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Les Kurdes de Syrie, lâchés par Washington, ont annoncé dimanche soir avoir conclu un accord avec Damas pour le déploiement de l'armée syrienne dans le nord du pays, afin de s'opposer à l'avancée rapide des troupes turques et de leurs alliés.
L'offensive de la Turquie, lancée il y a cinq jours à la faveur d'un retrait américain et malgré de vives critiques internationales, vise à instaurer une "zone de sécurité" de 32 km de profondeur pour séparer sa frontière des territoires contrôlés par les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde qualifiée de "terroriste" par Ankara.
Cette "zone" serait susceptible d'accueillir une partie des 3,6 millions de Syriens actuellement réfugiés en Turquie, un des nombreuses conséquences du conflit qui ravage la Syrie depuis 2011.
Dimanche, le régime de Bachar al-Assad, qui entretient des rapports tendus avec la minorité kurde mais a dénoncé l'opération d'Ankara, a annoncé l'envoi de troupes dans le nord pour "affronter" l'"agression" turque.
Peu après, les Kurdes, qui ont instauré ces dernières années une autonomie de facto sur de vastes régions du nord et du nord-est syrien, ont dit avoir conclu un accord avec Damas pour un déploiement de l'armée syrienne près de la frontière "en soutien aux Forces démocratiques syriennes (FDS)", dominées par les YPG.
Partenaires de longue date des Occidentaux dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI), les FDS ont accusé l'Amérique de Donald Trump de les avoir abandonnées en retirant lundi dernier des soldats de zones frontalières puis en annonçant ce dimanche le retrait de près de 1.000 soldats du nord syrien.
L'offensive d'Ankara devait d'abord se concentrer sur une bande de territoire frontalière, entre les villes de Tal Abyad et Ras al-Aïn, distantes d'environ 120 km.
Dimanche, les forces turques ont conquis Tal Abyad, selon l'agence turque Anadolu et une ONG, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Ras al-Aïn échappe encore aux forces turques, mais celles-ci se sont emparées de 40 villages depuis mercredi et "ont conquis toute la région frontalière, de Tal Abyad jusqu'à l'ouest de Ras al-Aïn", selon l'ONG.
- "Retrait délibéré" -
Les combats et les bombardements turcs ou de leurs supplétifs ont été violents dimanche, tuant au moins 26 civils selon l'OSDH.
Parmi ces victimes, au moins dix ont péri dans un raid de l'aviation turque à Ras al-Aïn contre un convoi comprenant des journalistes, selon l'OSDH. L'ONG a rapporté la mort "d'un journaliste", sans être en mesure de donner son identité. L'agence locale kurde Anha a ensuite rapporté la mort de son correspondant.
Donald Trump a ordonné "un retrait délibéré des forces américaines" du nord syrien, a déclaré le chef du Pentagone Mark Esper, qui a évoqué "moins" de 1.000 soldats concernés. "Nous n'avons pas abandonné les Kurdes", s'est-il défendu.
Depuis mercredi, 104 combattants kurdes et plus de 60 civils ont été tués dans les violences, selon un dernier bilan de l'OSDH. Plus de 130.000 personnes ont été déplacées d'après l'ONU.
La Turquie a annoncé la mort de quatre soldats en Syrie et de 18 civils dans la chute de roquettes kurdes sur des villes frontalières turques.
Le président Recep Tayyip Erdogan a répété dimanche sa détermination à poursuivre l'offensive.
"Ceux qui pensent pouvoir nous contraindre à reculer avec ces menaces se trompent", a-t-il dit après que Berlin et Paris ont annoncé la suspension des ventes d'armes qui pourraient être utilisées contre les forces kurdes. Rome a ensuite demandé un "moratoire" européen sur ces ventes.
- "Compromis douloureux" -
Pour justifier l'accord entre les Kurdes et Damas, le haut commandant des FDS Mazloum Abdi a déclaré sur Foreign Policy que le régime syrien et son allié russe avaient "fait des propositions qui pourraient sauver la vie de millions de personnes".
"Nous savons que nous devrons faire des compromis douloureux", mais "entre les compromis et le génocide de notre peuple, nous choisirons la vie", a-t-il dit.
Juste avant l'offensive turque, les Kurdes avaient appelé la Russie à jouer un rôle de "garant" dans le "dialogue" avec le régime qui s'était alors dit disposé à "accueillir dans son giron ses enfants égarés".
Le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel ont appelé dimanche la Turquie à cesser son opération, qui "risque de créer une situation humanitaire insoutenable et d'aider" le groupe EI "à réémerger".
Dans la soirée, la France a annoncé qu'elle allait intensifier "ses efforts diplomatiques" pour obtenir "la cessation immédiate de l'offensive turque", dans un communiqué publié après une réunion de son Conseil de défense et de sécurité nationale présidée par M. Macron.
Dimanche, "785 (proches) de membres étrangers de l'EI ont fui le camp d'Aïn Issa", ont affirmé les autorités kurdes.
Quelque 12.000 combattants de l'EI, des Syriens, des Irakiens mais aussi 2.500 à 3.000 étrangers originaires de 54 pays, sont détenus dans les prisons sous contrôle des Kurdes, selon des chiffres de sources kurdes.
Dans un tweet, Donald Trump a insisté dimanche sur ce problème des membres de l'EI prisonniers dans le nord de la Syrie. "La Turquie et les Kurdes ne doivent pas les laisser s'échapper", a-t-il tweeté.