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La Cour suprême des Etats-Unis examine vendredi en urgence l'obligation de se vacciner contre le Covid-19 que Joe Biden veut imposer au plus vite à des millions de salariés récalcitrants.
"Pourquoi cela n'est-il pas nécessaire pour diminuer les risques graves", a demandé la juge Elena Kagan à l'avocat des associations d'entreprises opposées à cette mesure.
"C'est une pandémie qui a tué près d'un million de personnes", a-t-elle dit.
Il s'agit du "plus grand danger en terme de santé publique qu'a dû affronter le pays dans le dernier siècle", et "cette politique est la plus à même de mettre fin à tout cela", a affirmé la juge.
Scott Keller, qui représente les associations d'entreprises, a assuré que la vaccination obligatoire dans les entreprises de plus de 100 salariés pousserait des employés à la démission.
Une telle règle causerait "un déplacement permanent des employés, ce qui se répercuterait sur notre économie nationale", a-t-il déclaré.
Cette mesure, selon lui, n'est pas "destinée à réguler un danger sur le lieu de travail". "C'est un danger auquel nous faisons face simplement en nous levant le matin."
Le juge Stephen Breyer a estimé que "certaines personnes pourraient démissionner, peut-être 3%".
"Mais plus nombreux sont ceux qui pourraient démissionner quand ils découvriront qu'ils doivent travailler avec des non-vaccinés, parce que cela veut dire qu'ils peuvent tomber malades", a-t-il argumenté.
Si les juges Kagan et Breyer semblaient ainsi défendre les mesures, plusieurs juges conservateurs paraissaient sceptiques quant à l'autorité de l'administration fédérale à imposer de telles règles.
- Mesure contestée par les républicains -
Après des mois à tenter de convaincre les réticents, le président démocrate avait annoncé en septembre vouloir rendre la vaccination obligatoire notamment dans les entreprises de plus de 100 salariés.
Les non-vaccinés devraient porter le masque et se soumettre à des tests hebdomadaires.
Joe Biden avait aussi annoncé que la vaccination serait obligatoire pour les employés des structures de santé qui bénéficient de subventions fédérales.
Au pays des libertés individuelles, ces mesures ont immédiatement été dénoncées par les élus républicains, qui y voient un abus de pouvoir de la part de l'Etat fédéral, et par une partie du monde économique qui les juge contre-productives.
L'Agence fédérale sur la sécurité et la santé au travail (Osha) a donné aux entreprises jusqu'au 9 février pour appliquer la règle, au risque de recevoir une amende.
Selon la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki, ces mesures sont "essentielles pour la réponse de notre nation au Covid-19".
Une avalanche de recours en justice ayant débouché sur des décisions contradictoires, la Cour Suprême avait accepté d'y consacrer une audience exceptionnelle. Sa décision est attendue d'ici quelques semaines.
- "Sauver des vies" -
Dans un argumentaire transmis en amont de l'audience, l'administration démocrate assure que la mesure "sauvera 6.500 vies et empêchera 250.000 hospitalisations au cours des six prochains mois".
Mais pour 26 associations patronales, la règle "va imposer des torts irréparables à des milliers d'entreprises" qui devront soit financer les coûts des tests de salariés rétifs, soit faire face à des "départs massifs" de leur main-d'oeuvre.
Des Etats républicains, emmenés par le Missouri, avancent le même argument pour dénoncer l'obligation vaccinale en milieu médical qui, selon eux, "menace de créer une crise dans l'Amérique rurale" puisque "des millions de salariés devront choisir entre perdre leur emploi ou se plier à une obligation fédérale illégale".
Le gouvernement rétorque que, dans les secteurs ayant déjà imposé le vaccin, les départs ont finalement été très faibles.
Plusieurs grands groupes américains, dont le géant de la viande Tyson Foods ou la compagnie aérienne United Airlines, ont imposé dès fin septembre ces obligations à leurs employés sans souci majeur.
- 62% de vaccinés -
La Cour suprême, qui compte six magistrats conservateurs sur neuf, a jusqu'ici validé les obligations vaccinales imposées dans le milieu universitaire ou par des autorités locales.
Mais ses juges ont déjà limité les interventions de l'Etat fédéral liées à la pandémie, en invalidant notamment un moratoire sur les expulsions locatives.
Si la haute cour bloquait la mesure de l'administration, cela représenterait un revers considérable pour Joe Biden qui a fait de la lutte contre la pandémie une de ses priorités mais est confronté à une flambée des contaminations sous l'effet du variant Omicron.
Les Etats-Unis, où seuls 62% de la population sont totalement vaccinés en raison de fractures politiques très marquées sur la question, ont jusqu'ici enregistré plus de 58 millions de cas et 834.000 morts.