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La ville libyenne de Derna, ravagée il y a un an par des inondations dévastatrices ayant causé des milliers de morts, se reconstruit, trop lentement pour certains, tandis que des ONG déplorent un manque de "services essentiels" d'hygiène et d'eau potable.
Dans la nuit du 10 au 11 septembre 2023, la tempête Daniel s'est abattue sur la côte est, provoquant des crues et la rupture de deux barrages en amont de Derna. La tragédie a fait environ 4.000 morts, des milliers de disparus et plus de 40.000 déplacés, selon l'ONU, même si le bilan final reste controversé.
Aujourd'hui, la ville meurtrie qui comptait 120.000 habitants avant la catastrophe est un chantier géant, avec le bruit assourdissant des bulldozers.
Pour Mohamad Azouz, un habitant sinistré, la reconstruction prend trop de temps. "Dans notre rue, les travaux des entreprises de BTP avancent lentement. Il aurait fallu s'en occuper avant, ne serait-ce que pour le moral des gens", déclare-t-il à un correspondant de l'AFP.
- Problèmes d'assainissement et d'hygiène -
Auparavant parsemée de nuances de blanc sur le fond bleu de la Méditerranée, Derna est aujourd'hui plutôt grise, la couleur du béton des immeubles en reconstruction. Des vues aériennes montrent des grues sur des chantiers et sur les berges de l'oued asséché qui traverse la ville, là où les flots en furie ont charrié vers la mer gravats et cadavres.
Depuis la chute et mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans le chaos, divisée en deux camps antagonistes avec à l'ouest, un gouvernement reconnu par l'ONU, dirigé par Abdelhamid Dbeibah, face à un exécutif parallèle affilié au puissant Khalifa Haftar, qui domine l'est et le sud.
Belgacem Haftar, l'un de ses fils, qui chapeaute le riche Fonds de reconstruction de la Libye, a assuré récemment à des médias dont l'AFP que "tous les projets en cours à Derna" avaient un état d'avancement de 70%.
Il a mentionné 3.500 logements reconstruits et la restauration complète du réseau électrique, des routes et des écoles.
Tout en reconnaissant les efforts de reconstruction, cinq ONGs dont l'International Rescue Committe (IRC) et le NRC (Norvegian Refugee Council) ont souligné que "beaucoup de déplacés vivent dans des conditions précaires" et que "de nombreuses familles ont des difficultés à satisfaire des besoins essentiels".
Elles ont cité des établissements de santé et des communautés confrontées à "une mauvaise qualité de l'eau potable", des problèmes d'assainissement et d'hygiène, un manque de personnel sanitaire qualifié, et "un grand nombre de familles déplacées encore dépourvues d'un abri adéquat".
L'impact des inondations se mesure aussi aux séquelles subies par les survivants. Les cinq ONG ont d'ailleurs préconisé de "renforcer le soutien psycho-social notamment aux enfants, face à l'apparition continue de nouveaux cas de traumatismes et d'anxiété".
- Rangées de tombes -
La principale difficulté a été "l'enregistrement des décès", souligne à l'AFP Achraf Mansour, un bénévole du Croissant Rouge Libyen, en parcourant les tombes d'un cimetière, créé par l'Autorité de la Recherche et Identification des disparus, à 5 km au sud de Derna.
"Au 5 septembre, nous avions 3.028 signalements" de décès de la part des familles, a précisé à l'AFP Kamal al-Siwi, directeur de cette instance à caractère national.
Selon lui, les autorités ont recensé "3.734 corps retrouvés dans des habitations submergées par les eaux, dans la mer ou sur les berges de l'oued" et l'écart de "700" corps représente des cas non signalés par des proches.
Dans les jours ayant suivi la tragédie, des bilans bien plus élevés ont été avancés par des ONG, des responsables et des médias.
Le politologue Anas el-Gomati a mentionné récemment à l'AFP plus de 10.000 échantillons d'ADN fournis aux autorités par des proches de disparus (en plus des dépouilles répertoriées officiellement). Pour M. Gomati, le bilan réel est donc plutôt d'"entre 14.000 et 24.000" victimes si l'on compte aussi les familles décimées n'ayant plus personne pour les réclamer.
"Nous avons entendu des chiffres effrayants. Des médias et certains ont évoqué entre 50 et 100.000 morts", souligne M. Siwi, en émettant des doutes sur ces "chiffres restés gravés dans les esprits".
Un an après la tragédie, dans le "Cimetière des victimes de Derna", des rangées de tombes attendent toujours de retrouver un nom, avec en guise de stèle: un parpaing et une plaque numérotée.