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Besoin d'espace, marre des ronflements ou des gigotements... Les raisons peuvent être nombreuses pour avoir envie de ne plus dormir dans le même lit pour un couple. Cette pratique, bien qu'encore très minoritaire, a déjà bon nombre d'adeptes. En France, 16 % des couples font ou aimeraient faire chambre à part, selon Radio France. Cela revient à un couple sur six.
Le lit, juge de paix des couples ?
"Le lit est un révélateur très puissant de l’état du couple ainsi que des évolutions conjugales", soulignait le sociologue Jean-Claude Kaufmann dans un entretien au journal Le Monde, en 2015. "Plus fondamentalement, il symbolise à lui seul cette grande contradiction qui rend aujourd’hui le couple si difficile à construire : nous rêvons d’amour, nous ressentons le besoin d’une présence attentionnée à nos côtés, mais nous ne voulons pas disparaître en tant que personne autonome", ajoute-t-il.
Si aujourd'hui, il semble aller de soi que les couples doivent partager la même chambre et le même lit, il n'en a pas toujours été le cas. En réalité, c'est en grande partie des œuvres de l'Église catholique : "L'Église catholique fait du mariage un sacrement au XIIIe siècle. Le théologien Thomas d'Aquin déclare : 'Le couple doit avoir son lit et sa chambre'. L'Église mise sur la conjugalité pour maîtriser la société. Mais les femmes subissent l'appétit sexuel des maris. Le lit devient un lieu d'affrontement comme l'attestent les textes de confession", analyse l'historienne Michelle Perrot en 2012 au journal Le Monde.
Le fait est qu'au 21e siècle 84 % des couples souhaitent dormir ensemble. Selon Cécilia Commo, psychanalyste, thérapeute de couple et sexologue :"Il y a quand même énormément de gens qui aiment dormir dans les bras de l'être aimé. Il y a quelque chose au niveau du toucher, au niveau de la promiscuité qui rassure beaucoup de gens avant de s'endormir". "La chaleur d’un corps présent peut donner une qualité de sommeil supérieure. Ça se voit chez certains primates qui dorment les uns collés aux autres", rapporte le docteur en psychologie et sexologue Pascal De Sutter.
Alors, pourquoi faire chambre à part ?
Mais la notion de couple ne cesse d'évoluer et la part du bien-être individuel prend une place de plus en plus grande. "On aspire à être bien avec l'autre, mais on porte aussi une attention accrue à ce qu'il ne nous 'écrase' pas et n'entrave pas notre épanouissement et notre bien-être personnel", déclarait le sociologue Jean-Claude Kaufmann, cité par le journal Le Point.
Ce besoin de prendre soin de soi peut éveiller plusieurs facteurs de frustration et faire germer cette idée. Des facteurs qui sont tous très personnels.
Avant tout, les professionnels du secteur s'accordent à dire que faire chambre à part n'est absolument pas un signe de déclin dans la relation ou que le couple va mal. "Il faut identifier la cause : est-ce un besoin de distance par rapport à un mal-être ou parce que c’est lié à un manque de sommeil ?", questionne la sexologue Marie Tapernoux. "Quand un couple arrive à un stade où il y a des problèmes, il peut y avoir un besoin de créer de l’espace."
Les "problèmes" ici évoqués par la spécialiste peuvent être de tout type : des ronflements, des gesticulations, des rythmes différents... Autant d'exemples qui peuvent nuire à la qualité du sommeil. Vouloir passer des nuits réparatrices en s'éloignant des ronflements de Monsieur ou des coups de pied de Madame, voilà typiquement ce qui peut pousser un couple à franchir ce pas.
Sans avoir de "problème" particulier, l'envie de faire chambre à part peut également venir avec l'âge et l'évolution de la famille. "Ça peut arriver quand les enfants ont quitté le nid et que des chambres se libèrent", note encore Pascal De Sutter.
L'importance de la communication
Que ce soit pour une ou plusieurs raisons, l'idée de faire chambre à part doit être finement abordée. Une bonne communication est indispensable, autant qu'une bonne écoute de la part du partenaire. Pour Pascal De Sutter, "quand les choses sont expliquées avec bienveillance, en écoutant l’autre, tout est acceptable. Le plus important, c'est de ne rien imposer".
Tout comme pour les raisons qui peuvent pousser à vouloir faire chambre à part, l'accord du couple pour que ça se passe bien est très personnel. "Je conseille de rythmer ça dans la semaine", recommande la sexologue Marie Tapernoux. "Par exemple, on dort séparés durant les jours de travail puis ensemble durant le week-end parce qu'on peut récupérer autrement". "Mais, ajoute-t-elle, ça reste important d'avoir des moments d'intimités."
La fin de la sexualité ?
Docteur en psychologie et sexologue, Pascal De Sutter assure que le fait de dormir dans une chambre autre que celle de son partenaire "n'est pas toujours le signe d'une baisse de la sexualité". Pour certains, ça pourrait même avoir des résultats stimulants. "Quand on est tout le temps collé à une personne, on peut avoir un peu moins d’attirance pour elle et prendre un peu d’espace peut stimuler l’attirance."
D'autant que dormir séparément ne signifie en aucun cas ne plus avoir de relations sexuelles. "Il est tout à fait concevable pour un couple de faire l'amour dans la chambre de l'un ou de l'autre, puis de retourner dormir chacun de son côté. Tout est toujours possible et dépend des personnalités. Je ne crois pas à l’image du couple sur mesure. Les gens sont tous différents donc ça ne sert à rien d’essayer de faire comme tout le monde", argue encore Pascal De Sutter.
De réels bienfaits
Outre la possibilité de stimuler le désir, comme l'a souligné Pascal De Sutter, dormir seul permet de passer, en principe, de meilleures nuits. Un impact non-négligeable, car l'état de fatigue influence tout notre quotidien. Prendre soin de son sommeil est donc aussi une manière de prendre soin de son couple.
"D'un point de vue uniquement biologique et physiologique, on dort mieux en solo parce que ça nous permet de mieux respecter nos horaires de sommeil", analyse encore la sexologue Marie Tapernoux.
Pas obligés de changer de chambre
Pouvoir faire chambre à part dépend évidemment de l'envie des membres d'un couple, mais aussi de la réalité pratique. Tout le monde n'a pas une chambre de libre à disposition. Dans ces cas-là, où pour ceux qui veulent leur espace sans changer de chambre, d'autres solutions sont possibles et gagnent en popularité.
Un lit, mais deux couettes. C'est l'astuce adoptée par de nombreux couples. Cette alternative permet de régler les duels entre ceux qui tirent toujours trop la couette de leur côté tout en gardant une proximité appuyée.
D'autres optent pour un lit séparé, mais dans la même chambre. Encore une fois, c'est à l'appréciation de chacun et de la place disponible.
Bien l'expliquer aux enfants
Voir ses parents dormir dans des chambres séparées peut provoquer des interrogations chez les enfants. Pour les experts, vos progénitures sont complètement aptes à comprendre, à condition de bien leur expliquer. "Tout dépend de si les enfants ont toujours été habitué ou pas. Si ce n’est pas le cas, il faut juste dédramatiser. Leur expliquer que c’est pour mieux dormir. Si on leur explique les choses simplement et avec leurs mots, ça ne posera pas de problème. Mais s'il y a un contexte de tension, ça peut être plus déstabilisant", conseille Marie Tapernaux.
"C’est quand il y a un malaise que les enfants vont se sentir mal", appuie Pascal De Sutter. "Si les parents expliquent clairement la situation (par exemple que c'est parce que maman ronfle, que papa se lève tôt, etc.), ils peuvent comprendre facilement".
La réponse à la question posée dans le titre de l'article est donc, définitivement, unique à chaque couple. L'important étant de toujours bien s'écouter et de respecter ses besoins comme ceux du partenaire.