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"La Porte des Ténèbres": le spectacle urbain qui préoccupe les églises toulousaines

Opéra urbain de machines géantes organisé fin octobre à Toulouse et "grande fête pour la ville" selon ses organisateurs, "La Porte des Ténèbres" fait bondir les églises catholiques et protestantes qui y voient une promotion de l'obscur.

"Je suis là pour dire que ce spectacle est ténébreux", a déclaré à la presse l'archevêque de Toulouse Guy de Kerimel en marge d'une cérémonie de "consécration" de la ville, mercredi.

Toulouse valait donc bien une messe pour le prélat qui souhaitait ainsi "redonner de l'espérance" à une société qui se laisse "fasciner par les ténèbres", a-t-il dit dans son sermon devant plus de 700 fidèles dans une église de la périphérie.

Plus grand spectacle jamais monté par la compagnie de théâtre de rue La Machine, "La Porte des Ténèbres" va voir trois géants de bois et d'acier parcourir la ville rose du 25 au 27 octobre, à quelques jours d'Halloween et de la fête catholique de la Toussaint.

Astérion le Minotaure, mi-homme mi-taureau, et sa demi-sœur Ariane, araignée de 38 tonnes et 20 m d'envergure, l'avaient déjà arpentée en 2018 sous le regard de plus de 800.000 personnes.

Cette année, ils seront rejoints par Lilith, mi-femme à cornes de bouc, mi-scorpion à pattes de crabe, construite pour l'édition 2024 du "Hellfest", festival de musique métal organisé près de Nantes, l'autre port d'attache de La Machine.

Cette gardienne des ténèbres "libérée par Hadès", maître du royaume des morts dans la mythologie grecque, va tenter d'ouvrir "la voie vers les enfers", peut-on lire dans le livret de cet opéra en trois actes et trois jours.

- Moyen-Âge -

Monseigneur de Kerimel voit là "une symbolique satanique" et un "thème (qui) blesse les chrétiens".

Étudiant ingénieur venu se recueillir mercredi, Maxence Mantel salue "la prouesse technique des machines" mais n'apprécie pas "le message".

Même l'affiche de la manifestation avec "églises en feu" et "squelettes qui dansent en dessous", a déjà, selon lui, des relents lucifériens.

"Ce n'est pas les églises qui brûlent, c'est la ville qui est en feu", a répondu lors d'un point-presse le directeur artistique de La Machine, François Delarozière, s'amusant du fait qu'"une iconographie moyenâgeuse lance un débat (...) presque moyenâgeux".

"Je ne perçois pas ce spectacle comme une promotion des valeurs du Mal", a de son côté affirmé le maire (DVD) de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, "étonné" par la polémique alors qu'il n'y avait eu "aucune critique" en 2018.

"Le but (...) c'est vraiment de faire rêver" autour d'une histoire aux références mythologiques autour de "Lilith", dernière création de la compagnie, a poursuivi M. Delarozière.

"En aucun cas, je n'ai voulu stigmatiser une communauté", a-t-il précisé, préférant parler d'"une grande fête pour la ville" devenue "un immense décor de théâtre".

- "Née pour la lumière" -

Comme Maxence Mantel, Malika Hagoug, 70 ans, une autre fidèle rencontrée mercredi, restera chez elle fin octobre.

"Ça vous inspire vous +La Porte des Ténèbres+? Moi non, je suis née pour la lumière", a-t-elle dit à la sortie de la messe.

Côté protestants, pas de messe de consécration mais l'on "s'étonne et s'alarme" également de voir Toulouse transformée en porte des ténèbres.

Cette œuvre soutenue par des fonds publics "flirte avec des thématiques spirituelles inquiétantes", selon la Fédération protestante de France.

Le spectacle urbain a été initié et financé par la métropole de Toulouse pour un coût total de 4,7 millions d'euros et est l'un des évènements-phares de son année culturelle.

"On donne des moyens financiers, mais on n'intervient jamais dans l'écriture de l'œuvre, ce n'est pas notre travail", a précisé M. Moudenc, maire et président de la métropole.

Si l'édile respecte la position des catholiques et des protestants, il ne la partage pas et préfère y voir "une bonne publicité pour le spectacle".

"Le titre c'est +La Porte des Ténèbres+ mais à la fin c'est le bien qui l'emporte", a-t-il souri, faisant allusion à la victoire annoncée du minotaure Astérion, "protecteur de la ville" mais que l'archevêque et ses fidèles ne parviennent pas à associer au camp du Bien.

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