en va de même pour les élèves qui ont un diplôme du CESS et qui ne pourront plus s'inscrire en 7e année dans cette filière.
"On est en train de créer une société à deux vitesses avec des élèves qui, soit ils suivent et tout ira bien, soit ils ne suivent pas et on va les éjecter du système scolaire. Ils devront se débrouiller pour avoir un diplôme ou une formation", explique Charlotte Dubrulle. "Je suis inquiète et écœurée en tant que maman", poursuit-elle, "j’ai deux petits enfants. Je ne sais pas quel avenir je vais leur offrir dans l’enseignement. On a de la chance, avec mon mari, on travaille tous les deux et on a les moyens de leur offrir des cours particuliers s’ils ont des lacunes, mais ce n’est pas le cas de tout le monde".
Je pense que c’est bien pire que dans les années 90
Du côté de Wavre, Christine Pauwels, enseignante à l’IPES et déléguée syndicale SLFP, s'est également exprimer à propos des objectifs poursuivis par cette mobilisation. "Le but de cette action est de dire Stop à toutes ces réformes qui viennent de sortir, au détriment de notre enseignement, au détriment des élèves. On va supprimer de nouveau des options et des CDI pour les profs. Le mot d’ordre, c’est que c’est un ras-le-bol depuis pas mal d’années. Je suis en fin de carrière, donc je me bats pour mes élèves et pour mes jeunes collègues, qui doivent se rendre compte de tout ce qui est en train de se tramer. Je pense que c’est bien pire que dans les années 90", souligne-t-elle. "Mes craintes pour mon école, c’est l’enseignement qualifiant. Ensuite, c’est la suppression des options. Et puis pour en arriver à régionaliser cet enseignement qualifiant. On en a besoin. Ensuite, les profs CDI, ça va améliorer quoi ? Il y énormément de choses. C’est donc une action de sensibilisation où on distribue des tracts."
Les syndicats estiment l'impact à quelque 500 emplois au moins. Ils fustigent aussi la réduction budgétaire annoncée pour les établissements relevant de Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE, ex-Communauté française), ainsi que la diminution des dotations aux établissements supérieurs à hauteur de 6,5 millions d'euros.
De son côté, le gouvernement justifie ces mesures d'économies par la situation budgétaire dégradée de la FWB. Il assure toutefois que les "missions essentielles" de l'enseignement ne seront pas affectées.