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Elles sont 19 danseuses, âgées de 22 à 72 ans, dont 17 amatrices de la Maison des Femmes, lieu d'accueil pour personnes vulnérables et victimes de violence, et elles interprètent ce week-end à Marseille "Joie UltraLucide", une création libératrice à la narration puissante.
A l'occasion du festival qui a lieu du 14 juin au 6 juillet dans la deuxième ville de France, Maryam Kaba, danseuse et chorégraphe associée au Ballet national de Marseille pour les saisons 2022-2025, et Marie Kock, journaliste et écrivaine, toutes deux engagées pour le féminisme et contre le racisme, présentent cette chorégraphie fruit d'un échange construit durant plusieurs mois.
"Je voulais travailler avec des amatrices pour un peu porter la parole de toutes les femmes et pas forcément de danseuses professionnelles", explique à l'AFP Maryam Kaba, fondatrice du concept de danse fitness AFROVIBE qui repose sur des valeurs d'acceptation de soi, de partage et de joie.
Sur scène, les 19 danseuses, toutes issues de cultures et de milieux différents, envahissent la scène pour raconter leur histoire, la tête haute, pour la première fois, dans ce qui devient une célébration des femmes et de leur corps. Leurs voix se mêlent, deviennent indissociables, parfois oppressantes, parfois captivantes.
"Chacune a trouvé sa place, les soi-disant différences c'est ce qui fait vraiment la force du groupe", témoigne Marie Kock, ancienne rédactrice en chef société du magazine de mode Stylist.
De septembre à décembre 2023, les deux jeunes femmes ont animé divers ateliers à la Maison des femmes, un des 56 lieux du même nom en France proposant de l'aide, de l'écoute et des soins adaptés aux besoins des femmes victimes de violences.
Elles ont ensuite proposé à celles qui le souhaitaient de se joindre au projet de création pour le Festival de Marseille, qui présente chaque année un panorama très international de la danse contemporaine.
- "Se redresser" -
Amatrices à des niveaux différents, les femmes de La Maison ont pourtant été traitées comme des professionnelles, dansant au rythme de trois séances hebdomadaires depuis janvier. Et elles seront rémunérées comme des artistes pour les deux soirs de représentations.
"Le seul critère c'était cet engagement, il n'y avait pas de casting, de question de niveau", explique Marie Kock.
A la différence de l'art-thérapie, les deux metteuses en scène/chorégraphes et amies n'ont pas demandé à leurs danseuses de raconter leurs traumatismes, leurs histoires ou n'importe quels aspects de leurs vies personnelles.
Mais à travers la danse et la création, elles ont perçu les changements. "On les a vues se transformer", dit Maryam, "se redresser" complète Marie.
Une des danseuses, venue d'abord pour observer lors d'un atelier et visiblement repliée sur elle-même avec masque, manteau et lunettes de soleil, s'est depuis révélée: "C'est un clown, elle pourrait faire du stand up (...), on a découvert une autre personne", raconte Maryam Kaba.
Sur scène, les émotions débordent sans intention de les contenir, et elles gagnent le public.
Pour l'avenir, la possibilité de faire une tournée est difficilement envisageable, aux vues des situations complexes de chacune. Mais un "protocole de création" a été dégagé, il pourra être réemployé avec "des femmes en milieu carcéral, dans des lycées, sans domicile fixe...", espère Maryam Kaba.