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La Niña, un phénomène climatique dans l’océan Pacifique, pourrait se développer d’ici la fin de l’année, avec des effets climatiques viariables en fonction du globe. Après deux années marquées par El Niño, la tendance pourrait donc s'inverser dans les prochaines semaines. Avec quel impact pour la Belgique ? Doit-on se préparer à connaitre un hiver particulièrement froid ?
Selon l'Organisation météorologique mondiale (OMM), La Niña pourrait se manifester d'ici la fin de l'année, avec une probabilité estimée à 60 %. Bien que ce scénario soit légèrement moins probable pour la période de septembre à novembre, il devient plus plausible entre octobre et février. La Niña provoque des effets inverses à ceux d'El Niño, qui accentue les sécheresses dans des régions comme l'Australie, certaines parties de l'Asie et des Amériques.
La Niña, qu'est-ce que c'est ?
La Niña est un phénomène climatique faisant partie du cycle naturel appelé El Niño-Southern Oscillation (ENSO), qui se déroule selon des cycles irréguliers de 5 à 7 ans et comprend trois phases : El Niño, La Niña et une phase neutre. La Niña se distingue par un refroidissement des eaux de surface dans le Pacifique central et oriental, d'environ 1 °C en dessous de la moyenne. Ce phénomène se produit lorsque les alizés, des vents soufflant d’est en ouest le long de l’équateur, se renforcent et poussent les eaux chaudes vers l’ouest, près de l'Asie, permettant aux eaux plus froides de remonter à la surface dans la région du Pacifique oriental, proche de l’Amérique du Sud.
"On parle souvent de courant froid. Or, ce n'est pas exactement un courant, dans le sens où ce n'est pas de l'eau qui bouge d'un endroit à un autre. C'est plus l'état de l'océan qui oscille entre deux régimes : un régime chaud qu'on appelle El Niño et un régime froid qu'on appelle La Niña", explique François Massonnet, climatologue FNRS à l'UCL. "Et l'océan dont on parle, c'est l'océan Pacifique central, donc c'est vraiment très loin de chez nous. C'est entre les côtes sud-américaines et l'Indonésie. Et donc, ces eaux équatoriales pacifiques passent d'un état plus chaud que la normale à un état plus froid que la normale environ tous les 5-7 ans. Ça dépend un petit peu des fois."
Il n'existe aucune cause liée aux activités humaines derrière ce phénomène ; il s'agit d'un processus naturel qui se produit depuis des millénaires et qui est directement lié à la configuration géographique et océanique spécifique à cette région du globe.
Si l’on observe un planisphère et que l’on se concentre sur le Pacifique, on remarque que cette zone est presque entièrement constituée d’océan, sans interruption avec les continents. C’est la région du globe qui contient la plus grande étendue d’eau. Lorsque l’eau dans cette zone est anormalement chaude ou froide, cela a un impact direct sur les températures mondiales. "Quand on fait la moyenne sur l'ensemble de la planète, le fait que ces eaux équatoriales pacifiques soient anormalement chaudes ou froides, comme elles représentent une grande surface, arithmétiquement, ça va faire une moyenne qui est souvent plus haute ou plus basse que l'année précédente", précise l'expert.
Ainsi, durant les années El Niño, les températures mondiales atteignent souvent des records par rapport à l’année précédente. À l’inverse, durant les années de La Niña, les températures globales tendent à être légèrement inférieures à celles de l’année précédente.
Cependant, une année La Niña n’atténuera pas l’effet global du changement climatique observé depuis 1850. "La température mondiale ne reviendra pas aux niveaux pré-industriels. Au mieux, on assistera à une année légèrement moins chaude, avec une baisse de 0,1 à 0,2 degrés par rapport à l’année précédente", indique François Massonnet. Or, les températures actuelles sont en moyenne 1,1 à 1,2 degrés au-dessus des niveaux pré-industriels, ce qui montre que l’effet de La Niña est "environ dix fois moins important" que celui du réchauffement climatique. "C'est vraiment quelque chose d'extrêmement ponctuel et local, avec une influence très limitée sur la température moyenne mondiale puisque cette zone, même si elle est grande, ne couvre qu'une partie de la Terre", souligne-t-il.
Ce refroidissement anormal de l’océan a des répercussions globales sur le climat. Les effets de La Niña varient selon les régions, mais ils incluent généralement des conditions plus humides et plus fraîches dans certaines parties du globe et des conditions plus sèches et plus chaudes ailleurs. "Lorsqu’un phénomène El Niño se produit, les zones de précipitations se déplacent vers l’Amérique du Sud, rendant l’Australie plus sèche que la normale. À l’inverse, pendant La Niña, les pluies se déplacent vers le bassin indonésien, où l’Indonésie reçoit davantage de précipitations, tandis que certaines zones d’Amérique du Sud deviennent plus sèches", ajoute le spécialiste du climat.
Il existe également des effets indirects sur l’Amérique du Nord : la Californie connaît des périodes plus chaudes et sèches, tandis que des régions plus au nord, comme l'Alaska, peuvent devenir plus froides et humides.
À quoi faut-il s'attendre chez nous ?
Si La Niña influence le climat dans plusieurs régions du monde, reste à savoir quel effet ce phénomène pourrait avoir en Belgique. Selon François Massonnet, il n'existe en réalité aucun impact notable sur le climat belge. "Scientifiquement, il n'est pas encore établi que La Niña ait un impact sur notre pays, notamment parce que la zone concernée, le Pacifique central, est extrêmement éloignée, à plusieurs milliers de kilomètres. Notre climat est davantage influencé par des phénomènes locaux, tels que les températures sur l'océan Atlantique, ce qui se passe dans les tropiques, notamment autour du bassin indien, ou encore les conditions en Arctique."
Scientifiquement, il n'est pas encore établi que La Niña ait un impact sur notre pays
Pour le chercheur du FNRS, "ce n'est pas parce qu'il fait anormalement froid dans le Pacifique central qu'on va avoir un hiver glacial ou un été 2025 inexistant en Belgique." Autrement dit, les liens statistiques entre les régimes El Niño, La Niña et notre météo sont difficiles à établir. "Selon l’état actuel des connaissances, il n'y a pas d'effet direct des événements dans le bassin tropical sur l'hiver belge. Je peux vous trouver autant d'hivers plus chauds que la moyenne que d'hivers plus froids pour des régimes El Niño ou La Niña. Il n'y a pas de règle pour nous."
Bien que La Niña ait des effets objectivés dans certaines parties du monde, cela ne s'applique donc pas encore à la Belgique. "Peut-être qu'avec davantage de données dans 100 ans, un lien formel pourra être établi, mais actuellement, ce n'est pas le cas", conclut le climatologue.