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Pierre, fier d'être autiste, témoigne:" J’ai toujours su que j’étais différent"

"Ça a été un soulagement, j’ai enfin pu mettre un mot sur ce que j’étais". Pierre a été diagnostiqué autiste de haut niveau à l’âge de 9 ans. Comment vivre avec ce trouble du développement? En quoi consiste-t-il exactement? Qu’est-il mis en place, en Belgique, pour faciliter le quotidien des personnes en souffrant?   

"Je suis une personnalité assez atypique dans la vie de tous les jours", confie Pierre, 26 ans et fier d’être autiste. "Quand j’étais petit, je sentais déjà que j’étais différent", nous confie-t-il. Pourtant, "Pierre est né à terme, après une grossesse sans problème", nous explique sa mère.

Mais très vite, Isabelle remarque plusieurs signaux qui l’alarment. Son fils ne supporte pas d’être seul, réclame une attention constante et prend du retard dans ses apprentissages. Que ce soit au niveau de la marche, de l’alimentation, de la parole ou de la lecture, Pierre n’évolue pas aussi rapidement que les autres enfants.  

Ses parents consultent plusieurs médecins, mais aucun n’évoque l’autisme. "Pendant 6 ans, on m’a dit que Pierre était en retard, mais que ce n’était rien, qu’il finirait par se mettre en route", raconte la maman. Pendant ce temps-là, Pierre est victime de harcèlement à l’école. Le jeune garçon souffre de sa différence: "Plein d’enfants ne me comprenaient pas ou se moquaient de moi, c’était très difficile".  

Finalement, c’est un documentaire qui mettra la puce à l’oreille d’Isabelle. Alors qu’elle regarde la télé, la maman comprend que son fils présente des signes semblables à ceux des personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme. 

C'est finalement en 2006 que Pierre, âgé de 9 ans, est diagnostiqué comme autiste de haut niveau. "Ça a été un soulagement, j’ai enfin pu mettre un mot sur ce que j’étais", dit-il.

Même s’il s’agit d’une forme légère d’autisme, sa mère n’est pas autant rassurée par la nouvelle: "On a un diagnostic, mais on n’a pas grand-chose d’autre par la suite. On ne nous propose pas beaucoup d’aide. Il y a des listes d’attente énormes, aucune place nulle part, les psychologues ne prennent plus de nouveaux patients parce qu’ils sont débordés (…) Les professionnels ont toujours été très décevant. Et surtout, très peu connaissaient vraiment l’autisme".  

L’autisme, c’est quoi?  

L’autisme est un trouble du développement causé par un dysfonctionnement cérébral. Il impacte le système nerveux, et réduit également la capacité à communiquer ou à interagir avec les autres. 

Il existe une multitude de déclinaisons de ce handicap, pouvant prendre différentes formes et intensités. C’est pourquoi on parle aujourd’hui de "trouble du spectre de l’autisme" (TSA), terme qui représente mieux cette diversité. 

Selon plusieurs études, environ 0,6 % à 0,7 % de la population présenterait des troubles du spectre autistique. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), il s’agirait en fait d’une proportion allant jusqu’à 1 % de la population mondiale (puisque l’autisme reste inconnu dans de nombreux pays).

Ce handicap est davantage présent chez les garçons, qui représentent quatre cas diagnostiqués sur cinq. 

Quels sont les signes de l'autisme? 

Les premiers signes d’autisme peuvent apparaître très tôt, quelques mois après la naissance. Les symptômes les plus courants sont:  

  • Difficultés rencontrées lors de la communication ou lors des interactions sociales 
  • Altérations de la mobilité 
  • Comportements répétitifs 
  • Troubles obsessionnels compulsifs  
  • Intérêts obsessionnels ou restreints  
  • Mise en place de routines  
  • Déficience intellectuelle  
  • Hyper ou Hypo-réactivité sensorielle  

D’autres troubles peuvent également alerter et accompagner celui du spectre de l’autisme. C’est ce qu’on appelle les comorbidités. Les plus fréquentes sont l'anxiété, la dépression, l'automutilation, les problèmes de sommeil, d'alimentation, d'attention ou d'apprentissage, l'hyperactivité, l'épilepsie, l'agressivité ou la présence de diverses phobies.

Le diagnostic se fait auprès de professionnels, généralement dès l’âge de 3 ans. À ce jour, la cause de l’autisme reste inconnue. Aucun traitement n’existe, mais le trouble peut évoluer tout au long de la vie.

Il existe plusieurs moyens d’agir pour diminuer les symptômes et augmenter les progrès des personnes atteintes. Les stimulations, les approches éducatives, comportementales ou développementales en font partie.  

On est autiste, mais on peut aussi être formidables. 

Chaque autiste est différent. Il existe donc autant de formes d’autisme qu’il existe de personnes atteintes. Un suivi adapté aux besoins de chacun permet une meilleure qualité de vie. Le but principal est de les aider à développer au mieux leurs capacités, car, comme le dit si bien Pierre:"On est autistes, mais on peut aussi être formidables".

L’autisme en Belgique  

En Belgique, au moins 70 000 personnes seraient touchées par les troubles du spectre autistique. 

Il existe huit centres de références en autisme et subventionnés par l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) dans le pays: quatre en Flandre, et quatre en Wallonie et en région de Bruxelles-Capitale. Pour y avoir accès, il est nécessaire d’être inscrit à une mutuelle.  

Après avoir obtenu un diagnostic dans un centre agréé, un programme de coordination et de redirection de l’enfant (ou de l’adulte) est mis en place selon ses besoins spécifiques. Le but: améliorer la communication et l’autonomie de la personne concernée.  

Pour ce faire, plusieurs thérapies peuvent être proposées : logopédie, physiothérapie, ergothérapie, psychomotricité, thérapies cognitivo-comportementale, ou encore interventions psychosociales pour améliorer l’intégration dans la société.  

Pour stimuler son fils, la mère de Pierre l’a inscrit aux scouts ainsi qu’à des cours de musique. Depuis ses 9 ans, il est passionné par la batterie. "Ça me défoule et  c’est devenu bénéfique", explique-t-il.

Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance, puisque le jeune homme supporte difficilement le bruit. Pour jouer, il met donc un casque qui lui permet de réduire le son.

L’intégration scolaire 

En ce qui concerne l’intégration scolaire, différents dispositifs existent pour soutenir l’inclusion. Tout d’abord, des aménagements raisonnables peuvent être demandés pour réduire les effets négatifs de l’environnement sur l’enfant (logopédie, aides à l'organisation, distribution de matériel adapté...). 

L’accompagnement en milieu scolaire est également proposé. Dans ce cas, une personne désignée suit l’enfant en classe et lui prête main forte dans les tâches qui lui sont assignées.  

Ces dernières années, de plus en plus de classes inclusives ont également vu le jour. Depuis 2016, des écoles ordinaires ouvrent ce type d’espaces afin d’accueillir des élèves atteints de trouble du spectre autistique. Ces classes sont disponibles à tous les jeunes âgés de 2 ans et demi à 21 ans.  

Une liste répertoriant les classes avec une pédagogie adaptée à l’autisme (et dont le personnel a été formé) est disponible sur le site d’Autisme Belgique. Celle-ci recense 87 écoles différentes (à noter que les places ne sont que très rarement disponibles immédiatement).  

Ensuite, viennent les établissements spécialisés pour les personnes handicapées, ou avec une pédagogie adaptée pour les élèves autistes. Un plan individuel d’apprentissage (PIA) est élaboré pour chaque élève intégrant ce type d’enseignement.  

Après les cours, les enfants ont la possibilité d’accéder à des centres de prise en charge de jour avant de rentrer chez eux.  

Les personnes non scolarisées 

Les solutions mentionnées ci-dessus concernent les enfants scolarisables. Malheureusement, tous ne le sont pas.

Car si certains, comme Pierre, ne manifestent que de légers symptômes, d’autres ressentent de réelles difficultés à supporter la vie quotidienne. Ils peuvent, en effet, peiner à communiquer, à comprendre ou à expliquer leurs émotions et celles des autres. Certains ne supportent pas le bruit, la lumière, ou les odeurs.

Dans ce cas-là, des centres de jour ou d’hébergement de nuit peuvent accueillir, à temps plein ou à temps partiel, des personnes handicapées et non scolarisées. 

Maxence, 30 ans, travaille dans l’un de ces centres. Il est éducateur spécialisé et psychologue dans un hôpital pédo-psychiatrique pour enfants autistes et psychotiques avec de lourds troubles du comportement.

"On leur propose des activités qui leur sont adaptées. On les suit quotidiennement et on essaie de voir comment on peut travailler pour les faire avancer dans la vie", explique-t-il. Plusieurs ateliers sont alors organisés afin d’explorer les centres d’intérêts de chaque enfant, le familiariser avec la musique, l’assister lors de mises en situations réelles (comme le paiement dans un magasin), ou favoriser sa méthode de communication.  

"Notre but, c’est qu’ils arrivent à communiquer à leur façon. Si un enfant est non-parlant, on ne va pas attendre de lui qu’il parle. On va essayer de lui permettre un maximum de pouvoir s’exprimer par les mains, par les pictogrammes, ou avec des gestes. C’est une autre façon de se faire entendre", raconte Maxence.  

À Bruxelles, les cinq centres de jour pouvant s’occuper d’enfants regroupent 174 places. Chaque enfant inscrit peut y rester environ 3 ans. En ce qui concerne les adultes, il existe 21 centres, pour un total de 655 places.

Pourtant, la Belgique compte, chaque année, 850 nouveaux cas d’autisme. Si ces institutions sont essentielles, elles sont toutefois trop peu nombreuses.  

L’autisme vu de l’extérieur  

Maxence, éducateur spécialisé, est témoin quotidiennement des difficultés rencontrées par les autistes. "Le plus dur, ce n’est pas de ne pas pouvoir les comprendre. C’est de voir que l’enfant est en souffrance, mais qu’on ne sait pas quoi faire pour l’aider. Parfois, c’est très dur de les voir souffrir", témoigne-t-il.

Isabelle, la mère de Pierre, partage son sentiment: "Il faut d’abord rentrer dans leur monde avant de leur demander d’apprendre à vivre dans le nôtre, et c’est ça qui est compliqué".  

Il faut d’abord rentrer dans leur monde avant de leur demander d’apprendre à vivre dans le nôtre

Isabelle, qui s’occupe de son fils au quotidien, admet que le chemin n’est pas toujours facile. "En tant que parent, je me suis toujours sentie extrêmement seule", confie-t-elle. 

Elle aimerait, à son tour, s’adresser aux familles qui en ressentiraient le besoin : "Je veux dire aux parents qu’il ne faut pas baisser les bras. C’est vrai que c’est très dur, surtout quand ils sont plus petits. Mais ça vaut la peine. Ce sont des gens extraordinaires et qui ont des qualités humaines fantastiques. Ils devraient nous servir d’exemple". 

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