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Impertinente, authentique, à fleur de peau: l’esthétique "brat", de l'anglais "sale gosse", déferle cet été sur les réseaux sociaux et éclabousse de sa couleur emblème, le "vert brat", jusqu'à la campagne électorale américaine.
L'expression vient du titre de l'album de la chanteuse britannique Charli XCX, perle de la pop britannique, "Brat", sorti le 7 juin.
Le disque à l'énergie fêtarde mâtinée d'anxiété juvénile explose et son single "Apple" devient la bande-son d'un tsunami de vidéos de "brat dance", une chorégraphie reprise des millions de fois, au village olympique des JO de Paris comme sur les réseaux sociaux.
La pochette de l'album, le mot "brat" inscrit en noir sur un carré de couleur vert néon qui fait penser à la couleur de l’ogre Shrek, lance la mode.
"La fille +Brat+ est une fille qui est un peu bordélique et qui aime bien faire la fête, qui fait des choses un peu débiles parfois... mais qui est aussi très honnête", explique la chanteuse de 32 ans sur TikTok.
La personne "Brat" profite de la vie, saute dans un avion, fait la fête dans un club en suant dans un simple "petit haut blanc à bretelles", développe la chanteuse, restée relativement inconnue du grand public pendant une décennie.
- "Chipie" -
"C'est la chipie, la sale gosse, celle qui n'en fait qu'à sa tête. C'est l'opposée des archétypes internet de la +tradwife+ (l'épouse +tradi+, NDLR) et de la +cleangirl+ (la fille saine, NDLR). La +Brat girl+ assume ses imperfections, a la peau grasse, un corps pas parfait", explique à l'AFP Pascal K Douglas, consultant pour le cabinet de tendance américain Fashion Snoops.
Pour la jeunesse, cet été "brat" inclut des fêtes bacchanales, des actions courageuses, un peu de désespoir existentiel.
"Derrière cette attitude, il y a de la vulnérabilité, un esprit d'imperfection et de chaos. Une tendance qu'on avait sentie, comme un retour d'individualité, depuis 2022, dans un monde qui va très mal", ajoute le consultant, qui y voit "une envie de grunge, d'indépendance" voire de "l'ironie".
Le terme "brat", plutôt péjoratif, devient un symbole de l'acceptation de soi et s'impose comme un hymne pour ce "brat summer" 2024, repris dans des campagnes de pub de la Deutsche Bank ou en politique.
Il contamine jusqu'à la campagne présidentielle américaine et la candidate démocrate investie Kamala Harris, connue autant que critiquée pour être spontanée et bonne vivante.
"Kamala est +brat+", a validé l'arbitre en la matière, Charli XCX. L'équipe de campagne de la candidate a adopté la couleur "brat" dans la foulée pour ses visuels sur X, faisant du carré vert un marqueur, comme Barack Obama avait eu son visuel "Hope" en tricolore.
- Boris Johnson -
L'institut Ipsos UK a défini l'état d'esprit "brat" comme encourageant "à être audacieux, à prendre des risques et à accepter ce qui est inconfortable. C'est être nerveux, imparfait et confiant". Dans un sondage, l'ancien Premier ministre britannique Boris Johnson a ainsi été désignée figure politique la "plus brat" du pays.
Plus largement, après un été 2023 rose Barbie, ce vert est devenu la couleur 2024 de la décoration d'intérieur, comme du fard à paupières et du vernis à ongles.
Côté vêtements, "c'est l'anti-fashion, rejet du logo, des marques. C'est l'esprit fripes, c'est porter la même robe une semaine", décrypte pour l'AFP Aude Fellay, professeur de design de mode à l'école HES de Genève.
Au-delà du vert, l'esthétique "brat" mélange plusieurs codes, dont des influences grunge et de la vague "Y2K", en référence aux années 2000. Les looks sont relativement basiques, avec des débardeurs blancs sans soutien-gorge, des jeans taille basse et des pièces en denim ou en cuir. Le maquillage est charbonneux.
"On va voir en septembre si les marques auront su résonner avec cet esprit un peu grinçant", lance l'experte, curieuse de voir si le "brat summer" n'était qu'une amourette d'été.