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Les prochaines élections (communales et provinciales) se rapprochent à grands pas. Sans être une polémique, un vent de débat souffle alors que des professeurs se présentent sur des listes électorales.
À Nivelles, un débat fait surface à quelques jours des élections communales et provinciales. La présence d'enseignants et d'une directrice d'école sur des listes électorales étonne certains parents.
Cet "étalage politique" peut-il garantir la neutralité de l’enseignement, pourtant garantie dans la Constitution ? La question se pose et interpelle. Concrètement, oui, les enseignants ont légalement le droit de se présenter sur des listes électorales, voici pourquoi.
Quelles sont les règles ?
Comme expliqué sur le site du SPW, pour être candidat à l’élection communale et exercer un mandat, quatre conditions sont requises :
• Être électeur belge ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ;
• Avoir 18 ans accomplis le 13 octobre 2024 ;
• Être inscrit au registre national de la commune où je suis candidat et y avoir ma résidence principale (au plus tard le 1er août 2024) ;
• Jouir de mes droits civils et politiques.
À l’inverse, les personnes qui ne peuvent pas se présenter sont celles qui :
• Sont privés du droit d’éligibilité par condamnation ;
• Sont exclus ou suspendus de l’électorat ;
• Sont condamnés, (avec sursis ou non), du chef d'une infraction relative à la concussion ou au détournement (articles 240, 241, 243 et 245 à 248 du Code pénal), commises dans l'exercice de fonctions locales ;
• Sont condamnés pour des infractions visées par les lois tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie ;
• Sont fonctionnaires de police conformément à l'article 127 de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux.
Fonctionnaires, mais pas de la police, les enseignants peuvent donc bien se présenter sur les listes électorales. Mais qu’en est-il de la neutralité d'enseignement ?
Que dit la Constitution ?
L’article 24 de la Constitution, garantit la neutralité dans l’enseignement organisé par la Communauté française, dans l’enseignement officiel subventionné et dans l’enseignement libre non-confessionnel subventionné qui adhère au principe de la neutralité.
Les objectifs de cette neutralité sont résumés en trois points, dont celui-ci : dispenser un enseignement où les faits sont exposés et commentés, que ce soit oralement ou par écrit, avec la plus grande objectivité possible ; où la vérité est recherchée avec une constante honnêteté intellectuelle et où, la diversité des idées est acceptée, l’esprit de tolérance développé.
Au fil des ans, des décrets et des arrêtés sont venus rappeler cette importance. Le dernier rappel du genre date de 2008. Dans la circulaire publiée à l’époque, la Communauté Française (qui s’appelle Fédération Wallonie-Bruxelles depuis) soulignait des points très importants à propos de la thématique qui nous intéresse.
On peut lire qu’il est imposé que le personnel enseignant :
• S’abstient, devant les élèves, de toute attitude et de tout propos partisans dans les problèmes idéologiques, moraux ou sociaux, qui sont d'actualité et divisent l'opinion publique ;
• Refuse de témoigner en faveur d'un système philosophique ou politique, quel qu'il soit ;
• S’abstient de témoigner en faveur d'un système religieux, en dehors des cours de religions reconnues et de morale inspirée par ces religions.
• Veille à ce que sous son autorité ne se développe ni le prosélytisme (recruter des adeptes, ndlr) religieux ou philosophique, ni le militantisme politique organisés par ou pour les élèves.
Le second et le dernier point sont on ne peut plus clairs : interdiction pour un enseignant de mettre en avant ses convictions politiques et encore moins d’endoctriner ses élèves.
"Je pense qu’il faut faire confiance aux enseignants", réagit Véronique De Thier, co-directrice de la FAPEO (Fédération des Parents et des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel).
"Chacun est libre de se présenter aux élections", rappelle-t-elle en admettant que "ça peut poser question". "Est-ce qu’il n’y a pas une forme d’incompatibilité ? Est-ce qu’il ne faudrait pas imposer une sorte de congé le temps de la campagne ?"
Une idée qui pourrait faire sens, mais qui semble très compliquée à mettre en place, car les élections ont souvent lieu à des moments clé de l’année scolaire.
Et s'ils sont élus ?
Si un professeur fonctionnaire est élu à une fonction politique qui est incompatible avec son emploi (comme être membre d’un parlement ou échevin, voir bourgmestre), il peut demander un congé politique ou une mise en disponibilité pour exercer son mandat. Durant cette période, il ne perçoit pas de salaire de l'enseignement, mais il conserve son poste et ses droits à réintégration après la fin de son mandat.
"Ce n’est plus la Fédération Wallonie-Bruxelles qui va le payer, mais sa commune", confirme Nicolas Yernaux, le porte-parole du Service Public de Wallonie.
Néanmoins, certaines fonctions politiques peuvent être exercées en parallèle à un emploi dans l'enseignement, par exemple, en tant que conseiller communal, sous réserve de l'organisation du temps de travail. Tout dépend évidemment de la charge de travail, elle-même lié à la taille de la commune.
Il faut également préciser qu'être membre d'une liste électorale ne signifie pas pour autant être membre d'un parti politique. Une liste peut être composée de membres d’un même parti ou de plusieurs partis, ou encore de candidats indépendants.
La présence d'enseignants parmi les autres candidats n'a donc rien d'illégal ou d'irrégulier, car ils ne peuvent pas y faire écho durant leurs cours. Mais un sentiment de gêne peut subsister chez les parents d'élèves. Un débat de plus s'invite sur la place publique.