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Après un accident la semaine dernière, un habitant de Nivelles dénonce les rodéos urbains illégaux organisés régulièrement à proximité du parc de la Serna, à Jumet. Il estime que la police n'agit pas de manière assez efficace pour enrayer ce phénomène. Qu'en est-il exactement ?
"C’est un tragique événement qui a eu lieu vendredi soir aux abords du parc de la Serna, suite à des runs illégaux", signale Didier via le bouton orange Alertez-nous."C’est tellement dangereux, ça aurait pu être pire, cela aurait pu coûter la vie à quelqu’un", déplore cet habitant de Nivelles, qui se rend souvent dans cette zone de Jumet.
Les faits remontent au 20 juillet dernier. Le conducteur d’une voiture a perdu le contrôle de son véhicule qui s’est retrouvé dans un fossé rempli de pierres, dans le zoning à côté du parc de la Serna.
"L’Audi a visiblement eu un défaut de frein et a fini en contrebas. Elle était donc en équilibre. Pour le même prix, ce gars faisait des tonneaux et mourrait ou alors emportait des gens en glissant dans la foule", craint Didier.
Capture d'écran Tiktok
Plusieurs vidéos publiés sur les réseaux sociaux montrent le remorquage de la voiture accidentée. De nombreuses personnes sont effectivement présentes sur place et assistent à la scène.
La police locale de Charleroi confirme cet accident. "Il y avait environ 300 véhicules présents lors de ce rassemblement. L’une d’entre elles a fini tout droit dans un fossé de cailloux. Il n’y a pas eu de blessés. Les personnes ont-elles-mêmes dépanné la voiture", indique Laurent Van Doren, chef de corps de la zone de police de Charleroi.
Capture d'écran Tiktok
Il n’y a pas eu d’intervention des forces de l’ordre. "Nous avons juste reçu des coups de fil de riverains pour nous signaler les faits. Mais comme il n’y a pas eu de blessés, ni de personnes mises en cause, la police n’a pas été sollicité. C’est comme un accident arrangé avec un constat à l’amiable, sans intervention policière", explique le chef de corps. "En ce qui concerne les faits de tapage, nous n’avions pas la possibilité d’envoyer une équipe. Ce n’est pas possible d’évacuer autant de personnes avec quatre policiers", souligne Laurent Van Doren.
Je me fais dépasser par des fous
D’après Didier, la cause de cet accident est liée aux rodéos urbains très fréquents à cet endroit. "Des runs avec rassemblements illégaux sont organisés chaque weekend. Ils se placent près du parc pour faire un "meeting" de voitures modifiées allant de la sportive à de simples diesel de barakis. Et ils s'amusent à les comparer sur la ligne droite de 400 mètres", déplore le Nivellois. "Quand je passe dans les environs à ces heures-là, je me fais dépasser par des fous", ajoute-t-il.
"Cet endroit est effectivement prisé par les amateurs de tuning", confirme le chef de corps de la police de Charleroi. "Ces rassemblements peuvent donner lieu à des abus, comme des courses et du drift dans les ronds-points. Ce qui peut entraîner des pertes de contrôle", ajoute le policier.
Rouler avec la voiture d'un client pour frimer et la planter, c'est désastreux
Ce qui s’est visiblement produit le 20 juillet dernier. Pour Didier, cet incident illustre l’inconscience des participants à ces courses illégales. "Surtout que les bruits qui courent, c'est que le conducteur était un garagiste, que le véhicule n'était pas à lui mais à un client. Rouler avec la voiture d'un client pour frimer et, au final, la planter, c'est désastreux", estime le Wallon, consterné. Plusieurs messages postés sur les réseaux sociaux évoquent cette rumeur.
Un participant témoigne de façon anonyme
Un participant à ces rassemblements automobiles a accepté de témoigner de manière anonyme. Ce jeune de la région ne semble pas supris par cet accident. "Malheureusement, ça ne m’étonne pas car certains ne gèrent pas leur voiture et ne connaissent pas les lieux", confie-t-il.
Selon lui, les informations sont notamment partagées sur les réseaux sociaux. "On se retrouve via le bouche à oreille ou certain groupes Snapchat, Instagram, Facebook, etc. On se retrouve aussi entre potes, puis on rejoint les autres s'il y a un rassemblement", explique ce jeune qui assure ne pas faire de courses. D'après lui, c'est la "passion de l'automobile" qui les motive à se retrouver. "Je pense qu’on cherche juste à s’amuser avec nos voitures dans un endroit où il n’y a pas d’habitations autour", assure-t-il.
Dénoncés depuis un certain temps, ces rodéos urbains seraient en tout cas de plus en plus réguliers dans la région. Et le zoning de la Serna à Jumet est l’un des endroits privilégiés.
Relayées sur les réseaux sociaux, ces courses illégales représentent non seulement un danger pour la sécurité routière, mais provoquent également de la pollution sonore et des déchets de pneus. De nombreux riverains excédés font d’ailleurs régulièrement part de leur mécontentement. "Pas mal de propriétaires de bâtiments du zoning de la Serna en ont marre car ces rassemblements génèrent pas mal de crasses, des gommes de pneus", assure Didier.
Le Nivellois estime que les services de police ne tentent pas réellement d’enrayer le phénomène, même s’il a lui-même aperçu une patrouille en train d’effectuer un contrôle. "Les policiers prenaient les plaques et certains partaient comme une furie car ils n’étaient certainement pas en ordre d’assurance ou d’autre chose. Mais ce n’est pas suffisant. Ces runs sont à chaque fois transmis à la police mais rien ne change", regrette-t-il.
Ce n’est pas possible de mettre en place un dispositif policier préventif
D’après le chef de corps de la police de Charleroi, lutter contre ce problème est loin d’être évident. "Quand on réalise une opération policière, les personnes se déplacent rapidement et se rencontrent à d’autres endroits, par exemple à Châtelineau ou à Nivelles. Notre zone de police n’est pas la seule impactée", assure Laurent Van Doren. D’après lui, les informations postées sur les réseaux sociaux sont volatiles. "Il y a des messages concernant un lieu de rassemblement, puis ils le changent et ils se rassemblent ailleurs. Ce n’est pas possible de mettre en place un dispositif policier préventif ", regrette le policier.
D’autant plus que la zone de police fait face à un manque d’effectifs. "Nous avons déjà procédé à des dizaines de verbalisations. Mais nous n’avons pas assez d’agents pour être présents sur chaque rassemblement. Et ça, ils le savent", note le chef de corps.
Il faut agir de manière coordonnée avec l'appui de la police fédérale
Vu que ce phénomène touche différentes zones et nécessite des moyens importants, la police locale de Charleroi a fait appel à l’appui de la police fédérale. "Ce problème fait l’objet d’un groupe de travail au niveau de la police fédérale du Hainaut. Il faut agir de manière coordonnée, en concertation avec les zones de police concernées et la police de la route également", souligne Laurent Van Doren.
Quelles sanctions ?
Les auteurs de ces courses illégales risquent en tout cas d’être sanctionnés. "Si lors de ces rassemblements de tuning, les véhicules sont juste stationnés sans souci de tapage, il n’y a pas de souci. Mais ceux qui font des courses sur la voie publique s’exposent à des amendes, qui peuvent aller jusqu’à un retrait de permis en cas d’entraves méchantes", prévient le chef de corps. "Le plus grave, c’est évidemment l’accident avec un jour un blessé ou pire, un mort", ajoute-t-il.
Un scénario que redoute Didier, à bout : "C’est catastrophique. On attend quoi ? Un mort ? On en a vraiment marre". Selon lui, il faudrait conscientiser davantage les jeunes et les sanctionner plus durement. "Il est important que cela s’arrête. Il faut que la jeunesse se fasse, mais il serait temps qu'ils connaissent leurs limites car un jour ça sera plus grave".