Accueil Actu Magazine Culture

Paris-1924 ou le passage à l'ère moderne des Jeux olympiques

Johnny Weissmuller avant Tarzan, Paavo Nurmi leader d'escadrille des "Finlandais volants", Roger Ducret duelliste hors-pair... les premiers héros de l'olympisme sont apparus aux Jeux de Paris-1924, marqués du sceau de l'innovation, avec des femmes plus nombreuses et l'apparition du village olympique.

Quand s'ouvrent ce 5 juillet 1924 ces Jeux, c'est déjà la deuxième fois que la capitale française les accueille. Mais cette huitième édition n'a plus grand chose à voir avec celle qui s'y était tenue dans le cadre de l'Exposition universelle de 1900.

Elle a même le parfum d'une revanche pour Pierre de Coubertin, président-fondateur du CIO, qui avait peu goûté de voir l'appellation "concours internationaux d'exercices physiques et de sports" imposée par les organisateurs, supplanter son label olympique naissant.

Paris faisait pourtant face à une grosse concurrence: Amsterdam, Barcelone, Los Angeles, Lyon, Prague et Rome. Mais l'obstacle majeur résidait dans les mauvaises relations entre les membres du Comité olympique français et Pierre de Coubertin. Il a fallu l'intervention des diplomates du Quai d’Orsay pour réchauffer leurs relations.

L'union enfin de mise, il s'agit de faire de ces Jeux une réussite, contrairement à ceux de 1900 donc, et surtout conformes à l'idée que s'en fait le baron, homme ne manquant pas de contradictions, tout à la fois visionnaire, anticipant la place que va prendre le sport dans la société, et réactionnaire, sa misogynie lui faisant affirmer qu'"une olympiade femelle serait inintéressante, inesthétique".

- "Citius, Altius, Fortius" -

Ne lui en déplaise, le contingent féminin, emmené par la vedette du tennis Suzanne Lenglen, est deux fois plus important à Paris qu'en 1920 à Anvers (135 contre 65). On reste cependant très loin de la stricte parité (établie seulement... cent ans plus tard à Paris): 3.088 sportifs de 44 nations différentes participent à l'évènement, qui se déroule officiellement du 5 au 27 juillet, mais s'étire en réalité sur presque trois mois, le rugby à XV, pour sa der, ayant débuté le 4 mai.

Cette édition est l'occasion d'instaurer quelques nouveautés, parmi lesquelles la devise "Citius, Altius, Fortius" (plus vite, plus haut, plus fort) et la cérémonie de clôture, avec ses trois drapeaux hissés, du CIO, du pays-hôte et du pays hôte suivant.

On érige aussi un village olympique, fait de baraquements en bois, avec de l'eau courante, un restaurant, une poste, un salon de coiffure, près du stade Yves-du-Manoir à Colombes, où bat le coeur de ces JO, avec échoppes, bars, dancings, stands de "casse-croûtes olympiques"... une aubaine pour le commerce.

D'autres sites sont situés dans le grand Paris, à Versailles, Saint-Cloud, Boulogne-Billancourt... jusqu'au Havre, pour les régates de voile. Mais c'est dans la piscine des Tourelles, dans le 20e arrondissement, qu'émerge une des premières stars de l'olympisme: Johnny Weissmuller.

L'Américain, devenu deux ans plus tôt le premier à nager le 100 mètres sous la minute, remporte trois médailles d’or (100 m et 400 m libre, relais 4x200 m) et une de bronze avec l'équipe de water-polo. Invincible, il le restera jusqu'aux Jeux suivants à Amsterdam, avant que Hollywood n'en fasse le Tarzan le plus connu du cinéma (douze films entre 1932 et 1948).

- "Chariots de feu" -

Septième art toujours, l'amitié liant les Britanniques Harold Abrahams et Eric Liddell inspirera "Les chariots de feu" de Hugh Hudson, sur une musique de Vangelis, couronné de quatre Oscars en 1982. Le premier, juif, fait face à l'antisémitisme ambiant, malgré son athéisme. Le second, protestant presbytérien, est un fervent pratiquant, au point de renoncer à courir les premières séries du 100 m, sa distance de prédilection, car programmées un dimanche. Finalement, Abrahams s'impose sur la ligne droite et Liddell se console sur 400 m, record du monde en prime.

Parmi les 20 sports et 126 épreuves au programme de ces JO, les courses de fond sont le théâtre d'une domination écrasante des Finlandais, emmenés par Paavo Nurmi lauréat de cinq médailles d'or, dont celles du 1500 m et du 5000 m courus avec... 55 minutes d'écart. Son compatriote Ville Ritola s'offre lui quatre titres et deux autres médailles d'argent.

L'escrime est en revanche une spécialité française, Roger Ducret s'adjugeant trois médailles d'or et deux d'argent, en fleuret, épée et sabre.

Le succès populaire est indéniable. Quelque 600.000 spectateurs ont acheté un billet, certains vivent des moments historiques, tel le concours du saut en longueur faisant de l'Américain William DeHart Hubbard le premier athlète noir médaillé d'or en épreuve individuelle.

De quoi chambouler les certitudes de l'époque, à commencer par celles, décidément, de Pierre de Coubertin, également colonialiste convaincu, pour qui "la race blanche est d'essence supérieure".

Ces Jeux seront les derniers sous l'égide du baron, contesté et démissionnaire de la présidence du CIO en 1925, mais qui restera toutefois, pour la postérité, le père de l'olympisme moderne.

À lire aussi

Sélectionné pour vous