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"Un p'tit truc en plus", la comédie d'Artus au succès fracassant au cinéma, offre une vision plutôt réaliste et humaine du handicap mental, une petite "pierre" bienvenue pour essayer d'"améliorer la situation" des personnes concernées, selon les associations.
"Quand il y a un film sur le handicap, on a toujours quelques a priori négatifs", admet Arnaud de Broca, président de Collectif handicaps.
Mais "les retours sont plutôt positifs, en raison de la manière dont c'est filmé, du fait que ce sont des acteurs handicapés qui jouent des personnes handicapées", "un plus" pour sensibiliser, dit-il à l'AFP.
"Un p'tit truc en plus" raconte l'histoire de deux cambrioleurs à la petite semaine qui, pour échapper à la police, montent dans un bus de jeunes handicapés partant en colonie de vacances - incarnés par des comédiens amateurs handicapés mentaux.
Parti d'une base de scénario, Artus a avancé dans l'écriture après le casting, en tenant compte des personnalités des acteurs, pour être "dans le vrai". "C'est avec (les personnes handicapées) que je voulais faire un film. Pas sur elles", souligne l'humoriste.
Et le public adhère: la comédie cartonne au box-office avec plus d'un million d'entrées en moins d'une semaine.
"Tant mieux si cela permet (...) de changer un peu de regard, de dédramatiser ou de comprendre certains comportements, même s'ils sont parfois montrés de façon excessive dans le film, comme les insultes", note Arnaud de Broca.
- "Mal vu" -
"Le handicap mental est particulièrement discriminé, mal vu. Toutes les pierres pour sensibiliser et améliorer la situation sont bienvenues", selon lui.
Même satisfecit de la part de l'Unapei, une grande association du secteur.
"La possibilité de s'identifier, ressentir de l’empathie pour des personnes qui parfois vous mettent mal à l’aise, parfois vous font peur, ça permet de se rendre compte que le partage est possible", confirme Catherine Morhange, présidente de l'association Culture Relax, qui promeut l'accès à la culture des personnes en situation de handicap complexe, via par exemple des séances de cinéma "ordinaires" où leurs possibles réactions sont expliquées en amont aux autres spectateurs.
D'après ses retours, "on rit beaucoup, mais on rit avec, on ne rit pas de, ce qui est vital".
Pour elle, le film s'inscrit dans l'évolution constatée depuis les années 1990, moment où "la représentation du handicap dans le cinéma se fait plus réaliste, en passant très souvent par la comédie".
Pendant longtemps, rappelle-t-elle, le handicap était représenté soit par des monstres, comme dans "Elephant Man" (1980), soit par des héros ou génies, comme dans "Rainman" (1988).
- Question de financements -
La "bascule" intervient avec "Le Huitième jour", sorti en 1996, deux ans après "Forrest Gump": "c'est le premier film où on voit une personne handicapée dans un quotidien", souligne Mme Morhange.
"Le Huitième Jour", qui raconte comment la vie d'un cadre surchargé est transformée par sa rencontre avec un porteur de trisomie 21, était "un pari", se souvient Philippe Godeau, fondateur de la société Pan-Européenne, qui distribue "Un p'tit truc en plus", 28 ans après avoir produit le film de Jaco Van Dormael.
Comme Artus, qui a peiné à trouver un producteur, "Le Huitième jour" n'avait pas été un projet facile à mener, mais M. Godeau se réjouit que la France puisse permettre "à des films comme ça de se faire".
Il y a eu depuis "Intouchables" (2011), sur la relation d'un tétraplégique et de son aide à domicile, "La famille Bélier" (2014), récit d'émancipation d'une jeune fille dont les parents sont sourds (dont la sortie est accompagnée par des critiques sur le fait que ceux-ci sont interprétés par des entendants, Karin Viard et François Damiens), "Patients" (2016), inspiré de la vie du chanteur Grand corps malade ou "Hors normes" (2019), sur de jeunes autistes.
Pour autant, "il ne faut pas exagérer la portée d'un film", note M. de Broca, car aujourd'hui encore "beaucoup d'enfants avec un handicap mental sont exclus de l'école".