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La présence des protéines végétales dans les rayons des grandes surfaces se renforce, répondant à une demande croissante des consommateurs, provoquée par des motivations environnementales et de santé publique
Dernière illustration: l'annonce lundi par le groupe Avril de la production de protéines de colza pour l'alimentation humaine à l'horizon 2022.
Ce projet du numéro un français de l'huile de table et des oeufs s'inscrit dans un phénomène au long cours, qui s'est accéléré ces dernières années: en 30 ans, le nombre de produits contenant des protéines végétales a été multiplié par près de 20, passant de 300 produits en 1989 à plus de 5.400 produits en 2019, selon une étude réalisée chez les principales enseignes de grande distribution pour le compte du groupe d'étude et de promotion des protéines végétales (GEPV).
Parmi les motivations des industriels de l'agroalimentaire, un marché juteux: "le marché des protéines végétales est en pleine expansion. Il s'élevait à 6,9 milliards d'euros en 2013 et pourrait atteindre les 10 milliards cette année", estime Marie-Laure Empinet, présidente du GEPV, citée dans cette étude.
Au premier rang des produits montés en puissance ces dernières années, les "analogues de la viande" ou steaks végétaux représentent 6% des produits recensés dans cette étude. Ce rayon, "en deux ans, a été multiplié par deux en termes de références", selon Hubert Bocquelet, délégué général du GEPV.
Une tendance portée essentiellement par les "flexitariens", soit les consommateurs qui prônent une consommation de viande modérée et représentent aujourd'hui, selon M. Bocquelet, "à peu près un tiers de la population" française, soit "presque 20 fois plus que les végétariens stricts".
"De plus en plus de gens choisissent un régime flexitarien, végétarien ou végétalien, pour des raisons personnelles, de santé ou de respect de l'environnement", souligne dans un communiqué, Trish Malarkey, directeur de l'innovation du néerlandais DSM, partenaire d'Avril sur ce projet de protéine de colza.
- Réduire la dépendance aux importations -
S'il estime que ce projet "va dans le bon sens", Arnaud Gauffier, codirecteur des programmes pour WWF France, souligne que "la France est déjà plutôt indépendante d'un point de vue protéique sur l'alimentation humaine".
En revanche, la situation est moins rose pour l'alimentation animale.
"Quand on parle d'indépendance protéique, c'est surtout pour l'alimentation animale qu'on a un souci", ajoute-t-il.
"En France, on importe 3,5 millions de tonnes chaque année de tourteaux de soja, essentiellement depuis le Brésil et les Etats-Unis, pour nourrir les animaux. C'est du soja OGM, issu souvent de la déforestation quand il vient du Brésil, traité avec des pesticides interdits en Europe, etc", souligne M. Gauffier.
S'il souligne qu'Avril, et le colza notamment, ont "contribué à diminuer la dépendance aux importations de soja en France", il déplore que ce soit "au prix de la fabrication de biodiesel", pas une solution sur le long terme au défi climatique, selon lui.
La volonté de diversification du groupe Avril n'est pas anodine, selon lui, car le groupe est confronté à la concurrence des biocarburants à base d'huile de palme à l'intérieur même de l'Hexagone, avec l'ouverture par Total de sa bioraffinerie de La Mède.
Le groupe, et les producteurs d'oléoprotéagineux dans leur ensemble, espèrent toutefois bénéficier d'une aide au développement de cette filière protéines de la part de l'Etat, notamment dans le cadre du grand plan d'investissement.
En attendant, les surfaces de soja (+4%) et de protéagineux +7,8%) seraient en nette hausse cette année, selon les premières projections du ministère de l'Agriculture, qui prévoit également de bons rendements, notamment pour les pois et les féverolles.
La mise en place d'un plan protéines ambitieux, à l'échelle du continent européen, faisait partie des pistes prioritaires du chef de l'Etat lors du dernier Salon de l'agriculture. Emmanuel Macron avait souhaité voir la France réduire sa dépendance aux importations de protéines végétales destinées à nourrir les animaux d'élevage, notamment en provenance des Etats-Unis.
Via ce plan, les producteurs d'oléoprotéagineux ont pour ambition de réduire la dépendance de la France aux importations de 45% à 35% (contre près de 65% à 70% en Europe) dans les cinq prochaines années.
Après avoir claqué la porte des discussions pour dénoncer le manque d'implication du ministre de l'Agriculture Didier Guillaume, les agriculteurs espèrent la formalisation du plan protéines à l'automne.