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Dans un rapport publié ce mercredi et révélé par le journal La Croix, plusieurs femmes accusent l'abbé Pierre d’agressions sexuelles. Ces révélations ternissent l’image de l'"icône" décédée en 2007. Emmaüs International réagit en mettant en place une ligne d’écoute pour recueillir d’autres témoignages éventuels.
L’abbé Pierre face à de graves accusations
L'Abbé Pierre est accusé d'agressions sexuelles par plusieurs femmes, des faits qui auraient été commis entre la fin des années 1970 et 2005, selon un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre et publié mercredi. Icône de la lutte contre l'exclusion, longtemps personnalité préférée des Français, l'Abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, est décédé en 2007.
À la suite "d'un témoignage faisant état d'une agression sexuelle commise par l'Abbé Pierre sur une femme", un travail a été mené en interne par le cabinet expert de la prévention des violences Egaé, écrivent les trois associations dans un communiqué commun.
"Ce travail a permis de recueillir les témoignages de sept femmes qui font état de comportements pouvant s'apparenter à des agressions sexuelles ou des faits de harcèlement sexuel commis par l'abbé Pierre entre la fin des années 1970 et 2005", ajoutent les trois organisations, qui précisent que l'une d'entre elles "était mineure au moment des premiers faits".
Des témoignages glaçants
Le rapport d’enquête de huit pages, publié par Emmaüs International, compile des témoignages anonymes, dont celui de la première plaignante. Mineure à l’époque, elle décrit comment l’abbé Pierre aurait à plusieurs reprises touché sa poitrine et, plus tard, lui aurait imposé un baiser forcé. Une autre victime décrit une agression similaire entre 1977 et 1980, tandis que trois autres femmes rapportent des contacts non consentis entre 1995 et 2005.
Ces récits esquissent un mode opératoire où l’abbé Pierre semble profiter de moments à l’abri des regards pour agresser ses victimes. Plusieurs femmes témoignent aussi de sollicitations persistantes et dérangeantes de sa part.
Un prêtre adulé, une vérité cachée
L'abbé Pierre, fondateur d’Emmaüs et figure majeure de la lutte contre l’exclusion, jouissait d’une immense popularité en France. Connu pour son engagement durant la guerre et son appel poignant à la radio en 1954, il avait été désigné à plusieurs reprises "personnalité préférée des Français". Cette notoriété pourrait expliquer pourquoi ces agressions sont restées sous silence pendant si longtemps.
Caroline De Haas souligne la difficulté des victimes à être crues face à une figure aussi adulée. Ce silence, persistant autour des accusations, met en lumière un problème récurrent : la tendance à idolâtrer des figures publiques au point de négliger leurs abus.
Des questions demeurent
Le rapport, bien que révélateur, laisse plusieurs zones d’ombre. Contrairement à d’autres enquêtes sur des figures d’Église, celui-ci se limite aux témoignages des victimes sans fournir de contexte sur l’état de santé de l’abbé Pierre, sa place dans l’Église, ou son aura sociétale à l’époque. L’absence de témoignage contradictoire, l’abbé Pierre étant décédé, rend difficile une évaluation complète des faits.
La psychologue et victimologue Isabelle Chartier-Siben souligne l’importance de témoignages de personnes ayant connu l’abbé Pierre jeune pour comprendre pleinement son profil psychologique. Elle critique aussi la tendance à idolâtrer des figures religieuses au point de négliger leurs abus.
Emmaüs réagit: mise en place d’une cellule d’écoute
Face à ces révélations, Emmaüs International a décidé de mettre en place une ligne d’écoute téléphonique et une adresse e-mail pour recueillir de nouveaux témoignages. Cette initiative, sous la responsabilité du cabinet Egaé, vise à soutenir les victimes et à faire la lumière sur d’éventuels autres abus.
Selon une source interne à Emmaüs, aucun signalement à la justice n'a été fait à ce stade.
Une "déflagration"
Les faits d'agressions sexuelles commis par l'Abbé Pierre et révélés mercredi ont été une "déflagration", a réagi dans la soirée le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, redoutant qu'il y ait "d'autres victimes". "Quand nous avons reçu le premier témoignage ... ça a été un choc terrible. C'était une déflagration", a-t-il dit sur France 2.
"Mais on s'est dit" qu'il fallait "faire la lumière", "donner la parole à ces victimes, pour que nous puissions, de toutes nos forces, les soutenir et qu'elles puissent être entendues", a-t-il déclaré, se disant "triste" et "en colère".
Figure iconique de la lutte contre l'exclusion, l'Abbé Pierre, décédé en 2007, est accusé par plusieurs femmes d'agressions sexuelles commises entre la fin des années 1970 et 2005, selon un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre et publié mercredi.
Interrogé pour savoir si d'autres témoignages pourraient faire surface, M. Robert a dit en craindre d'autres. "Ce que nous dit le cabinet qui a mené ce travail d'écoute auprès des victimes, c'est que quand on a une telle amplitude de temps (...), où nous avons identifié sept victimes, ça veut dire qu'il y en a probablement d'autres", a-t-il relevé.
"Ce que le rapport d'enquête montre, c'est qu'il y a des personnes qui, de façon directe ou indirecte, avaient eu des alertes à un moment donné, et n'ont soit pas su réagir, soit pas voulu réagir, parce que... c'est l'Abbé Pierre, parce qu'à l'époque, peut-être, il y avait moins d'attention ou d'outils sur la manière de gérer ce type d'événements", a-t-il encore indiqué.
Les trois associations ont choisi de révéler les faits "parce que nous voulons soutenir de toute notre force les victimes que nous avons identifiées, et celles, peut-être, qui se manifesteront", a assuré M. Robert. "Nous avons mis en place un dispositif qui permettra, de façon anonyme, à des personnes de pouvoir témoigner", a-t-il précisé.