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Le Sri Lanka marque dimanche le cinquième anniversaire du massacre de 279 personnes, la plus meurtrière attaque terroriste de l'histoire de l'île, mais la justice, tant attendue par les familles endeuillées et les plus de 500 blessés, n'est toujours pas rendue.
Saman Sirimanna, fonctionnaire de 59 ans, et son épouse Sriyani, 57 ans, ont perdu leurs deux enfants quand un kamikaze a fait irruption dans l'église Saint-Antoine de la capitale Colombo, le 21 avril 2019, dimanche de Pâques.
M. Sirimanna raconte à l'AFP que son fils de 19 ans et sa fille de 22 ans, tous deux étudiants, s'y étaient rendus "en quête de bonnes grâces" pour leurs examens.
"Ma perte est irremplaçable", confie-t-il, peinant à retenir ses larmes, "mes enfants ne reviendront jamais."
Son amertume est d'autant plus vive que l'enquête et les procédures judiciaires sur ces massacres semblent au ralenti.
"Je suis la première personne à avoir intenté une action en justice", rappelle M. Sirimanna, "je suis allé au tribunal parce que les autorités n'ont pas assumé leurs responsabilités."
L'an dernier, la Cour suprême a jugé le président de l'époque, Maithripala Sirisena, et de hauts responsables du Sri Lanka coupables d'avoir négligé de sérieuses alertes émises par des services de renseignement indiquant l'imminence d'attaques contre l'île.
La première de ces alertes avait été lancée par l'Inde le 4 avril, plus de deux semaines avant les attentats.
- Soif de justice -
La Cour les a condamnés à verser 310 millions de roupies (1 million de dollars) aux proches des victimes et aux survivants à titre d'indemnisation.
Mais cette décision n'a pas encore été pleinement appliquée, et M. Sirisena a fait appel.
"La Cour leur a donné six mois pour payer, mais ils ne l'ont pas fait", explique M. Sirimanna, ajoutant que la prochaine audience est prévue pour juillet. "Nous espérons qu'à ce moment-là au moins, il y aura un peu de justice".
Trois hôtels de luxe et deux autres églises catholiques dans le pays à majorité bouddhiste ont été attaqués en ce jour de Pâques.
Quarante-cinq étrangers ont trouvé la mort, dont des touristes qui visitaient l'île en pleine renaissance, une décennie après la fin d'une guerre civile qui avait duré 37 ans et fait environ 100.000 morts.
Selon une enquête, le carnage a été commis par un groupe jihadiste local revendiquant son affiliation au groupe Etat islamique.
Mais les survivants et les familles endeuillées exigent que la justice fasse la lumière sur des liens présumés entre les auteurs des attaques et les services de renseignement sri-lankais.
- "S'en remettre au Seigneur" -
Selon des médias, Suresh Sallay, actuel chef des services de renseignement, nommé par Gotabaya Rajapaksa, président déchu en juillet 2022, aurait eu des liens avec les auteurs des attaques.
M. Rajapaksa avait remporté une victoire écrasante aux présidentielles sept mois après les attentats, en s'engageant à neutraliser les islamistes.
Son successeur, Ranil Wickremesinghe, a annoncé en septembre l'ouverture d'une enquête sur les relations de M. Sallay avec les assaillants, sans qu'aucune information depuis ne filtre sur de quelconques avancées.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a demandé une enquête indépendante avec l'aide internationale pour établir "toutes les circonstances" des attentats à la bombe.
Selon le cardinal Malcolm Ranjith, chef de l'Église catholique du Sri Lanka, la confiance de la population dans le gouvernement est ébranlée.
"Nous avons critiqué à maintes reprises le gouvernement entre autres autorités, sans aucun résultat probant", a-t-il affirmé à l'AFP.
"Nous nous en remettons à présent au Seigneur pour régler cette affaire afin de découvrir ce qui s'est réellement passé, en le suppliant de nous faire passer de l'ignorance à la connaissance."
Le cardinal assistera dimanche à un service commémoratif pour les victimes à l'église Saint-Sébastien, parmi les cibles des attaques de ce funeste dimanche de Pâques.
"Nous ne cherchons pas à punir qui que ce soit, mais nous voulons savoir pourquoi on a fait subir ça à tous ces gens", a-t-il souligné. "Ils ont le droit de savoir."