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L'État belge a donc été condamné à indemniser 5 femmes, victimes de ségrégation au Congo. Après la Deuxième Guerre mondiale, quand le pays était encore une colonie belge, des enfants métis y avaient été arrachés à leur mère et placés dans des couvents. Aujourd'hui, la Cour d'appel de Bruxelles estime que la Belgique s'est alors rendue coupable de crimes contre l'humanité.
Léa Tavares Mujinga, 78 ans, est heureuse. Ce lundi, elle a remporté un combat judiciaire historique face à l'État belge, après 6 ans de procédure. "C'est un grand soulagement de voir qu'on nous a entendues, qu'on nous a écoutées, qu'on nous a donné raison et qu'on compatit à notre souffrance", a-t-elle déclaré.
Léa n'avait que deux ans en 1948 lorsque des policiers l'ont arrachée à sa mère, dans son village du centre du Congo. Envoyée dans un monastère, aujourd'hui, elle se souvient.
"Ma mère m'a mis des petites chaussures, des chaussettes, une petite robe. Mais quand je suis arrivée, on m'a enlevé ma petite robe pour la remplacer par une autre. Une petite en tissu, assez rêche. On m'a enlevé les chaussures, on m'a laissé pieds nus", raconte-t-elle.
Léa est métisse, née d'une mère noire et d'un père blanc, considérée par le pouvoir colonial comme enfant de la honte, mais surtout comme un danger pour la prétendue suprématie de la "race" blanche.
Comme 20.000 autres enfants métis, elle sera élevée par des sœurs et ne reverra sa mère qu'à l'adolescence. "J'en pleurais tous les jours. Tu cherches ta maman. Tu n'as plus de lait pour boire. On ne te donne pas de lait. Tu n'as pas de tartine. Il n'y a rien", confie Léa.
À ses côtés, quatre autres femmes ont porté leur histoire devant les tribunaux. Toutes victimes, selon la justice, d'actes inhumains, de crimes contre l'humanité. "L'enlèvement systématique d'enfants pour des raisons raciales est un crime contre l'humanité, quand c'est organisé par un Etat, rappelle Michèle Hirsch, avocate de Léa et des quatre autes plaignantes. C'est ce qui s'est passé".
L'État belge est condamné à verser aux victimes des dommages et intérêts. L'affaire pourrait faire jurisprudence pour tous les enfants métis nés dans les anciennes colonies.