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Jeux paralympiques: les Bleus du cécifoot se préparent à l'ombre des terrils

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FRANCOIS LO PRESTI

Déployés en éventail devant les cages du stade Georges-Carpentier de Lens (Pas-de-Calais), masques occultants sur le visage, les joueurs de l'équipe de France de cécifoot, version du football réservée aux malvoyants, suivent attentivement le bruit du ballon à grelots qui se rapproche.

Contrôle, passe et frappe: "J'y vais !", crie Tidiane Diakité en direction de ses coéquipiers.

Le joueur, malvoyant depuis l'âge de trois ans à la suite d'un décollement de la rétine, s'élance pour intercepter la balle, accompagné par les "Voy !" de ses camarades, qui lui signalent ainsi leur présence.

A l'ombre des terrils jumeaux qui marquent l'entrée de la ville, l'équipe de France prépare sa quatrième participation aux Jeux paralympiques, dont Paris sera la ville hôte cette année (28 août - 8 septembre).

L'équipe, composée de quatre joueurs de champ non-voyants et d'un gardien voyant, évolue sur un terrain extérieur aux dimensions "futsal" de 40 mètres sur 20, bordé de barrières.

Atteint d'un handicap plus ou moins prononcé, tous les joueurs portent un masque opaque destiné à protéger leur visage et à les mettre sur un pied d'égalité.

Frédéric Villeroux, capitaine de l'équipe, s'élance à son tour en direction des cages. Posté derrière les buts, le guide Yannick Le Colvez abreuve le joueur d'indications avec un débit de mitraillette: "5 mètres ! 4 mètres ! Dans l'axe ! Resserre ! Maintenant, tire !"

Le ballon finit sa course dans la lucarne. Les spectateurs, jusqu'ici silencieux pour ne pas troubler le match, crient de joie.

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FRANCOIS LO PRESTI

Debout au milieu du terrain, le coach Toussaint Akpweh, exigeant et autoritaire, dirige ses joueurs de sa voix de stentor. Avec le guide, ils sont les seuls à pouvoir donner des indications aux joueurs, chacun dans sa zone du terrain.

A l'approche des matches de poules, "on s'entraîne avec le public pour s'habituer à la présence d'un autre bruit que celui du match", explique le coach, sélectionneur de l'équipe de France depuis les Jeux paralympiques de 2004 à Athènes.

"Cette fois à Paris, ce sera un bruit ami", ajoute l'entraîneur.

- On se sert "même de l'odorat" -

Le cécifoot diffère peu du jeu classique en apparence, mais l'ouïe y occupe une place centrale: à chaque seconde résonne un cri, un signalement, par-dessus lesquels les joueurs guettent le son du ballon, muni de sa clochette.

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FRANCOIS LO PRESTI

"A tout moment, il y a énormément d'informations. Notre travail, c'est de sélectionner la bonne", note Hakim Arezki, qui a découvert le cécifoot après avoir perdu la vue lors d'une manifestation étudiante en Algérie, à 18 ans.

"Mais on se sert aussi de notre perception de l'espace, et même de l'odorat", ajoute Frédéric Villeroux. "Par exemple, si un des adversaires porte un parfum, ça nous permet de le situer sur le terrain."

Les joueurs enchaînent les passes, s'appellent, se répondent, s'encouragent: "Allez Hakim ! Allez mon gars !"

Une nécessité, selon Martin Baron, joueur de 37 ans, ingénieur informatique et non voyant de naissance, qui s'est "naturellement" tourné vers la discipline après une enfance passée à jouer au foot avec ses "copains d'enfance voyants".

"On a besoin de communiquer pour construire un jeu collectif le plus abouti possible", remarque le joueur.

Championne d'Europe en titre, l'équipe de France affrontera la Chine, le Brésil et la Turquie lors des matches de poules, des équipes considérées comme les meilleures au monde.

Pas de quoi décourager Martin Baron et ses coéquipiers: "On est déjà tombés face à un groupe redoutable en 2012, et on a gagné l'argent", rappelle t-il.

S'il prend soin de rappeler que "l'objectif, c'est l'or", Toussaint Akpewh en est conscient: l'engouement du public attendu pour les Paralympiques dans la foulée du succès des Jeux olympiques pourrait déboucher sur "un moment historique" pour la discipline, et l'occasion de visibiliser "une autre dimension du sport".

"Il y a douze ans, à Londres, on avait le sentiment de franchir une frontière et que le sport prenait le pas sur le handicap dans les yeux du public", se rappelle Martin Baron.

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