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"Ça donne l'impression qu'on a le droit de polluer": décriés par les écolos et adorés des multinationales, c'est quoi les crédits carbone?

On a beaucoup parlé des crédits carbone à la COP28. Ce système, plébiscité par les grandes multinationales, est utilisé pour compenser leur bilan carbone. C’est également une source de liquidité pour les pays en développement. Mais ce système est aussi décrié par les ONG environnementales qui critiquent un "droit de polluer" pour les gros portes-monnaies. 

Pour bien comprendre les crédits carbone, voici un exemple fictif.

Prenons une entreprise dont les ventes ont été bonnes cette année. On a produit plus, ce qui signifie que les machines ont plus tourné que l’an dernier. Cette usine (fictive) a donc émis plus de CO2. Environ 300 tonnes de dioxyde de carbone supplémentaires...

Pour l'image de l'entreprise et ses objectifs climatiques, c'est un problème. La direction a choisi de compenser son impact sur l'environnement grâce aux "crédits carbone".

Dans le champs situé à côté de l'usine, un agriculteur a complètement revu sa façon de produire. Il laisse notamment un couvert végétal, ce qui permet d'absorber jusqu'à 300 tonnes de CO2 dans le sol, soit 300 crédits carbone qui peuvent être ensuite achetés par ladite entreprise. Celle qui a plus pollué cette année, donc.

L'objectif est d'améliorer son bilan carbone mais aussi pour de soutenir la démarche de transition écologique de son voisin. Autrement dit: ces crédits achetés soutiennent le développement de l'agriculteur mais permettent aussi à l'entreprise d'améliorer son propre bilan carbone.

Aujourd'hui, un crédit carbone coûte entre quelques dizaines à plusieurs centaines d'euros, en fonction de la technique de captation de CO2 utilisée, mais aussi des fluctuations des prix du marché. 


En Afrique, un poumon du monde

Ces crédits carbone permettent aussi de financer des projets environnementaux à l’étranger. Dans la savane kenyane, par exemple, des hommes calculent les quantités de carbone captés par une forêt semi-aride. "Ils mesurent le diamètre à hauteur de pointrine, la hauteur de l'arbre et la taille de la canopée", précise Geoffrey Mwangi, scientifique en chef de Wildlife Works.

Autrefois, ces arbres étaient coupés pour fournir du bois de chauffage à la population et donc source d’émission de CO2. Ils sont désormais préservés grâce au crédits carbone achetés par des multinationales comme Netflix ou Shell. 

L’Afrique abrite la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, de gigantesques écosystèmes qui agissent comme des puits de carbone. Pourtant, le continent produit seulement 11% des crédits carbones de la planète. Une situation que certains dirigeants africains veulent voir changer. "La restauration et l'expansion des puits de carbone naturels de l'Afrique ne sont pas seulement un impératif environnemental: ils constituent une mine d'or économique sans précédents", note William Ruto, le président du Kenya, lors d'une conférence sur le sujet.

Un marché mitigé

Le marché des crédits carbone pèse actuellement 2 milliards de dollars. Sa valeur pourrait quintupler d’ici 2030.

Source de liquidités et d’emploi, ce système est aussi décrié par les défenseurs de l’environnement comme Greenpeace. "Ça donne l'impression qu'on a le droit de continuer à polluer, ça donne l'impression que si on paye, on peut continuer à détruire l'environnement", se désole Antoine Collard, porte-parole de l'ONG.

Les crédits carbones suscitent aussi la méfiance des investisseurs, refroidis par le manque de régulation et la très forte volatilité du secteur. 

 

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