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64 étapes pour un peu plus de 6000 kilomètres : c'est le pari fou que s'est lancé Jean-Pol, un habitant de Bastogne. Avec pour seul compagnon son vélo chargé d'une tente et de vivres, il a traversé l'Europe jusqu'au Portugal pour sensibiliser à la cause environnementale.
Parti le 6 avril de la place McAuliffe de Bastogne, Jean-Pol a rallié le Cap Saint-Vincent au Portugal, traversant Compostelle avant de revenir en Belgique via Barcelone et le sud de la France. En totale autonomie, avec sa tente, son sac de couchage et ses provisions, Jean-Pol s'est lancé dans ce périple pour sensibiliser le public aux enjeux du réchauffement climatique et de la préservation de la biodiversité.
Un premier voyage jusqu'au Cap Nord, en Norvège
À 71 ans, Jean-Pol n'est pas novice des longues traversées en vélo. "Il y a deux ans, j'ai fait un aller-retour jusqu'au Cap Nord, en Norvège. Ce qui m'a motivé à l'époque, c'est quand j'ai entendu mes petites-filles discuter du réchauffement climatique. Je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose." Après s'être informé en suivant des conférences sur le réchauffement climatique, Jean-Pol a décidé de rouler pour le climat. "Je voulais montrer qu'il faut qu'on réagisse, et ainsi apporter ma petite pierre à l'édifice. J'ai donc commencé par le voyage vers le Cap Nord en 2022, et celui vers le Portugal a suivi", souligne celui qui a partagé son aventure sur une page Facebook spécialement créée pour l'occasion.
Cette action "symbolique" est une façon de démontrer qu'à tout âge, il est toujours possible de réaliser "de grandes choses." Selon lui, il n'y a pas vraiment de limites, il suffit de se dire : "Je vais le faire". "À partir du moment où on se donne des objectifs, il y a moyen de les atteindre," explique Jean-Pol, qui refuse de "rester dans son fauteuil à regarder la télévision."
L'aventure n'avait pourtant pas commencé de la meilleure manière. Après seulement sept jours, il a dû rentrer chez lui en urgence, son chien étant gravement malade. "Le vétérinaire m'a demandé de rentrer tout de suite car il n'allait plus tenir le coup pour longtemps. J'ai trouvé des personnes qui m'ont proposé de me conduire à la gare TGV de Limoges, en laissant mon vélo là-bas et en prenant ma douche chez eux. Ils sont venus me rechercher cinq jours après à Limoges." Malgré l'absence d'incidents majeurs, le Bastognard a tout de même dû interrompre certaines étapes de son voyage à cause du mauvais temps.
Durant son périple, Jean-Pol a bénéficié de son expérience de militaire, lui qui était autrefois lieutenant-colonel dans l'armée belge. "J'ai la chance d'être un ancien militaire, ce qui m'a permis d'être souvent sur le terrain et de partir en mission, même dans des conditions difficiles. Partir est quelque chose de normal pour moi. Grâce à ça, je sais toujours réagir et retomber sur mes pattes quand il faut trouver de la nourriture ou un endroit pour dormir", explique celui qui considère la préparation du vélo comme étant cruciale, au même titre que la manière de rouler. À raison, puisqu'il n'a jamais connu de crevaison, ni de problème mécanique.
Un vélo chargé de 40 kilos de vivres et de matériéls
Afin d'atteindre son objectif, il a utilisé un vélo en acier pesant 20 kg, avec une charge de 40 kilos (vêtements, tente, nourriture, boissons...). Afin d'éviter les problèmes de dérailleurs, il a choisi un vélo muni d'un pignon intégré au pédalier, et d'une courroie crantée au lieu d'une chaîne. "Grâce à cela, il n'y a pas d'entretien, ni de réglage", précise-t-il, n'ayant pas connu de problèmes mécaniques durant les trois mois. "J'ai juste perdu un petit boulon du garde-boue trois jours avant la fin." Une telle entreprise nécessite inévitablement une préparation physique solide et rigoureuse. Il s'est principalement entraîné sur un rameur à la salle de sport "quatre à cinq fois par semaine" au cours des six mois précédant son départ. En raison du mauvais temps, il a limité ses sorties à vélo à environ 1000 à 1500 kilomètres.
Voyager en France, en Espagne et au Portugal est facile, on trouve toujours de quoi se ravitailler
Pour s'alimenter, Jean-Pol avait prévu des plats lyophilisés en réserve, ainsi que des sachets de riz, de pâtes, des sauces et du saucisson. "J'ai cuisiné autant que possible, même si j'ai souvent mangé à divers endroits. Voyager en France, en Espagne et au Portugal est facile, on trouve toujours de quoi se ravitailler", explique-t-il. Contrairement à son voyage vers le Cap Nord, où il lui arrivait de parcourir 80 kilomètres sans croiser une maison, ce n'était pas le cas ici, "même si me suis retrouvé seul dans le centre de l'Espagne." L'ex-militaire avait minutieusement tracé son itinéraire en privilégiant les campings, bien qu'il ait dû faire face à des surprises comme des campings abandonnés ou inexistants. "Sur les 64 étapes, j'ai fait du camping sauvage à sept reprises." Pour assurer son autonomie, il disposait de batteries lui permettant de tenir trois jours sans devoir recharger son téléphone.
Malgré des situations climatiques parfois rudes, l'abandon n'a jamais été une option. "Je n'ai jamais eu de baisse de moral, ni jamais envisagé d'abandonner", assure Jean-Pol. "Malgré des moments de fatigue physique, notamment dans les cols de la cordillère Cantabrique, très exigeants et souvent empruntés par le Tour d'Espagne", relate-t-il, l'obligeant parfois à pousser son vélo. "Le froid a parfois été difficile à gérer, notamment dans les descentes de cols où je devais m'arrêter pour me réchauffer." À l'inverse, la chaleur du sud de l'Europe ne l'a pas freiné, lui qui parcourait en moyenne 100 kilomètres par jour. "En me levant très tôt, vers 5h ou 5h30 du matin, je roulais jusqu'à midi pour éviter la chaleur."
Voyager à vélo, "un privilège"
"Ce qui m'a le plus marqué, c'est de réaliser que voyager à vélo est un privilège. On accède à des endroits où les voitures ne peuvent pas aller, où même à pied serait trop loin, et où les motos ne peuvent pas suivre. Finalement, nous sommes souvent les seuls à passer. J'ai parcouru 70 kilomètres le long d'une ancienne voie ferrée, seul au monde. C'était comme un saut dans le temps", partage ce père de famille, qui soutient également deux associations : "Nos enfants cardiaques" et "Vélo Évasion".
Pendant sa traversée, Jean-Pol a été confronté à une situation problématique en Espagne : les vastes étendues d'oliviers gérées par de grands producteurs qui, selon lui, représente un sérieux problème en termes de biodiversité."En traversant toute l'Andalousie, à l'exception de Cordoue et Séville, je n'ai vu que des oliviers. C'est un drame écologique de constater que cette région est couverte sur des centaines de kilomètres d'oliveraies. Qu'en est-il de la biodiversité ? Je n'ai vu que des lapins, c'est tout", déplore-t-il. Le Belge a également été marqué par la saleté le long des routes en Espagne, avec de "nombreuses canettes, du plastique et des dépôts clandestins."
Il est essentiel d'apprendre aux enfants à se mobiliser pour améliorer la biodiversité et faire face au changement climatique. Sinon, nous n'y arriverons pas
Aujourd'hui, son principal objectif est de sensibiliser aux questions environnementales en organisant des conférences, particulièrement dans les écoles, car il considère que l'éducation est la clé du changement."Il est essentiel d'apprendre aux enfants à se mobiliser pour améliorer la biodiversité et faire face au changement climatique. Sinon, nous n'y arriverons pas", s'inquiète-t-il. Il est d'ailleurs fort probable de recroiser Jean-Pol sur les routes à l'avenir puisque d'autres projets sont déjà en préparation : "J'ai plein d'idées comme la Route de la Soie ou l'Amérique du Sud. Si ma santé le permet, j'en entreprendrai encore un, mais lequel, je ne le sais pas encore."