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Manuel a repris le travail depuis un an, mais cet ancien "malade longue durée" dénonce une procédure bien trop compliquée pour sortir de son "repos forcé". Il y a trop d’obligations administratives. Selon lui, cela pousserait les personnes dans sa situation à ne pas reprendre le travail. Est-ce vrai ? Pourquoi les procédures semblent-elles si compliquées ? Les experts du secteur donnent plutôt raison à Manuel.
"Veut-on vraiment remettre les malades de longue durée au travail?". Manuel, 54 ans, se pose cette question depuis plusieurs mois. Le Liégeois atteint d'une discopathie (affection de la colonne vertébrale, caractérisée par l'usure ou la dégénérescence des disques intervertébraux), a dû interrompre sa carrière professionnelle durant plus de 10 ans.
Reconnu "personne handicapée" par le SPF Sécurité sociale, Manuel a dû démontrer ses aptitudes à pouvoir reprendre le travail auprès de professionnels de la santé. Il raconte son parcours.
"J’étais garçon de salle puis maître d’hôtel, et quand j’ai eu mon fils, j’ai arrêté l’hôtellerie. J’ai passé mon permis autocar, et j’ai commencé à être chauffeur en 1999. J’ai fait ça jusqu’en 2010 et ensuite, les douleurs au dos et le traitement étaient tellement lourds que j’ai dû arrêter. J’ai été mis en invalidité directement. J’ai été reconnu handicapé à plus de 66% par le SPF", précise-t-il.
Comme un lion en cage
Il y a près de deux ans, Manuel dit avoir dû reprendre le travail pour "s'en sortir financièrement". "J’avais aussi envie d’aller travailler. Je me sens mieux en bossant. Car rester tout le temps chez soi, ce n’est pas toujours agréable. Au départ, on a apprécié d’être tranquille, puis à un moment donné, on devient comme un lion en cage."
À présent chauffeur de car à temps partiel, il dit avoir dû se battre pour pouvoir à nouveau exercer sa profession.
"Cela a été compliqué pour reprendre le travail. J’ai dû me battre avec la médecine car je souffre de discopathie multiple et au départ, les spécialistes n’étaient pas trop d’accord que j'aille travailler, d’un point de vue santé. J’ai dû prouver que j’étais apte et j’ai même dû changer mon traitement médical pour pouvoir recommencer. Depuis que j’ai recommencé le travail le 15 novembre 2023, je me sens mieux dans ma peau. Mais je trouve que le côté administratif est très rébarbatif..."
Et d'ajouter: "J’ai recommencé avec un temps partiel médical. Faire un temps plein, je ne saurais plus, vu mes problèmes de dos. Dans ma situation, je reçois des contrats à durée déterminée (CDD). Et systématiquement, quand j’ai un nouveau contrat, je dois redemander l’autorisation de pouvoir retravailler alors que je ne change pas d’employeur, pas d’horaire, pas de véhicule. Il n’y a rien qui change. C’est totalement aberrant. On se demande même si on veut réellement remettre les gens au travail. C’est mon sentiment", conclut-il.
Une procédure trop complexe et des conséquences
Les acteurs du secteur donnent raison à Manuel. Cette procédure trop complexe a des conséquences. En 2023, seuls 23% des dossiers traités de manière formelle, ont abouti à une reprise du travail.
Pour un spécialiste, il faut privilégier une approche informelle, plus directe. "Le salarié et l’employeur regardent ensemble les possibilités, et le travail adapté. Sans aller dans les aspects formels, ils peuvent élaborer un plan d’actions ensemble", explique Bart Teuwen, directeur général de Certimed (l’organisme de contrôle médical agréé par la Fédération Wallonie-Bruxelles). La méthode est efficace. L’an dernier, 80% des dossiers informels ont abouti à une reprise du travail.
Les Mutualités Libres plaident aussi pour une simplification de la procédure, mais attirent l’attention sur l’importance de protéger les employés. "Le médecin-conseil et son équipe de paramédicaux doivent vraiment évaluer pour savoir si la reprise d’un travail, qui peut être allégé, peut être compatible avec la situation de santé de la personne. Il faut surtout que le travail n’aggrave pas la pathologie de la personne", souligne Marianne Hiernaux, la porte-parole de la mutualité.
En Belgique, plus de 500.000 personnes sont en invalidité. Ce chiffre ne cesse d’augmenter. Le gouvernement fédéral a ainsi lancé un nouveau plan en novembre dernier. Une plateforme est notamment en cours d’élaboration. Elle permettra d’échanger plus facilement les données médicales et administratives, et de simplifier les procédures.