Accueil Actu Monde Europe

Commissaires européens: un mois de "stress" avant le "grand oral"

"C'est comme un examen": une ambiance de révision règne dans les imposants bâtiments des institutions européennes à Bruxelles. Les futurs commissaires de l'équipe von der Leyen ont un mois pour préparer leurs auditions couperet devant le Parlement.

La présidente Ursula von der Leyen a présenté mi-septembre l'équipe qui doit composer le nouvel exécutif européen pendant cinq ans. Mais il reste un obstacle de taille: les grands oraux devant les eurodéputés, prévus du 4 au 12 novembre, selon un calendrier établi mercredi.

Chaque commissaire - un par Etat membre - va subir pendant trois ou quatre heures le feu roulant des questions des parlementaires, puis sera adoubé ou... retoqué lors d'un vote. C'est l'un des rares moments où le Parlement européen peut afficher son autorité face à une Commission dont l'ordinaire omnipotence agace les députés.

"Le commissaire doit montrer qu'il est déjà à l'aise sans paraître arrogant", dit une source au sein du Parlement. A lui de repérer les "sujets préférés des députés" et d'"être malin, comme un étudiant qui analyse la composition de son jury avant un examen".

Pour se préparer, les commissaires potassent chacun leur imposant "briefing book" préparé par l'administration européenne sur les décisions passées et les grands objectifs du nouveau mandat.

Ce document, "c'est une mine d'or", glisse une fonctionnaire de la Commission. "On essaye d'anticiper les questions des députés" et "de préparer des réponses". L'exercice du grand oral "est costaud", prévient-elle.

En 2019, trois candidats avaient été récusés dont la centriste française Sylvie Goulard, un affront pour Emmanuel Macron.

Outre des interrogations liées au dossier judiciaire sur les assistants parlementaires de son parti (Modem), Sylvie Goulard avait payé une forme "d'arrogance" durant son audition, raconte une source parlementaire. "Elle était arrivée en mode, +je suis la France, je gère+…"

Avant leur audition, les commissaires potentiels ont donc tout intérêt à enchaîner les rendez-vous pour montrer patte blanche auprès des députés.

Désigné par la France après la démission fracassante de Thierry Breton, le macroniste Stéphane Séjourné, potentiel commissaire chargé de la stratégie industrielle, est "au travail à Bruxelles", fait savoir son entourage. Il "multiplie les rencontres", "d'abord avec les parlementaires".

- "Appuyer sur la détente"-

"Le Parlement fait peur, tant mieux. Il gagne en pouvoir dans sa relation avec la Commission", revendique l'un de ses vice-présidents Younous Omarjee (LFI, gauche radicale).

Les rumeurs vont bon train sur les commissaires susceptibles d'être secoués pendant les auditions.

Nombre d'eurodéputés pensent au Hongrois Olivér Várhelyi, qui avait taxé des parlementaires d'idiots en oubliant de fermer son micro durant le précédent mandat, et dont la proximité avec Viktor Orban fait grincer.

Mais une source diplomatique invite à la prudence. Olivér Várhelyi a hérité d'un portefeuille somme toute modeste sur la santé et le bien-être animal et le récuser laisserait les mains libres au Premier ministre Orban pour réclamer mieux ou laisser traîner les choses.

Autre sujet sensible, l'Italien Raffaele Fitto, membre du parti d'extrême droite de Giorgia Meloni et choisi pour une vice-présidence de la Commission, sur la "cohésion" des territoires.

Après avoir multiplié les mises en garde comminatoires avant sa nomination mi-septembre, gauche et centre ont mis un peu d'eau dans leur vin. Fitto est "un problème pour nous. Pendant les auditions nous attendons des engagements sur les valeurs européennes et l'égalité entre tous les citoyens", a assuré la présidente du groupe des sociaux-démocrates Iratxe García Perez.

Sans trop en faire toutefois car les sociaux-démocrates doivent aussi défendre leurs commissaires dont l'Espagnole Teresa Ribera, que droite et extrême droite entendent asticoter sur ses positions antinucléaires.

Faire tomber un commissaire peut en effet entraîner des réactions en chaîne, prévient une source parlementaire. Les groupes politiques "se surveillent, dans une logique +tu touches aux miens, je touche aux tiens+. Chacun est armé. On ne dit pas qu'on va appuyer sur la détente, mais faudrait pas déconner".

Pour les commissaires, "c'est forcément stressant parce que tu es un pion dans un jeu que tu ne contrôles pas complètement", témoigne une fonctionnaire européenne.

À lire aussi

Sélectionné pour vous