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Nouvelle agression d'un chauffeur TEC: pourquoi cette hausse de la violence contre les employés de la fonction publique?

Les agressions contre les agents des transports publics et autres fonctionnaires sont en forte hausse, avec des conséquences graves tant pour les victimes que pour les services concernés. Pourquoi cette violence augmente-t-elle et quelles solutions sont envisagées pour y faire face ?

"Le conducteur a ouvert la porte, la personne est entrée, l'a giflé et ressortie en arguant qu'il n'y avait pas assez de bus ou les bus étaient en retard sur sa zone", raconte Michel Kovaric, conducteur de bus et délégué CGSLB. Cet acte "totalement gratuit" a eu lieu à Trazegnies, au cours de la soirée du 3 septembre. Le lendemain, de nombreux bus du réseau TEC ne roulent pas, les chauffeurs ayant lancé un mouvement de grève spontané.

Il s'agit de la deuxième agression sur un chauffeur TEC depuis la rentrée. En 2023, il y a eu 150 agressions. Et pour 2024, de janvier à juillet, 108 quand on compte toutes les provinces.

Celles-ci se multiplient ces derniers temps. "On remarque beaucoup d'agressions physiques, mais également des agressions verbales qui sont quasiment quotidiennes, des noms d'oiseaux qui circulent, c'est assez désagréable", confirme le délégué syndical.

Plus généralement

Selon les chiffres du syndicat SLFP, il y a eu 15% d'enregistrements de faits de violence contre des fonctionnaires de plus entre 2019 et 2023. En ce qui concerne la SNCB, les chiffres sont tout aussi interpellants. En 2023, De Lijn, la SNCB, la STIB et le TEC ont recensé 5.598 cas d'agressions physiques et verbales à l'encontre de leurs agents.

Toujours selon la SLFP, chaque jour, près de cinq fonctionnaires signalent à la police avoir été agressés ou blessés. Ce sont surtout les policiers qui sont les principales victimes, mais des employés d'autres services publics sont également agressés.

L'année passée, il y a eu 1.761 PV établis pour des coups ou blessures infligés à des fonctionnaires. Plus de la moitié résultaient de violences contre des agents de police, soit 937 signalements en 2023. Venaient ensuite des violences envers du personnel médical (347), contre des agents des transports publics (320) et enfin envers du personnel d'autres services publics.

Ces chiffres ne sont en réalité que la partie visible de l'iceberg. De nombreuses victimes choisissent de ne pas signaler les abus.

Quelles sont les agressions subies ?

Le plus souvent, ce sont des agressions verbales que vivent les fonctionnaires, comme des insultes, des cris, de l'humiliation. Parfois, cela passe à la violence physique. Des employés se font pousser, frapper ou reçoivent des coups de pieds. À la SNCB, cela concerne quatre agressions sur 10.

Anthony Deprez est délégué syndical CSC Services publics. Il dit observer un climat de tension parmi les chauffeurs : "Nous, dans notre métier, au même titre que qui que ce soit d'autre, on est là pour entamer notre journée, la passer correctement et la terminer. Pas pour partir la peur au ventre en se disant 'qu'est-ce qui va encore m'arriver à moi, ou si c'est pas moi aujourd'hui, qui ce sera?'".

Plusieurs explications

Mais comment expliquer ces actes envers les fonctionnaires ? Plusieurs explications sont possibles. Isabel Verwee est Knowledge Group Manager à l'Institut VIAS et a participé à la rédaction d'un rapport sur la violence et l'agressivité à l'encontre des travailleurs exerçant une fonction publique. Le document se concentre principalement sur les pompiers et les travailleurs des services d'urgence. "Il y a une certaine agressivité qui a lieu, pas spécialement envers la personne, mais plutôt envers la société. Il y a une rébellion contre tous ceux qui ont un uniforme", assure-t-elle. "C'est pour ça, par exemple, que durant le nouvel an, il y a parfois des feux d'artifice qui sont envoyés sur les pompiers".

La chercheuse relève aussi le fait que de nombreux agresseurs sont sous l'influence d'alcool ou de drogue. D'autres, expliquent leur geste par l'insatisfaction vis-à-vis du service offert : "Hier, il était en retard et il est de nouveau une minute en retard,… ça peut créer aussi une certaine tension. C'est l'agression de frustration".

Des conséquences sur les victimes, mais pas seulement

Les conséquences de ces actes violents peuvent être graves. Tout d'abord, pour les victimes. "Ces gens-là se retrouvent obligés de se mettre en arrêt-maladie parce qu'ils doivent se faire soigner. Même psychologiquement, c'est jamais évident dans ce genre de cas-là", explique Anthony Deprez.

"Il y a beaucoup de personnes qui disent, 'à cause de l'agression la plus flagrante que j'ai vécue, je suis très tendu, je dors mal'. Il y a même un quart des répondants de notre enquête qui ont dit avoir pensé à changer de travail. Ça a des conséquences physiques et des conséquences psychologiques qu'on ne voit pas toujours. Du stress, de la tension, et du mauvais sommeil", complète Isabel Verwee.

C'est un peu le serpent qui se mord la queue

Les arrêts-maladie, causés par les agressions, ont aussi des conséquences pour l'organisation même du service public en question : "C'est un peu le serpent qui se mord la queue", explique Anthony Deprez. "Le problème est qu'être en maladie implique qu'il y a constamment un manque de personnel. Ce manque de personnel a du mal d'être pallié. Entre-temps, il y a une nouvelle agression qui fait que de nouveaux arrêts de travail se font. Et en fait, c'est une chaîne sans fin", décrit le syndicaliste.

L'an dernier, 450 travailleurs de la SNCB ont été absents en raison d'une agression. Cela représente 9.200 jours d'incapacité au total. L'impact sur la ponctualité et le nombre de trains supprimés est croissant.

Le syndicaliste de la CSC constate aussi une conséquence sur le recrutement du personnel : "Pour l'instant, on est dans une période où on est dans l'obligation d'engager du personnel. Le souci est que maintenant, démarcher du personnel est assez compliqué. Certaines personnes peuvent être amenées à s'intéresser au métier, ils viennent passer une formation et une fois terminée, ils voient un peu ce qu'il en est réellement du métier, et se retrouvent dégoûtés", regrette-t-il.

Quelles solutions?

Que faire contre ces agissements ? Anthony Deprez rapporte que les chauffeurs réclament "une augmentation de la sécurité à bord des véhicules, une communication plus simple avec les services de police, une présence bien plus visible de la société des contrôleurs, une augmentation du nombre d'agents de police sur place et des interventions plus rapides de la police".

On ne peut pas le prendre à bras-le-corps tout seul

Le porte-parole du TEC, Stéphane Thiery, évoque les campagnes de sensibilisation pour diminuer ces agressions. "Mais aussi sur l'accompagnement de nos conducteurs, sur des moyens technico-préventifs aussi", dit-il. "L'ensemble de nos bus sont dotés de caméras et tout est filmé. Certains arrêts aussi. On ne peut pas le prendre à bras-le-corps tout seul. Il faudra d'autres acteurs avec nous et notamment qui vont utiliser ces images et qui vont nous aider à améliorer ces chiffres."

"Il faut d'abord accélérer les interventions de police quand elles sont demandées par le dispatching", affirme-t-il. "Et intensifier éventuellement les contrôles communs. Les parquets doivent également aller plus vite dans le traitement des dossiers. Je vous disais, zéro tolérance. On fera un dépôt de plainte systématique. Et pour finir, il faut aggraver la peine."

Isabel Verwee, de Vias, propose une approche différente : "Il y a la responsabilisation qui est très importante. C'est à nous de réaliser et à nous de discuter avec nos enfants, avec tout le monde, pour dire qu'on ne tolère pas la violence", explique-t-elle.

Un autre aspect est la communication avec le public : "Parfois, les personnes ne comprennent pas vraiment en quoi la profession consiste, ou alors les personnes ne sont pas au courant du retard", propose-t-elle également.

Les quatre sociétés de transports en commun lancent ponctuellement des campagnes de communication, pour rappeler aux usagers de rester respectueux envers les employés. La dernière, datant d'avril 2024, met en scène 12 collaborateurs de la SNCB, de la STIB, du TEC et De Lijn, en montrant qu'ils sont au quotidien, en dehors de leur travail : "Nos collaborateurs sont plus que leur job. Ils méritent le respect".

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