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Décryptage - l'Eurovision est-il devenu trop kitsch ?

Outre la performance vocale des artistes, l'Eurovision, c'est aussi une flopée de tenues vestimentaires en tout genre, faisant de l'évenement musical un véritable défilé de mode avant d'être un concours de chant. Des looks qui, s'ils sont souvent extravagants, frisant parfois avec le kitsch, ne laissent jamais indifférents. Ce qui amène certains observateurs à se poser la question, n'en fait-on pas un peu trop ?

Crée en 1956 par l'Union Européenne de Radio-Télévision, le concours Eurovision de la chanson s'est rapidement imposé comme étant l'un des plus grands rendez-vous musicaux à travers le monde. Si la notoriété de cet événement n'est plus à faire, le concours de chant a pourtant longtemps souffert d'une image un peu ringarde, celle d'une compétition caricaturale où les artistes portent des accoutrements de plus en plus osés et extravagants. Au point d'être devenu carrément kitsch ?

Extravagant plutôt que kitsch 

"Kitsch, non, même si c'est vrai qu'on disait ça par le passé, mais quand on voit les shows qui sont proposés aujourd'hui, ce n'est plus vraiment le cas", précise Pierre Bertinchamps, journaliste chez Télépro et spécialiste de l'Eurovision. Comment ne pas penser au groupe ABBA qui, en 1974, avait porté des costumes pailletés et dépareillés dont tout le monde se souvient, mais que "personne n'aurait porté en rue". Le spécialiste préfère néanmoins parler d'extravagance de nos jours, s'appuyant sur la performance détonante du chanteur Olly Allexander pour la Grande-Bretagne lors de l'édition 2024. "Les chanteurs qui y participent sont comme ça. Par exemple, le gagnant Nemo qui représente la Suisse parle de sa non-binarité dans sa chanson. Forcément, il porte une jupe tout en ayant l'air d'un garçon. Ça colle avec la chanson et ce qu'il a montré sur scène. Les costumes vont donc de pair avec les personnages qui montent sur scène" explique Pierre Bertinchamps, qui précise néanmoins qu'on ne verrait pas spécialement cela ailleurs à la télévision, car cela pourrait "dérouter" le public.

L'importance du show

Les paillettes, la strass et la théâtralité parfois exacerbée, c'est un peu la marque de fabrique du coucours de chant. Ou du moins, ça l'est devenu au fil du temps puisque l'Eurovision a considérablement évolué ces dernières années. "Au tout début de l'Eurovision, on avait un chanteur ou une chanteuse qui venait dans son plus beau costume ou dans sa plus belle robe devant un micro, avec peut-être deux caméras, sans grand décor derrière. Ils chantaient et puis s'en allaient. Alors que maintenant il y a tout un énorme show, mais aussi toute sorte de polémiques qui gravitent autour. Le public regarde pour tout ça, car il sait qu'il passera une bonne soirée." En 2018, la Belgique avait pourtant misé sur la sobriété en décidant de ne pas faire de show avec l'artiste Sennek, qui chantait simplement derrière un micro. Résultat, elle n'est pas passée en finale. "Aujourd'hui, si on n'apporte pas quelque chose en plus, on ne réussit pas. Parfois, c'est très extravagant, parfois, c'est beaucoup plus simple." Le journaliste prend exemple sur Slimane qui, lors de cette édition 2024, était habillé de façon beaucoup plus classique. "Mustii avait un costume qui, même s'il ne prendrait pas le métro avec, correspond à ce qu'il met en général sur scène. C'est donc lié à la chanson, au personnage." Le spécialiste admet tout de même que les tenues des artistes sont particulièrement scrutées, car "cela amuse sans doute un peu les gens". Comme lorsque l'un des membres du groupe finlandais a fait sensation en terminant nu sur scène.

Les "monstres" Lordi

"Fin des années 90 et début des années 2000, l'Eurovision est tombé en désuétude, les audiences étaient moins bonnes. Et puis dans les années 2000, on a commencé à revoir un peu de show. Et dès qu'on voit un peu de show, il y a toujours un artiste qui veut être un ovni par rapport aux autres." Souvenez-vous du groupe finlandais "Lordi", habillés en monstres, qui avaient remporté l'édition 2006. "Cette volonté de se démarquer a amené une surenchère" comme l'explique le journaliste. "Si ça a marché en portant un masque, ou en s'habillant en drag queen, alors pourquoi ne pas suivre cette voie ? Et puis finalement tout le monde a voulu faire la même chose, la mayonnaise a pris et les audiences sont désormais bien meilleures." Si le choix d'une tenue ne peut à lui seul faire gagner un candidat, au mieux, celui-ci lui fera gagner "quelques votes" indique-t-il. "Ce n'est pas non plus déterminant, si un artiste chante mal, cela ne le fera pas gagner."

Un phénomène loin d'être nouveau

Si ces extravagances vestimentaires sont devenues peu à peu la "marque de fabrique" du concours de l'Eurovision, il y a bien longtemps que certains artistes osent des choix vestimentaires plus audacieux, voire excentriques. On se souvient d'un Elton John arborant un costume entièrement pailleté lors d'un concert à Londres en 1973. Ou encore lorsqu'il revêt quelques années plus tard un style Punk avec une crête rose bonbon et un costume noir avec des étoiles dorées. David Bowie n'était pas en reste non plus, lui qui arborait des tenues plus originales les unes que les autres. "Regardez Davd Bowie, Elton John ou encore Queen à leur époque. Toutes ces tenues décalées, portées par les artistes ne datent pas d'hier, cela n'a rien de nouveau. L'Eurovision n'a rien inventé. Si ce n'est que comme vous avez 37 pays qui passent en une semaine, vous allez forcément en voir quelques-uns avec des tenues décalées. Ce qui peut renforcer cette impression-là" conclut Pierre Bertinchamps. Malgré l’élimination du chanteur belge Mustii, la finale du Concours Eurovision de la chanson a attiré plus d’un million de téléspectateurs belges lors de cette édition 2024.

 

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