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C’est une histoire tragique que nous racontent Anthony et Loriana. Ces jeunes parents ont perdu leur premier enfant en 2022. Deux ans plus tard, ils attendent toujours le caveau dans lequel le nourrisson pourra reposer. Retard de livraison, dégâts sur la pierre tombale et lettrage défectueux… le couple est désespéré.
Loriana tombe enceinte en septembre 2021. La grossesse se déroule bien, jusqu’à ce que la jeune femme contracte une infection bactérienne. Elle est contrainte d’accoucher à 24 semaines, après seulement six mois de gestation.
Le nouveau-né est alors placé en néonatologie, service de soins spécifiques pour les bébés prématurés. Le 16 mars 2022, après seulement deux jours, le nourrisson décède d’une embolie pulmonaire.
Loriana et son compagnon Anthony souhaitent enterrer leur fils. Ils font appel à une société de pompes funèbres basée à La Louvière, recommandée par plusieurs personnes de leur entourage. Ensemble, ils organisent les funérailles et planifient la construction d’un caveau familial.
Habituellement, la réalisation d’un tel projet prend entre 12 à 15 semaines. Cependant, à cause des retards de livraison liés à la période post-Covid-19, la construction n’a pu débuter qu’en novembre. "Et là, c’est le début des problèmes", affirme Anthony.
Un malheur n'arrive jamais seul
L’homme raconte:"J’ai reçu un appel concernant un accident. Ils m’ont dit que les pinces qui tenaient la stèle avaient lâché". Le compagnon de Loriana se rend sur place et constate les dégâts: la stèle et les barres latérales du monument funéraire sont cassées, et la pierre tombale est fissurée.
Suite à cet incident, les pompes funèbres expliquent qu’il est nécessaire de commander une nouvelle pierre et de tout recommencer, ce qui implique un nouveau délai de 12 à 15 semaines. "Étant donné qu’ils étaient responsables du problème, ils ne pouvaient pas mettre la pression à leur fournisseur pour aller plus vite. On a dû attendre encore, et tout ça à cause d’eux", déplore Anthony.
Ils m’ont menti
Le jour de l’anniversaire de leur fils, le couple se rend au cimetière et remarque que la pierre tombale initiale a été enlevée et remplacée par une autre. Un choc de plus pour les parents, qui n’ont pas été avertis de la situation. Lorsqu’ils appellent la société funéraire, celle-ci explique avoir dû récupérer l’ancienne pierre pour la renvoyer à l’atelier et avoir placé une pierre provisoire en attendant la livraison de la pierre définitive.
"Je suis passé trois ou quatre fois à l’atelier, et on me disait à chaque fois que ma pierre était bien partie chez le fournisseur. Pourtant, j’ai cru l’apercevoir un jour, et ils m’ont alors avoué que le fournisseur n’était pas encore venu la chercher. Ils m’ont menti", s’indigne-t-il.
Après plusieurs mois d’attente, la nouvelle pierre arrive. Mais lorsque les pompes funèbres veulent la placer, ils constatent une griffe de plus de 35cm de long sur sa face avant. Anthony confie, exaspéré: "Encore une fois, ils n’ont rien vérifié au moment de la réception. Ils ont attendu et ils l’ont constaté trop tard. Sachant qu’il y avait déjà eu un problème avec l’ancienne, ils auraient dû contrôler que tout était en ordre".
Une fois de plus, la seule chose à faire est de patienter plusieurs mois pour la livraison d’une énième pierre. Entre-temps, les barres latérales du monument doivent encore être poncées. Et si la jardinière a bien été placée, l’évacuation d’eau, elle, n’a toujours pas été creusée.
"Ça fait deux ans et aujourd’hui, on ne sait pas nous recueillir ni faire notre deuil correctement. Les lettres tombent de la pierre, la stèle est griffée, les barres ne sont pas terminées. On ne peut pas garnir la jardinière sans l’évacuation d’eau parce que les fleurs vont se noyer… On parle d’un bébé. Quand on se rend sur les lieux, on n’a pas l’impression que notre fils a ce qu’il mérite. Ça nous impacte moralement", avoue le papa.
À bout de force, le couple ne sait plus quoi faire. "Je n’ai même plus les mots. Personne ne mérite de vivre ce qu’on vit. Si on accepte de faire ce travail-là, il faut aussi respecter l’humain. Je me demande comment ils réagiraient si cette situation leur arrivait à eux", explique Anthony.
Malgré ces nombreux appels, l’homme a l’impression que l’entreprise funéraire néglige son dossier. Il va même plus loin, en affirmant:"La femme qui gère notre dossier m’évite!".
Contactée suite à ce témoignage, l’employée en question répond:"Je ne l’évite pas du tout. Je les ai reçus au moment de la commande du monument, mais je change de fonction au sein de la société et ne suis plus en charge de ce dossier. Ce n’est pas que je ne veux pas lui parler, c’est simplement qu’à présent, c’est ma collègue qui détient les informations".
Un mauvais concours de circonstances
La jeune femme reconnaît la part de responsabilité de l’entreprise dans le retard du dossier, mais explique qu’il s’agit aussi "d’un mauvais concours de circonstances et de petits soucis qui se sont accumulés". Selon elle, les barres latérales du monument ne sont pas encore poncées car les tailleurs compétents se font de plus en plus rares en Belgique.
Si ses collègues n’ont pas remarqué la griffe sur la deuxième pierre tombale, c’est parce qu’elle ne se voyait pas sur le granite mouillé. Quant à l’évacuation d’eau, celle-ci sera construite lorsque le monument sera entièrement posé. "On compatit fortement et on déplore une telle situation. On a hâte que ça se termine pour eux, comme pour nous. Ces personnes sont en détresse et n’arrivent pas à faire leur deuil, on sait qu’ils aimeraient tourner la page et on est très ennuyés", affirme-t-elle.
Elle ajoute ensuite que le délai de réalisation du projet ne dépend pas seulement de leur volonté. En effet, les pompes funèbres sont liées à leurs fournisseurs. Elle raconte:"On leur demande de venir chercher la pierre tombale depuis le mois de juin, mais dès qu’ils viennent, le camion est plein et ils ne savent pas la prendre. Pendant ce temps, la famille attend et ça nous retombe dessus. On est entre les deux et ça ne nous fait pas plaisir".
Situation récurrente en Belgique
Fabien Charles, secrétaire de FUNEBRA (Fédération Royale du Secteur Funéraire Belge), avoue qu’il s’agit d’une situation récurrente en Belgique. "Le secteur des funérailles est très compliqué. Il y a de moins en moins de sous-traitants en Belgique donc les pompes funèbres sont obligées de travailler avec celles qui existent, et elles sont souvent à l’étranger. Mais s’il y a un souci, qu’ils ont du retard ou qu’ils font du mauvais travail, c’est sur elles que ça se répercute. Elles sont l’interlocuteur central entre les deux parties".
Le problème que rencontrent les parents n’entre donc ni dans la réglementation funéraire, ni dans celle de la pose de monument. Il s’agit plutôt d’un souci lié à une relation commerciale, avec potentielle complication de livraison. La loi est alors applicable selon les conditions de signature du contrat.
Si une clause stipule une obligation de résultat endéans un certain laps de temps, il est possible de considérer que celle-ci n’a pas été honorée, et de demander alors l’annulation de la commande.
Anthony, à bout de ressources, a fait appel à son courtier pour étudier les possibilités. Si la situation n’avance pas durant les prochaines semaines, l’homme envisage de lancer une procédure judiciaire.