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"L'écriture m'a sauvée de la dépression": Viktor Lazlo se livre sur son passé intimement lié à l'esclavagisme

La chanteuse, comédienne et auteure, Viktor Lazlo, vient nous présenter son dernier roman, aux éditions Robert Laffont, qui s'intitule "Ce qui est pour toi, la rivière ne l'emporte pas". Un récit fort lié à l’histoire de sa famille et qui évoque la condition des Noirs en Martinique. Ce roman d'émancipation est porté par une jeune fille, Olvidia, qui va lutter contre l'esclavage à la recherche de la liberté. 

L'origine de cette histoire est assez originale, le récit vous est venu en découvrant une gravure. Qu'est-ce qu'on voit sur cette gravure ? 

On voit Danton sur l'estrade annoncer la première abolition de l'esclavage en février 1794. On est en pleine révolution. Première abolition, Saint-Domingue s'est révoltée. La nouvelle est arrivée en trois mois et la France s'est dit : "On ne peut pas rester à la traîne, donc on déclare l'abolition de l'esclavage". On voit dans l'Assemblée tous les exemples de populations colonisées.

Et sur l'estrade, à la gauche de Danton, il y a cette femme noire, assise dans un fauteuil, qui a l'air un peu avachie, avec une petite fille à côté qui a l'air de la consoler. Et en fait, il s'agit originellement de Marie Du Pré, qui était une habituée des débats à l'Assemblée et qui s'est évanouie. Et donc on l'a fait monter sur l'estrade parce que c'était très bien de s'évanouir pendant les débats. C'était montré l'intérêt qu'on portait aux grandes décisions de la Nation.

danton

C'est donc ce personnage-là qui vous inspire ?

C'est ce dessin et cette femme, parce qu'en fait, j'ai su qu'elle avait une identité, après. Je me suis dit : "voilà, mon personnage". Je pensais à cette petite Olvidia depuis longtemps, mais je ne savais pas quelle serait sa trajectoire.

Ce n'est pas la première fois que vous écrivez sur l'esclavage, pourquoi ?

Parce que je pense que je trimballe à mon corps défendant toute la généalogie de ma famille. J'ai la mémoire des vainqueurs et la mémoire des vaincus. Et étant métisse, ces vaincus vainqueurs se disputent mon sang. C'est un questionnement perpétuel : comment l'homme peut assujettir l'homme, comment des populations jusqu'à aujourd'hui estiment que d'autres n'ont pas le droit de vivre. C'est juste insupportable ! Donc moi, je trace ce questionnement, j'ai fait ce travail pendant la période de l'esclavage parce que c'est directement lié à mon histoire. Mais ça vaut pour tellement de nations aujourd'hui et de pays.

Vous placez votre récit dans un moment de bascule dans l'histoire. Ça permet de faire connaître à votre personnage l'esclavage, l'émancipation et puis l'abolition. Vous vouliez placer le récit à un moment charnière de l'histoire, comme ça ?

À partir du moment où je l'ai vu sur l'estrade avec Danton, je me suis dit qu'il fallait que ça se passe pendant la révolution. Mais surtout, c'est un récit d'émancipation et ce qui m'intéressait là-dedans, c'est de tracer le parcours d'Olvidia mais aussi de Madame de Lalung. C'est le parcours de deux femmes qui vont s'émanciper, chacune à sa manière.

"Ce qui est pour toi ? La rivière ne l'emporte pas", pourquoi avoir choisi ce titre ?

C'est un dicton créole qu'on entend à toutes les sauces depuis la nuit des temps. Et le jour où j'ai écrit cette phrase en créole, mon éditrice m'a dit : "Mais qu'est-ce que ça veut dire ?". Et quand je lui traduis, elle m'a dit : "C'est ça le titre".

Plusieurs médias belges vous présentent comme une artiste belge alors que vous êtes française. Comment vous expliquez que les gens vous pensent que vous êtes belge ?

Toutes mes premières fois ont eu lieu en Belgique. J'ai démarré ma carrière en Belgique de chanteuse. Je pense qu'il y a eu une stigmatisation de l'émission Eurovision présentée en 1987 où tout à coup, tous les regards sont sur moi parce que je représente la Belgique. Et je pense qu'on avait aussi envie que je sois belge, parce qu'après tout, pourquoi choisir une Française pour présenter leur vision en Belgique ?

Le grand public vous a découvert comme chanteuse ? On se souvient de titres comme "Pleurer des rivières" ou encore "Canoë rose". Vous chantez toujours aujourd'hui ?

Oui, je chante encore et je dis "encore" parce que ce n'est pas évident de chanter aujourd'hui. Le métier a complètement changé, le disque n'est plus vraiment important. Quand le métier s'est effondré, j'ai décidé que j'allais continuer à chanter, mais faire ce que je voulais, la musique que je voulais avec les gens qui m'intéressaient. 

Vous préférez quel métier ?

J'aime autant chanter qu'écrire. Disons que l'écriture m'a sauvée de la tristesse et de la dépression. Je dirais que chanter, c'est l'expiration et l'écriture serait l'inspiration. Ce sont deux versants d'une même montagne.

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