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Afghanistan: la police talibane des mœurs refuse de travailler avec la mission de l'ONU

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Wakil Kohsar

Le ministère en charge des moeurs au sein du gouvernement taliban en Afghanistan a annoncé qu'il ne coopérerait pas avec la mission des Nations unies dans le pays, la qualifiant de "partie adverse".

Cette décision survient après que la mission de l'ONU dans le pays s'est déclarée "préoccupée" par une loi récemment ratifiée par les autorités talibanes imposant notamment de nouvelles restrictions aux femmes.

Cette loi pour "promouvoir la vertu et prévenir le vice" stipule entre autres que les femmes doivent veiller, si elles quittent leur domicile, à couvrir leur visage et leur corps et à ce que leur voix ne soit pas entendue.

Dans un communiqué publié jeudi soir, le ministère de la Propagation de la vertu et de la prévention du vice (PVPV) a averti qu'"en raison de sa propagande, (il) n'apportera plus aucun soutien et ne coopérera plus avec la Manua (Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan, ndlr), qui sera considérée comme une partie adverse".

"Nous voulons que les organisations internationales, les pays et les personnes qui ont critiqué la loi respectent les valeurs religieuses des musulmans et s'abstiennent de telles critiques et déclarations qui insultent les valeurs sacrées de l'islam", ajoute le communiqué posté sur les réseaux sociaux.

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Wakil Kohsar

La semaine dernière, après avoir été interdit d'entrée dans le pays par les talibans, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, Richard Bennett, avait dénoncé un "pas en arrière".

Le porte-parole du gouvernement taliban, Zabihullah Mujahid, avait auparavant déclaré que l'interdiction avait été décidée parce que M. Bennett "a été nommé en Afghanistan pour diffuser de la propagande". "Ce n'est pas quelqu'un en qui nous pouvons avoir confiance", avait-il estimé.

- "Préoccupée" -

Fin juin, M. Bennett avait condamné la demande formulée par les talibans d'exclure les femmes afghanes et les représentants de la société civile d'une réunion organisée par les Nations unies au Qatar.

Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les talibans sont revenus à l'interprétation austère de l'islam qui avait marqué leur premier passage à la tête du pays (1996-2001) et ont multiplié les mesures liberticides à l'encontre des femmes.

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Wakil KOHSAR

Le gouvernement taliban reste non reconnu officiellement par la communauté internationale et réclame toujours d'occuper le siège de l'Afghanistan à l'ONU.

La nouvelle loi de 35 articles, publiée au Journal officiel le 31 juillet et annoncée le 21 août, contrôle potentiellement tous les aspects de la vie sociale et privée des Afghans dans une interprétation ultra-rigoriste de la charia, la loi islamique.

Le texte prévoit des sanctions graduées en cas d'infraction, allant d'avertissements verbaux aux menaces, amendes et détentions à la durée variable, imposées par la police des mœurs.

La Manua s'est déclarée "préoccupée" par la nouvelle loi. Elle illustre "une vision inquiétante de l'avenir de l'Afghanistan, où les inspecteurs des mœurs ont des pouvoirs discrétionnaires pour menacer et arrêter quiconque sur la base de listes d'infractions larges et parfois vagues", a dit dimanche Roza Otunbayeva, cheffe de la Manua.

De son côté, l'Union européenne a averti que cette loi créait "un autre obstacle à la normalisation des relations" de l'Afghanistan avec les 27.

De nombreux éléments de la loi sont déjà en vigueur de manière informelle depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021 et les femmes subissent déjà le plus gros des restrictions qualifiées par l'ONU d'"apartheid de genre", qui les ont éloignées de la vie publique.

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Wakil KOHSAR

La loi est "fermement ancrée dans les enseignements islamiques" qui doivent être respectés et compris, a déclaré Zabihullah Moujahid, porte-parole du gouvernement afghan, dans un communiqué publié lundi soir.

"Rejeter ces lois sans chercher à les comprendre est, selon nous, une expression d'arrogance", a-t-il ajouté, soulignant que le fait pour un musulman de critiquer cette loi "pouvait même conduire au déclin de sa foi".

Le gouvernement des talibans a toujours rejeté les critiques internationales, notamment la condamnation des restrictions imposées aux femmes.

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