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Mathieu a été victime d'un grave accident de voiture, qui a laissé des séquelles tant physiques qu'émotionnelles. Il se bat aujourd'hui pour reconstruire sa vie, et cherche l'amour. Son parcours témoigne d'une réalité plus large pour les personnes en situation de handicap, souvent confrontées à des défis relationnels. L'Agence wallonne pour une vie de qualité (Aviq) et des initiatives telles que l'ASBL Aditi WB œuvrent depuis quelques années pour briser les tabous autour de l'amour et de la sexualité.
Mathieu, 35 ans, revient de loin. Victime d’un grave accident de voiture en janvier 2018, il a passé un mois dans le coma dans un hôpital de Charleroi.
Aujourd’hui, malgré les séquelles, il poursuit sa reconstruction. "Cet accident est un mauvais souvenir", confie-t-il. "Revoir les images de l’accident me permet de voir mon évolution, de voir d’où je viens. Je pourrais me plaindre, mais quand je vois les photos, cela me permet de ne pas le faire. Aujourd’hui, je me sens heureux, car je suis capable de faire beaucoup de choses, par rapport à avant. Mon parcours me rend fier."
Cette épreuve vécue par l'habitant de Pont-à-Celles laisse toutefois des traces. Au-delà du handicap physique, Mathieu dit souffrir de solitude affective. "Quand on est handicapé, il est difficile de rencontrer l’amour", déclare-t-il. S’il peut compter sur le soutien familial, il aspire à une relation différente. "L'affection que je reçois de la part de ma famille est différente. Rencontrer quelqu’un m’aiderait à me fixer de nouveaux objectifs et contribuerait à mon bien-être mental."
La recherche de l'amour représente à présent une part importante dans son chemin de reconstruction. "Mon rêve est de pouvoir me marier", conclut-t-il.
La situation vécue par Mathieu reflète une réalité plus vaste et amène une question: comment se passent les relations amoureuses pour les personnes en situation de handicap?
Lara Kotlar, porte-parole de l’Agence wallonne pour une vie de qualité (Aviq), souligne l’importance du droit à l'amour et à la sexualité pour tous. "Quel que soit son âge, sa condition ou son autonomie, tout le monde a droit à l’amour et à une vie affective épanouie", affirme-t-elle, insistant sur l’importance de briser les tabous.
"Aujourd’hui encore, on n’ose pas en parler, et pourtant c’est une évidence. On essaie de faire bouger les lignes dans les institutions pour les personnes handicapées, pour les personnes âgées, ou les personnes qui sont en fragilité mentale. Il est important pour ces personnes d’avoir une vie amoureuse et d’avoir une vie sexuelle, car elles vivent comme tout le monde. Si on y a droit, elles y ont droit bien évidemment. Cela fait partie de la santé et du bien-être. Cela fait partie de l’épanouissement. Il n’y a pas de raison que ça ne se produise pas. Il faut tout mettre en œuvre pour favoriser les choses."
De belles histoires voient le jour
Afin de faire bouger les lignes, l’Aviq organise régulièrement des formations pour les professionnels du secteur, ainsi que des sessions de sensibilisation dans les écoles d’éducateurs. Des événements tels que le salon "enVIE d’amour", que se tient tous les deux ans, offrent également des espaces d’échange autour des questions de l’amour et de la sexualité. "On y retrouve des psychologues, des professionnels, et même une cabane à secrets pour partager en toute confidentialité", explique Lara Kotlar. À cela s’ajoutent des initiatives plus concrètes dans les institutions, comme des "speed dating" et des "cafés papotes", pensés pour favoriser les rencontres.
Si le sujet des relations affectives des personnes en situation de handicap est encore parfois un tabou dans la société, celui des assistants sexuels l’est davantage. Pourtant, comme le rappelle Lara Kotlar, leur rôle est reconnu et leur présence est une ressource précieuse pour de nombreuses personnes en situation de handicap. "Il s’agit d’aider ces personnes à accéder à une dimension importante de leur vie et de leur bien-être. Dans certains cas, de belles histoires voient le jour. Nous avons des couples qui se sont formés, mariés, et qui vivent aujourd’hui pleinement leur relation."
Pour l’Aviq, l’ambition est de collaborer avec l’ensemble des professionnels de santé et du secteur social afin d’adapter les environnements et de soutenir pleinement la vie amoureuse des personnes en situation de handicap.
On écoute ce dont la personne a besoin
L’ASBL Aditi WB, créée en 2012, propose un accompagnement sexuel pour les personnes en situation de handicap, un service qui répond à "un besoin longtemps passé sous silence". "Depuis très longtemps, on imagine que les personnes en situation de handicap sont des anges et qu’elles n’ont pas de sexualité", observe Pascale Van Ransbeeck, coordinatrice de l’association.
Les demandes sont bien présentes et diverses: "C’est parfois simplement vouloir découvrir le corps de l’autre, car ils n’ont jamais eu l’occasion de toucher le corps d’une autre personne", explique-t-elle.
L’accompagnement proposé par l’ASBL est réalisé selon la demande: "On va faire une consultation, on écoute ce dont la personne a besoin par rapport à sa sexualité, et on va ensuite chercher une personne qui correspond au mieux à la demande spécifique."
Ces accompagnements peuvent être réalisés au domicile de la personne, en institution, ou parfois même à l’hôtel. La demande, personnalisée, permet d’offrir une solution adaptée. "Ce que j’ai pu constater, c’est déjà le sourire sur le visage de la personne qui se sent entendue, car la demande a été prise en compte", souligne Pascale Van Ransbeeck. Selon elle, l’impact est loin d’être anodin : les bénéficiaires "prennent confiance en eux, se sentent mieux, ont moins d’angoisse", conclut-elle.