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Entre fascination pour Tokyo et exploration de la parentalité, Guillaume Senez et Romain Duris reviennent sur le tournage de leur dernier film, "Une part manquante".
RTL Info : Guillaume Senez et Romain Duris, vous venez nous parler de votre film "Une part manquante". On y suit Jay, incarné par vous, Romain Duris, qui cherche désespérément sa fille Lily, dont la mère a pris la garde. Comment vous est venue l'idée de ce film ?
Romain Duris : Nous étions à Tokyo pour présenter "Nos Batailles", le précédent film de Guillaume. Je lui ai alors partagé ma fascination pour cette ville et mon envie de tourner là-bas.
Guillaume Senez : Ensuite, nous avons rencontré des expatriés français qui nous ont parlé de ce problème d'enlèvement d'enfants et de garde alternée non respectée. Ça nous a beaucoup touchés. Romain et moi, on s'est dit qu'il y avait un film à faire autour de cette thématique. Cela s'inscrivait aussi dans une continuité par rapport à "Nos Batailles", où l'on explorait déjà les questions de parentalité. On s'est donc lancés dans cette belle aventure.
Précisons que le film s'inspire d'une réalité : au Japon, il n'existe pas de garde partagée. Le premier parent qui prend l'enfant en garde en devient le seul responsable, et l'autre perd ses droits ?
Guillaume Senez : C'est exactement ça. Là-bas, les enfants sont un peu considérés comme des meubles, si vous voulez. Et on ne déplace pas une table d'un foyer à un autre, d'une semaine à l'autre. C'est très surprenant. On parle de 150.000 à 200.000 enfants concernés chaque année par ce genre de situation.
Dans le film, un des arguments avancés est que "ce qui compte, c'est la stabilité de l'enfant".
Romain Duris : Comme le dit Guillaume, c'est cette idée de ne pas déplacer l'enfant d'une famille à une autre. Et ce n'est pas une problématique limitée aux couples où l'un des deux parents est étranger. Cela concerne aussi des couples exclusivement japonais. C'est un sujet qui touche énormément de familles.
Vous avez eu l'idée ensemble. La question de savoir si, Romain, vous alliez jouer dedans, ne s'est pas posée longtemps, j'imagine ?
Guillaume Senez : Non, c'était assez évident pour nous deux. Mais après, Romain aurait pu refuser. Je lui ai envoyé plusieurs versions du scénario, et il m’a aussi partagé des articles de presse. Il a suivi tout le processus de création.
Vous impliquez-vous souvent de cette manière dans l'élaboration d'un film, Romain ?
Romain Duris : Oui, ça arrive, surtout avec les réalisateurs avec qui j'ai déjà travaillé. On échange beaucoup, on partage nos envies, nos idées. Avec un réalisateur que je découvre, c'est parfois différent. Mais Guillaume m'a envoyé plusieurs versions du scénario, ce qui est une pratique assez courante.
Qu'est-ce qui vous attire tant dans le Japon ?
Romain Duris : Je ne sais pas exactement d'où ça vient, mais il y a une ambiance particulière. Évidemment, il y a la culture, les films japonais que j'ai découverts il y a longtemps, le graphisme, le lettrage... J'ai même suivi des cours de calligraphie parce que le pinceau et l'encre me fascinent. Et bien sûr, la nourriture... Mais au-delà de ça, il y a un art de vivre unique. Les Japonais ont une grande curiosité pour le reste du monde tout en étant très pointus, que ce soit en musique ou en mode. C'est un peuple à la fois très attachant et incroyablement moderne.
Dans le film, on remarque une différence marquée dans l'expression des émotions entre les acteurs japonais et occidentaux. Était-ce un aspect que vous souhaitiez montrer, Guillaume ?
Guillaume Senez : Oui, on voulait souligner cette différence culturelle. Les Japonais ont une réserve, une pudeur dans leur façon de s'exprimer, ce qui est très différent de ce que nous connaissons en Occident. C'était fascinant à explorer.
Romain, vous parlez japonais pendant une grande partie du film. Vous avez appris la langue pour ce rôle ?
Romain Duris : Oui, en phonétique. Quand on n'a pas le choix, on apprend vite, et quand on aime la langue, c'est encore plus motivant.
Vous pourriez tenir une conversation en japonais aujourd'hui ?
Romain Duris : Non, pas vraiment. J'ai appris mes dialogues et quelques expressions sur place. Avec l'équipe japonaise, j'ai retenu des mots et des phrases pour donner de la spontanéité à mes répliques. Mais cela reste un apprentissage phonétique.
Guillaume, un interprète corrigeait-il le japonais de Romain sur le tournage ?
Guillaume Senez : Romain est très modeste. Il arrivait parfois à improviser et à ajouter des phrases. Il était immergé dans cette culture, que ce soit sur le tournage ou en dehors, avec l'équipe japonaise. Il ne se contentait pas de réciter ses dialogues appris par cœur : il y insufflait une véritable spontanéité, ce qui est précieux pour un réalisateur.
Une des scènes marquantes du film se déroule dans une pièce où l'on peut tout détruire pour se défouler. Cela doit faire un bien fou, non ?
Guillaume Senez : Oui, c'est un vrai exutoire. Ces lieux existent aussi à Paris, mais pas encore à Bruxelles. Ce n'est pas typiquement japonais, mais cela se trouve dans beaucoup de grandes métropoles. Pendant la préparation du film, j'ai moi-même cassé plusieurs vieux ordinateurs, et je peux vous assurer que ça fait un bien fou.
Par contre, Romain, pas de scène de karaoké dans ce film. C'est dommage, non ?
Romain Duris : Oh, mais moi, j'en ai fait, du karaoké ! Je chantais des tubes de variétés japonaises, c'était extraordinaire. Le karaoké est une véritable institution au Japon. Les gens se lâchent complètement, même dans des petites pièces de 3 mètres carrés. C'est une expérience à vivre absolument !