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Après la mort du chef du Hezbollah, le Moyen-Orient est-il sur le point de s'embraser ?

Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah libanais, a été tué dans des frappes de l'armée israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth, ce vendredi 27 septembre. Si le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est réjoui de cette nouvelle, les conséquences militaires et diplomatiques pourraient bien être catastrophiques.

La mort de Hassan Nasrallah, annoncée par l'armée israélienne puis confirmée par le Hezbollah le samedi 28 septembre, représente un moment clé dans l'évolution du conflit au Proche-Orient. Suite à l'annonce officielle du décès de leur leader, le mouvement chiite libanais a affirmé sa détermination à continuer sa lutte contre Israël, déclarant qu'il le ferait "en soutien à Gaza et à la Palestine, ainsi que pour la défense du Liban et de son peuple."

Dès lors, quelles répercussions cet événement pourrait-il avoir dans la région ?

Pour Didier Leroy, professeur à l'École royale militaire belge et spécialiste du monde arabe, la mort de Nasrallah est "un véritable tremblement de terre." Selon lui, "Nasrallah était le leader incontesté, adulé par ses partisans et respecté, à minima, par ses détracteurs. Il incarnait la figure de proue du maillon le plus fort de l'axe de la résistance, qui regroupe les forces pro-iraniennes dans la région." Cet "axe de la résistance" désigne les "six armées de Téhéran en dehors de l'Iran", soit des milices pro-iraniennes présentes en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen, sans oublier le Hamas et l'organisation du Jihad islamique en Palestine. En éliminant Nasrallah, Israël a franchi une "ultime ligne rouge."

L'armée israélienne, connue sous le nom de Tsahal, a intensifié ses frappes, non seulement dans la banlieue de Beyrouth, mais aussi au cœur de la ville elle-même. Pour l'expert, cette intensification des attaques montre qu'Israël n'a pas terminé ce qu'il a initié. "Pour l'instant, tous les fronts sont ouverts, il y a des projectiles tirés dans tous les sens et c'est Israël qui surenchérit," explique Didier Leroy. D'après lui, Tsahal cherche à effacer "la honte du flop sécuritaire du 7 octobre" et à redorer le blason de son armée ainsi que de ses services de renseignement.

Le professeur de l'École royale militaire souligne également le déséquilibre des forces entre Israël et l’Iran : "On se focalise sur le fait que l’Iran pourrait avoir la bombe nucléaire, mais on oublie qu’Israël la possède depuis longtemps." Si un conflit ouvert devait éclater entre les deux nations, Israël serait avantagé "car l'arsenal israélien et son alliance avec les Américains leur donnent un avantage certain," même si la guerre reste "un jeu de hasard", nuance-t-il, lui qui s'attend à ce que des projectiles continuent d’être tirés depuis les zones contrôlées par l'axe de la résistance, incluant le Liban, la Syrie, l'Irak et le Yémen.

Quant au Hezbollah et à l’Iran, leur réponse est jugée inévitable : "Ils vont riposter, c’est une certitude," affirme Didier Leroy. "Mais ils attendent de finaliser l'enquête qui leur permettra de comprendre jusqu'où s'étend la brèche sécuritaire au niveau de leur appareil de communication. C'est pour ça qu'ils ne sortent pas la grosse artillerie pour l'instant ; ils doivent d'abord savoir si Israël est encore en mesure de tracer, d'écouter et de suivre leurs mouvements," indique-t-il.

Le nombre de morts et d'estropiés du côté du Hezbollah ne va pas entraîner une politique de paix et de réconciliation

En pleine déroute suite à la perte de son leader, l’affaiblissement aussi soudain du Hezbollah était inattendu, comme l'explique Jihane Sfeir, professeure à l’Université libre de Bruxelles et spécialise du monde arabe. "On ne pensait pas que le Hezbollah allait s'effondrer, ou du moins s'affaiblir aussi rapidement," explique celle qui ne voit pas le mouvement islamiste chiite disparaître pour autant. 

"Le Hezbollah va sans doute se reformer et redonner une nouvelle forme de résistance, puisque la mort n'entraîne pas la paix. Le nombre de morts et d'estropiés du côté du Hezbollah ne va pas entraîner une politique de paix et de réconciliation. On va donc probablement voir, à terme, se reformer un groupe qui pourrait devenir aussi fort que celui qui existait déjà."

Comme redouté par certains analystes, une incursion israélienne dans le sud du Liban pourrait confronter Tsahal à la guérilla du Hezbollah, ce qui pourrait entraîner Israël dans une "guerre de position longue et complexe", susceptible d’embraser toute la région. Mais ce qui inquiète le plus, c’est l’éventualité d’une attaque israélienne contre les bases militaires nucléaires iraniennes, un scénario qu’Israël a tenté à plusieurs reprises de provoquer, bien que l'Iran ait toujours évité l'escalade directe. "On l'a vu avec l'assassinat de Hassan Nasrallah : ils déplorent et condamnent, mais ne font rien sur le terrain. Ils ne vont pas envoyer des militaires ou des missiles sur Tel-Aviv, de peur de cette réaction d'Israël, et donc d'un glissement vers une guerre beaucoup plus large", pointe Jihane Sfeir.

Selon les spécialistes, l'Iran serait déjà en mesure de construire des petites bombes nucléaires

Un avis partagé par Firouzeh Nahavandi, sociologue et spécialiste de l'Iran."On voit pour le moment que les confrontations du côté iranien sont plus rhétoriques, et du côté israélien, on a aussi pas mal d'accusations et de réactions rhétoriques. Pour l'instant, tout le monde se regarde en essayant d'éviter une confrontation directe. L'Iran n'a pas intérêt à attaquer, car son but est d'avoir l'arme nucléaire. S'il se lance dans une confrontation, son plan nucléaire et ses installations peuvent être en danger." En effet, le programme nucléaire iranien poursuit inexorablement son développement. "Selon les spécialistes, l'Iran serait déjà en mesure de construire des petites bombes nucléaires ; en tout cas, ils sont au point de bascule. Une fois qu'ils auront l'arme nucléaire, ils seront protégés," précise Firouzeh Nahavandi.

Enfin, si Israël a déjà frappé des installations iraniennes, les attaques de l'État hébreu contre les "proxys", soit les partenaires non-étatiques de l’Iran tels que le Hezbollah, le Hamas, les Houthis et Hachd al-Chaabi, n'avaient jamais été aussi loin. "Dans mes souvenirs, on n'a jamais été dans une situation aussi catastrophique", s'inquiète la spécialiste de l'Iran, pour qui chaque action peut entraîner une "déflagration totale". "C'est aussi un problème politique où, aussi bien en Israël qu'en Iran, s'opposent des ailes dures qui veulent aller au bout et des ailes plus modérées qui freinent un petit peu", conlut-elle.

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