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La justice de Hong Kong a interdit mercredi le chant "Glory to Hong Kong" popularisé pendant les manifestations prodémocratie de 2019, première décision du genre depuis la rétrocession du territoire à la Chine, et les autorités vont demander son retrait aux plateformes internet.
Après la demande du gouvernement local d'empêcher la diffusion ou encore l'interprétation de ce morceau, "nous sommes convaincus qu'une injonction doit être accordée", a décidé la cour d'appel de Hong Kong présidée par le juge Jeremy Poon.
"Glory to Hong Kong" devient ainsi le premier chant interdit dans le territoire depuis la rétrocession de l'ancienne colonie britannique à la Chine en 1997, une mesure qualifiée de "nécessaire" par Pékin mercredi.
"Empêcher quiconque d'utiliser ou de diffuser la chanson en question (...) est une mesure légitime et nécessaire prise par (Hong Kong) pour assumer sa responsabilité en matière de protection de la sécurité nationale", a déclaré Lin Jian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, lors de son point presse régulier à Pékin.
Dans la foulée, les autorités vont demander à tous les opérateurs des plateformes internet de "retirer" cette chanson pour qu'elle ne soit plus accessible aux utilisateurs hongkongais.
"Le gouvernement communiquera avec les fournisseurs d'accès à Internet concernés et leur demandera de retirer le contenu en question conformément à l'injonction", a déclaré mercredi Paul Lam, secrétaire à la Justice de la ville de Hong Kong.
Devenu un hymne du mouvement prodémocratie de la ville, il a été écrit et popularisé pendant les manifestations parfois violentes de 2019 qui ont vu des millions de personnes descendre dans la rue pour réclamer des libertés politiques. Ses paroles incluent un slogan devenu célèbre lors des protestations, "Libérez Hong Kong, révolution de notre temps".
L'exécutif local avait déposé en juin une demande d'injonction pour que ce chant soit interdit.
Mais fin juillet, le tribunal de première instance l'avait rejetée, estimant que son interdiction soulèverait de graves questions de liberté d'expression et qu'une injonction n'aurait "pas de réelle utilité".
- Une "arme" -
La cour d'appel, sollicitée par le gouvernement, n'a pas été du même avis mercredi. "Le compositeur du chant souhaitait en faire une +arme+ et c'est ce qu'il est devenu", a encore écrit le juge Poon.
"Il a servi d'impulsion pour déclencher les manifestations violentes qui tourmentent Hong Kong depuis 2019. Il est puissant pour susciter des émotions parmi certaines fractions de la société", a décrit le magistrat, ajoutant que le morceau "a pour effet de justifier et même de romancer" les protestations.
Une injonction civile était donc nécessaire, estime la cour, puisque "le droit pénal seul ne permettrait pas d'atteindre l'objectif d'intérêt public de protection de la sécurité nationale".
Cette injonction comporte des exceptions pour les "activités académiques et journalistiques".
En décembre, les juges avaient soulevé la question des conséquences d'une éventuelle injonction sur les fournisseurs d'accès à internet. Des responsables locaux avaient demandé à des géants du web comme Google de supprimer le chant prodémocratie des résultats de recherche et des plateformes de vidéo, mais avaient été pour l'essentiel éconduits.
En mars 2023, Google avait dit avoir reçu une requête de la part des autorités hongkongaises pour retirer deux vidéos sur YouTube montrant le chant joué par erreur lors d'une compétition sportive, à la place de l'hymne national chinois. Selon la police, ces images constituaient une insulte envers l'hymne national mais Google n'avait pas supprimé les vidéos.
D'après la décision de la cour d'appel de mercredi, une injonction était "nécessaire" car les plateformes telles que Google "ont indiqué être prêtes à accéder à la demande du gouvernement s'il y (avait) une décision de justice".
La directrice d'Amnesty International pour la Chine, Sarah Brooks, a qualifié l'interdiction de "ridicule" et "dangereuse", estimant qu'elle représentait une "attaque insensée contre la liberté d'expression des Hongkongais".
C'est un "signe inquiétant du non-respect croissant des droits humains par les autorités", a-t-elle ajouté.
Il s'agit du "dernier coup porté à la réputation internationale d'une ville qui s'enorgueillissait auparavant d'avoir un système judiciaire indépendant", a par ailleurs dénoncé Matthew Miller, porte-parole de la diplomatie américaine.
Plus de 290 personnes ont été arrêtées, 174 inculpées et 114 condamnées, la plupart des personnalités politiques, militants et journalistes prodémocratie, depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en 2020, renforcée par un deuxième texte promulgué en mars.