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Les partenaires de la majorité au sein du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles traversent une nouvelle crise, après le dépôt par le PS et Ecolo d'une proposition de réforme du décret paysage. Réforme qui vise à renforcer l'accessibilité aux études et garantir la finançabilité des étudiants. Pour le président du MR, ce décret paysage "vaut une chute de gouvernement". Est-ce réellement possible? Décryptage.
Le décret paysage fait encore couler beaucoup d'encre. A partir de septembre 2024, de nombreux étudiants risquent de se retrouver exclus de l'enseignement supérieur, car déclarés "non finançables". En cause? Des règles comme le fait de devoir réussir sa première année de bachelier en deux ans maximum. Certains étudiants auraient dès lors trop traîné pour engranger le nombre de crédits nécessaires à la poursuite de leurs études.
Pour répondre à cette problématique, deux des trois partis de la majorité au sein du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles envisagent une réforme de ce décret paysage. PS et Ecolo ont en effet annoncé le dépôt d'une proposition commune de décret modificatif "en vue de renforcer l'accessibilité aux études, de garantir la finançabilité des étudiants et d'instaurer un pilotage chiffré", peut-on lire sur le site de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Les règles actuelles du décret paysage avaient pourtant été votées - et donc validées - par l'ensemble des partis de la majorité en 2021. Cette décision met donc à mal la coalition PS-MR-Ecolo et n'a pas manqué de faire réagir le président libéral Georges-Louis Bouchez. Il s'est exprimé dans les colonnes du Soir, estimant que ce décret paysage valait "une chute de gouvernement."
Un gouvernement peut-il tomber?
Mais peut-on réellement parler de "chute" du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles? Nous avons posé la question à Pierre Vercauteren, politologue et enseignant à l'UCLouvain. Il nous explique : "On ne peut pas dire que c'est une chute à proprement parler, mais plutôt une paralysie."
On parle de paralysie d'un gouvernement, lorsque l'un des membres de la majorité se retire. Tout se trouve ainsi bloqué. Dans le cas de figure actuel, si le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles venait à "se bloquer", il faudrait simplement attendre les prochaines élections qui ont lieu dans 67 jours. Puisque "la prochaine échéance électorale concerne tous les niveaux de pouvoir", comme le rappelle le politologue.
Mais dans tous les cas, pour les entités fédérées dont la Fédération Wallonie-Bruxelles fait partie, il n'y a pas d'élections directes organisées en cas de paralysie d'un gouvernement. Une dissolution anticipative n'est pas possible. Les partenaires de la majorité doivent alors composer avec la même proportion de sièges et tenter de former un nouveau gouvernement, qui sera souvent fort similaire au précédent. "Pour former une majorité, on se base sur les résultats des élections précédentes, note Pierre Vercauteren. La majorité se fait au cas par cas, par les régions. Mais il faut un accord entre les partis pour qu'une nouvelle majorité soit créée", ajoute-t-il.
Il ne faut pas surévaluer l'importance de la situation.
Le politologue insiste cependant sur le contexte électoral actuel: "Ça dramatise un peu l'enjeu, mais il ne faut pas surévaluer l'importance de la situation. Elle va continuer à se tendre entre les partis, car on est dans un contexte de concurrence électorale. En-dehors de ce contexte, cela tendrait les rapports entre les partis de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi avec les autres niveaux de pouvoir dont les partis sont membres."
Des élections anticipées pour le gouvernement fédéral
Pour le gouvernement fédéral, la situation est un peu différente: si celui-ci venait à "tomber", hors contexte électoral, les partis de la majorité chargent le Premier ministre de présenter une démission au Roi. Il est alors possible de voir si une nouvelle coalition est envisageable, cela peut prendre plusieurs semaines voire plusieurs mois.
Si aucune solution n'est trouvée, des élections anticipées sont alors organisées dans les 40 jours suivants la dissolution du gouvernement. Et les citoyens sont invités à retourner aux urnes. "40 jours, c'est le temps estimé qu'il faut pour organiser des élections. Mais il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à 40 jours, on peut organiser ça plus rapidement. Ça n'a pas beaucoup de sens, mais on peut l'imaginer", nous explique Pierre Verjans, politologue à l'Université de Liège.
Par contre, si des élections sont prévues dans les prochains mois, on attendra leur tenue pour voter à nouveau comme ça a été le cas en 2018, lorsque la N-VA a quitté le gouvernement fédéral de Charles Michel. "Les autres partis ont 'bricolé' une solution : ils ont dit au Roi qu'ils allaient faire un gouvernement en affaires courantes et l'opposition s'est engagée à ne pas poser la question de la confiance. Car c'était évident que le gouvernement n'avait pas la confiance de la Chambre. Ils ont utilisé l'argument des élections prévues en 2019", conclut le politologue.