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Le Kenya se prépare mardi à une journée de grève nationale et de manifestations contre les projets fiscaux du pouvoir, nouvelle étape d'un mouvement de contestation inédit mené par la jeunesse et qui a gagné l'ensemble du pays en moins de deux semaines.
L'ampleur prise par ce mouvement baptisé "Occupy Parliament" ("Occuper le parlement") a surpris jusqu'au président William Ruto, qui s'est dit dimanche prêt à discuter avec la jeunesse en colère.
Lancée sur les réseaux sociaux peu après la présentation au Parlement le 13 juin du budget 2024-2025, cette contestation demandait le retrait de nouvelles taxes prévues - dont une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers.
Le 18 juin, une première manifestation dans la capitale Nairobi a rassemblé plusieurs centaines de personnes, majoritairement des jeunes de l'hyperconnectée "génération Z" (nées après 1997). Le gouvernement a annoncé abandonner la plupart des taxes prévues.
Mais le hashtag #RejectFinanceBill2024 ("Rejet du projet de budget 2024") a ensuite cristallisé un large mécontentement de la population, frappée par les difficultés économiques depuis plusieurs années, et le 20 juin des cortèges ont défilé dans de nombreuses villes.
Les revendications antitaxes tournent progressivement à la contestation de la politique du président, et les slogans "Ruto must go" ("Ruto doit partir") ont résonné jusque dans les bars le weekend dernier.
Le sujet s'est également invité dimanche dans les églises de ce pays très religieux, majoritairement chrétien.
Le président de la Conférence des évêques catholiques, l'archevêque Maurice Muhatia, a notamment exhorté le gouvernement à ne pas sous-estimer les revendications et "ne pas être dans le déni".
- Risque d'"escalade" -
"Nous avons dépassé le stade des discussions et nous ne pouvons pas être réduits au silence", a déclaré dimanche à l'AFP une des organisatrices du mouvement, la journaliste et militante Hanifa Adan, en réponse aux appels au dialogue de M. Ruto.
"Nous demandons la fin des violences policières, le respect de nos droits constitutionnels et la liberté de nous exprimer sans crainte d'être arrêtés ou blessés", a-t-elle ajouté.
Largement pacifiques, ces mobilisations ont été marquées par la mort de deux personnes à Nairobi.
Plusieurs dizaines d'autres ont été blessées par la police, qui a également procédé à des centaines d'arrestations lors des deux premières manifestations.
"Malgré des arrestations massives et des blessés, les manifestations ont continué à prendre de l'ampleur, soulignant le mécontentement généralisé de la population", a estimé lundi dans un communiqué Amnesty International Kenya, mettant en garde contre un risque "d'escalade (qui) pourrait entraîner davantage de morts".
L'ONG Commission kényane des droits de l'homme (KHRC) a accusé le gouvernement d'avoir "enlevé plusieurs jeunes" ayant participé aux manifestations. "Ces enlèvements, qui ont lieu principalement la nuit, sont effectués par des policiers en civil et dans des voitures banalisées", affirme-t-elle.
La porte-parole de la police kényane, Resila Onyango, n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP sur ces accusations.
- Retrait total -
Le projet de budget est actuellement en débat au Parlement, en vue d'un vote final avant le 30 juin.
Les manifestants demandent le retrait intégral du texte, dénonçant le tour de passe-passe du gouvernement qui a annoncé le retrait de certaines mesures fiscales mais envisage de les compenser par d'autres, notamment une hausse des taxes sur les carburants.
Pour le gouvernement, ces taxes sont nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays, lourdement endetté.
M. Ruto a assuré dimanche que le projet incluait des mesures pour lutter contre le chômage des jeunes et faciliter l'accès à une meilleure éducation.
Le Kenya, pays d'Afrique de l'Est d'environ 52 millions d’habitants, est la locomotive économique de la région. Mais il a enregistré en mai une inflation de 5,1% sur un an, avec une hausse des prix des produits alimentaires et des carburants de respectivement 6,2% et 7,8%, selon la Banque centrale.