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Cyril et sa famille, des locataires, expulsés de leur logement à Fléron: "Quand on cherche une nouvelle maison, on est à chaque fois recalé"

Cyril a dû quitter le logement qu'il louait à Fléron (province de Liège). Le propriétaire de l'habitation a décidé de mettre son bien immobilier en vente. Cyril a effectué de nombreuses recherches pour louer une autre maison, sans succès jusqu'à présent. Il se retrouve actuellement sans toit. Des membres de sa famille l'ont hébergé, en attendant qu'une solution puisse être trouvée. Est-ce de plus en plus compliqué de se loger en Belgique? Quelles solutions ou aides sont mises à disposition des locataires qui se retrouvent dans cette situation?

"On a dû quitter la maison où nous vivions le 31 mai, à minuit. Sur ordonnance de la juge de paix de Fléron, cette décision de nous mettre dehors a été prise. On avait 3 jours pour évacuer les lieux. Ce n’était pas plus compliqué que ça", raconte Cyril, qui a contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous.

L'habitant de Fléron a vécu dans cette habitation durant 20 ans. Il y a un an, cette maison a été vendue et le nouveau propriétaire a manifesté son intention de mettre fin au bail. 

Cette famille cherche depuis activement un nouveau logement, dans plusieurs communes. Au total, ils ont visité une "soixantaine de maisons", sans recevoir de réponse positive.

"Le propriétaire a décidé de vendre. On s’est retrouvé à devoir chercher et trouver une maison. Quand on cherche un logement via une agence, ils prennent les 2-3 plus gros dossiers de chaque sélection. Ce sont toujours les gros salaires qui l’emportent. Je ne suis qu’un petit ouvrier. On n’est jamais repris dans les sélections", regrette-t-il. "Il y a plus ou moins un an qu’on cherche un peu partout. On continue à chercher mais la réponse est toujours la même, ce n’est pas pour nous. On est 4 avec mon épouse et mes deux filles. On a participé à 60 sélections dans des agences et en privé. On est à chaque fois recalé. Toutes les portes se ferment l’une après l’autre. La réponse: 'C’est pas pour vous'."

Sa fille Emilie a également partagé son ressenti au moment de faire ses cartons et d'emballer ses affaires. "On est expulsé et dans le pétrin. Cela fait 2-3 ans qu’on envisage un déménagement, mais on n’était pas pressé par le temps comme maintenant. On n’a plus le choix. On n’a toujours rien trouvé", a-t-elle confié fin mai. "On a loué un entrepôt pour stocker toutes nos affaires. Ces derniers instants ont été un peu tristes. On a vécu de nombreuses années dans la maison. On savait qu’on devait déménager depuis plusieurs années. Mais on ne s’attendait pas à faire un déménagement en 3 jours." 

 

Tout le monde se retrouve sur un marché qui est dérégulé

Pour Arnaud Belande, coordinateur à l’ASBL RWDH (rassemblement wallon pour le droit à l'habitat), la situation vécue pour cette famille est "symptomatique d’une crise qui existe depuis plusieurs années". "Cela démontre que les personnes ne peuvent plus se trouver sur le marché privé lorsqu’elles se retrouvent expulsées. Elles se retrouvent sur un marché avec des loyers qui explosent, et avec une forte demande. Tout le monde se retrouve effectivement sur un marché qui est dérégulé, avec des loyers qui ne sont pas maîtrisés. Forcément, les propriétaires et les bailleurs prennent les personnes qui ont le meilleur profil."

Selon l'association, la "crise du logement" actuelle touche de plus en plus de personnes.

"Avant, c’étaient des personnes plutôt isolées. Maintenant, on voit que cela touche aussi des couples, avec ou sans enfant. Ils ont des revenus mais ils n’arrivent plus à se loger car la part pour se loger ne cesse d’augmenter. Elle pèse jusqu’à 50% voire plus sur les revenus globaux. On a de moins en moins de moyens pour les autres dépenses. Dès qu’on a un job pas trop bien payé, qu’une personne ne travaille pas, qu’on est dans une situation monoparentale, on est face à une grosse difficulté pour trouver des logements décents et à des prix corrects."

Arnaud Belande explique également ce qui peut rendre l'accès au logement laborieux. 

"D’un côté, nous avons les logements sociaux pour les bas revenus, mais où c’est l’embouteillage complet. Nous avons trop de demandes par rapport au nombre de logements sociaux, et trop peu sont construits. De l’autre côté, l’accès à la propriété est réservé à une élite, à des personnes qui ont les moyens, c’est-à-dire un budget de départ. Et entre les deux, de plus en plus de personnes se retrouvent bloquées. Le marché privé explose avec des logements. On n’arrive plus à se loger sur le marché privé avec une grosse concurrence. Les prix de l’immobilier ont fortement augmenté. Les travaux et les rénovations augmentent le prix."

Que préconise l'ASBL Rassemblement wallon pour le droit à l'habitat face à cette situation? 

"Pour nous, une des mesures phares est de continuer à investir massivement sur le logement public, le logement social. (...) Il faudrait aussi réguler le marché. Cela se fait en France et dans d’autres pays. On voit que cela permet de tasser et de limiter les loyers. Ce seraient deux mesures sur lesquelles nous demandons que les acteurs politiques se positionnent." 

Les expulsions des locataires suite à la vente de la maison qu'ils occupent passeraient par ailleurs "un peu sous le radar".

"La situation à Fléron est assez emblématique avec une personne qui rachète le logement avant d’expulser les locataires. Ce sont des choses qui arrivent très fréquemment, et nous essayons de prendre des mesures pour éviter ce type d’expulsion qui viennent accentuer la crise du logement. Il faudrait pouvoir beaucoup plus anticiper les situations et éviter que les personnes arrivent à deux jours de leur renon sans solution. Que le CPAS et d’autres acteurs sociaux puissent accompagner les familles, qui se retrouvent avec des avis d’expulsion pour éviter une crise qui s’aggrave." 

 

Les locataires qui n’ont rien à se reprocher ne sont pas bien protégés

José Garcia, président du Syndicat des locataires, dresse de son côté un constat "interpellant". 

"Il y a 5 ans, les locataires pouvaient sans trop de problème trouver quelque chose après avoir dû quitter leur logement. Mais aujourd’hui, nous nous sommes rendu compte que trouver quelque chose est très difficile. (...) Pour nous, effectivement, ces locataires manquent de protection. C’est d’autant plus criant qu’aujourd’hui les probabilités de trouver quelque chose de mieux sont quasi inexistantes vu la pression qu’il y a sur le marché."

Le syndicat des locataires estime par ailleurs que la réglementation actuelle devrait être modifiée.

"Pour nous, un locataire doit rester dans son bien tant qu’il n’a pas trouvé quelque chose d’autre. Il n’y a pas d’autre solution. Il faut absolument que la loi change. Il faut absolument que le locataire puisse quitter ce logement, s’il y a un autre logement disponible. C’est relativement simple à comprendre", souligne José Garcia. "Je pense que cela va inciter les pouvoirs publics à mener deux actions fondamentales : remettre l’ensemble des logements inoccupés sur le marché locatif et créer 1.000 nouveaux logements sociaux par an à Bruxelles, le double ou le triple dans les autres régions. Si on ne fait pas ça, on va continuer sur cette voie actuelle", conclut-il.

Quand un locataire se voit demander de quitter les lieux, quels sont les recours possibles? Quelles règles doivent être suivies par les différentes parties? Nous avons posés ces questions à Gilles Oliviers, avocat en droit immobilier.

"La première chose que le locataire doit vérifier, ce sont les règles pour lesquelles il doit partir. Le propriétaire, actuel ou un nouveau qui achèterait, ne peut pas mettre le locataire dehors car il en a envie. Il doit avoir une raison, et les raisons les plus essentielles sont généralement: des travaux ou le nouveau propriétaire a envie d'habiter dans les lieux. Le congé qui est donné doit être motivé. Si on donne un congé pour des travaux, il faut justifier que ce sont des gros travaux, donc l'équivalent de 3 ans de loyer. Si c'est pour une occupation personnelle, il faut justifier qui va aller dans les lieux. Il faut que ça soit quelqu'un de la famille."

Quand le propriétaire envoie son renon, quelles sont les règles qui entourent cette procédure?

"Le propriétaire va l'envoyer par recommandé évidemment. Il doit l'envoyer aux habitants des lieux. Quand le locataire va consulter les motivations, c'est à ce moment-là qu'il va réagir pour demander des explications si jamais il n'y en a pas. Le congé prend la forme d'une préavis de 6 mois. Cela veut dire que le locataire à ce temps-là pour se retourner et essayer de trouver un autre lieu de vie."

Si le locataire ne trouve pas de nouveau logement, peut-il faire appel au juge de paix pour prolonger sa location?

"Quand le locataire se rend compte qu'il n'arrive pas à trouver un logement, il doit au plus tard un mois avant la fin de l'échéance saisir son propriétaire en envoyant un recommandé pour dire qu'il n'arrive pas à trouver un logement et demander un délai complémentaire. Là, ou bien il y a un accord entre les deux parties et on met cela dans un écrit. Ou bien s'il n'y a pas d'accord, il faudra que l'un des deux saisisse le juge de paix pour présenter le souci. Le propriétaire doit être prévenu un mois avant pour qu'il ait le temps de se retourner. Comme il faut saisir le juge de paix et que les délais sont longs..." 

Et de préciser: "Il faut montrer que c'est indépendant de notre volonté et que c'est imprévisible. Il ne faut pas qu'on puisse dire 'Vous aviez 6 mois et vous avez commencé à chercher 15 jours avant'. Le juge va tout prendre en considération et va essayer de trouver le juste équilibre entre les intérêts des deux parties."

Quelles sont les possibilités pour le propriétaire, si le locataire ne veut pas partir?

"On peut se retrouver dans la situation où le locataire ne part pas. Le propriétaire doit alors aller saisir le juge de paix pour la validation de congé. Il va introduire une procédure pour confirmer que le congé est bien valable, ce qui lui donnera la possibilité d'expulser son locataire. Le juge de paix va alors rendre un jugement. A cette occasion, le locataire pourrait aussi alors demander une prolongation", conclut Gilles Oliviers.

 

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