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Un foulard satiné à motif léopard encadrant son visage, Nadejda, ballerine russe de 23 ans, s'éloigne de l'isoloir dans un bureau de vote moscovite. Elle vient de voter à l'élection présidentielle, pour la première fois de sa vie mais sans le moindre enthousiasme.
Comme l'immense majorité des observateurs, elle considère que le scrutin réserve peu de suspense. Vladimir Poutine est assuré d'être réélu, aucune opposition n'étant acceptée.
Le président russe est arrivé au pouvoir il y a 24 ans, soit plus que l'âge de Nadejda.
"Autour de moi, on est tous habitués à l'idée que tout est déjà décidé pour nous, on ne peut rien y faire", dit-elle, refusant de donner son nom de famille. "Tout est un peu faux."
"Le fait que je sois là ne changera rien", assure Nadejda.
Mais si elle n'était pas allée voter, elle aurait eu "des problèmes" avec son employeur, explique la jeune femme.
Un agent électoral l'escorte jusqu'à l'isoloir, lui expliquant comment voter avant de s'éloigner.
"J'ai choisi l'option évidente", affirme-t-elle à l'AFP, référence au président sortant. Trois autres candidats ont été autorisés à participer au scrutin, aucun ne s'opposant frontalement à la politique du Kremlin, à l'offensive en Ukraine ou à la répression contre toute voix dissidente.
Nadejda préfère de toute façon ne pas trop s'investir dans la politique. "Quand je commence à m'y intéresser, je ne me sens pas très bien", se justifie-t-elle, se disant "très affectée par tout ce qui se passe".
- Plans "grandioses" -
A peine lancée, l'élection présidentielle a vu sa crédibilité remise en question à l'étranger, de Washington à Bruxelles. Moscou, qui réfute ces critiques, dit avoir accrédité 300.000 observateurs.
Parmi eux, Faïzrakhman Kassenov, conseiller de l'ambassade du Kazakhstan, un pays allié de la Russie, assure n'avoir observé aucune violation.
Lui aussi se projette déjà vers la suite, en déclarant que le scrutin marque le début d'un "nouveau cycle politique", Vladimir Poutine ayant établi des plans "grandioses" pour la Russie.
Le premier jour de l'élection a été émaillé de dégradations dans des bureaux de vote, des actes dont les mobiles restent à éclaircir.
Mais dans celui de Mechtchanski, aux murs bleus, tout était calme à la mi-journée.
Alexandra Savina, 78 ans, se dit "heureuse d'être toujours en vie pour voir (Vladimir Poutine) réélu".
"Tout ce qu'il dit, il le fait", affirme cette grande amatrice des chaînes d'information russes, sur lesquelles le président est omniprésent.
Pour Alexandra Savina, l'Occident essaie "d'affaiblir la Russie". L'électrice se dit déçue des propos du président français Emmanuel Macron, qui a réaffirmé la veille son soutien à l'Ukraine.
- "La victoire" -
Lioudmila, croisée un peu plus tôt dans l'école n°1500 de Moscou, affirme elle aussi vouloir "la victoire" de son pays sur l'Ukraine. Le conflit dure depuis plus de deux ans, sans perspective de fin.
Selon elle, la solution passe par Vladimir Poutine.
"C'est important (de voter), pour la vie de mes enfants, de mes petits-enfants, pour le futur de la Russie", fait-elle valoir.
Natan, 72 ans, fait lui l'éloge de la "stabilité".
Dehors, devant le bâtiment scolaire jaune et blanc, cet ouvrier du bâtiment à la retraite de 72 ans dit vouloir l'"augmentation des emplois", mais aussi qu'il n'y ait "aucune guerre".
Natan parle d'un "un avenir radieux" que, selon lui, Vladimir Poutine peut offrir.
- "Que tout aille bien" -
La Russie est pourtant sous sanctions internationales et toute l'économie est tournée vers l'effort militaire.
Les difficultés restent nombreuses, entre inflation, pénuries sur le marché du travail et des problèmes démographiques considérables encore aggravés par l'exil de centaines de milliers de Russes et les combats en Ukraine.
"C'est la stabilité économique du pays qui m'importe", assure néanmoins Mikhaïl, un étudiant de 22 ans, en première année de master en agronomie.
"Nous souhaitons que tout aille bien dans tous les aspects de la vie: sociaux, économiques et commerciaux", dit le jeune homme. Sans révéler s'il a voté pour le maître du pays.