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Un mois après l'adoption de la loi d'amnistie des indépendantistes catalans, la justice espagnole a tranché sur le cas emblématique de Carles Puigdemont, à qui elle refuse d'appliquer la mesure, maintenant le mandat d'arrêt visant le dirigeant exilé en Belgique.
Le juge Pablo Llarena, du Tribunal suprême, "a rendu aujourd'hui (lundi) un arrêt dans lequel il déclare l'amnistie non applicable au délit de détournement de fonds dans le dossier visant l'ancien président de la Generalitat catalane Carles Puigdemont", a indiqué la plus haute instance judiciaire du pays.
Le mandat d'arrêt visant le président du gouvernement régional catalan depuis la tentative de sécession de la Catalogne en 2017 reste donc en vigueur, précise le tribunal dans sa décision, qui peut faire l'objet d'un recours dans un délai de trois jours à compter de la notification aux parties.
L'arrêt du Tribunal suprême fait l'effet d'un coup de tonnerre alors que la loi d'amnistie devait concerner au premier chef Carles Puigdemont, lequel espérait pouvoir rentrer rapidement en Espagne.
Inculpé pour des délits de détournement de fonds, désobéissance et terrorisme et visé par un mandat d'arrêt depuis les évènements de 2017, M. Puigdemont était parti en Belgique, où il vit toujours, pour fuir les poursuites de la justice espagnole, tandis que d'autres responsables séparatistes avaient été incarcérés.
Le juge Llarena a estimé que la loi d'amnistie s'appliquait bien au délit de désobéissance, mais qu'en revanche, "les comportements" reprochés à M. Puigdemont et à deux autres indépendantistes "correspondent pleinement aux deux exceptions que prévoit la loi" en ce qui concerne le délit de détournement de fonds.
Concrètement, le magistrat a conclu qu'il y avait eu de la part de M. Puigdemont volonté d'obtenir un bénéfice personnel, avec un impact sur les intérêts financiers de l'Union européenne, ce qui rend l'amnistie inapplicable à ses yeux.
Par conséquent, le mandat d'arrêt "est maintenu uniquement pour le délit de détournement de fonds, pas pour celui de désobéissance", selon le document.
Le délit de terrorisme, dont est également accusé M. Puigdemont dans un cas distinct, n'est pas abordé dans cet arrêt.
Quelques minutes après l'annonce du Tribunal suprême, Carles Puigdemont a réagi sur le réseau social "X" via un message sybillin ("La Toga nostra") semblant assimiler les juges et leurs toges à la mafia sicilienne Cosa nostra.
Cas par cas
Le 30 mai, le parlement espagnol a adopté une loi d'amnistie pour les indépendantistes catalans, prix que le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez a dû payer pour être reconduit au pouvoir en novembre grâce au soutien des deux partis indépendantistes catalans, qui exigeaient cette mesure en contrepartie.
Depuis lors, l'opposition de droite et d'extrême droite sont vent debout contre cette loi, selon elle "inconstitutionnelle", et contre laquelle elle a organisé de nombreuses manifestations.
L'objectif des législateurs était que la justice commence sans tarder à annuler les mandats d'arrêt visant les indépendantistes ayant fui à l'étranger, et que ces annulations restent valides en attendant l'examen des recours déposés contre la loi, qui peut prendre des mois voire des années.
Mais avec plus de 400 personnes poursuivies ou condamnées pour des délits en lien avec la tentative d'indépendance de 2017 de la Catalogne ou avec les événements l'ayant suivie ou précédée, la tâche s'annonce ardue pour les tribunaux, qui doivent décider au cas par cas.
Les magistrats - dont beaucoup ne cachent pas leurs réticences voire leur franche opposition à cette mesure qui a dominé et radicalisé la vie politique espagnole depuis les élections de juillet 2023 - avaient deux mois, à partir de fin mai, pour la mettre en application.
La semaine dernière, deux personnes, un ancien membre du gouvernement régional catalan et un policier, sont devenus les premiers bénéficiaires de la loi et ont été amnistiés.
Pour Pedro Sánchez, qui y était opposé par le passé, cette amnistie a pour but de mettre fin à l'instabilité née de la tentative de sécession de 2017, l'une des pires crises vécues par l'Espagne depuis son retour à la démocratie après la fin de la dictature franquiste en 1975.