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Le vice-président du Conseil d'Etat rattrapé par une affaire de harcèlement moral

La mort en 2014 d'un de ses agents rattrape l'ex-président de l'Autorité de la concurrence: Bruno Lasserre, aujourd'hui à la tête du Conseil d'Etat, a été mis en examen la semaine dernière à Paris, soupçonné d'avoir tardé à écarter son ancien bras droit accusé de harcèlement moral.

Le vice-président du Conseil d'Etat, dirigeant de fait de la juridiction suprême de l'administration depuis mai 2018, a été mis en examen le 27 septembre pour "complicité de harcèlement moral", a indiqué une source judiciaire à l'AFP.

Selon son entourage, le haut fonctionnaire de 65 ans se voit reprocher d'avoir tardé à sanctionner Fabien Zivy, son ancien bras droit chez le gendarme de la concurrence, qu'il a présidé de 2004 à 2016.

M. Zivy, ancien chef du service juridique de l'Autorité, est lui-même mis en examen pour "harcèlement moral" dans cette affaire depuis janvier 2018.

Après une première alerte en décembre 2012 lors de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), M. Zivy avait été mis en cause le 15 avril 2013 dans un audit dénonçant le management "toxique et disqualifiant" qu'il exerçait depuis deux ans dans ce service et en particulier sur son adjoint, Alain Mouzon.

Bruno Lasserre l'avait mis à pied huit jours plus tard, mais M. Zivy était resté en fonction pendant un mois, "afin d'évacuer les affaires courantes" selon l'entourage de M. Lasserre. Muté ensuite au sein de l'Autorité, il y était demeuré jusqu'en janvier 2014.

Quelques mois plus tard, le 27 mars, M. Mouzon était retrouvé mort dans son appartement.

Le décès était "imputable au service" et constitutif "d'une maladie à caractère professionnel", ont reconnu deux arrêtés, du ministre de l'Economie et de celui des Finances, publiés en avril 2015.

"M. Mouzon a été exposé à un harcèlement moral qui a entraîné un épuisement professionnel et le développement de troubles anxieux sévères qui ont conduit à son décès", a conclu à son tour le tribunal administratif de Paris le 17 mars 2016, selon une décision consultée par l'AFP. Le tribunal avait condamné l'Etat pour faute lourde et à verser 60.000 euros à la mère de l'agent.

- "Service d'excellence" -

Sur le plan pénal, la mère de M. Mouzon avait également déposé une plainte fin 2015 contre MM. Lasserre et Zivy, qui a débouché sur l'ouverture d'une information judiciaire à Paris et dans laquelle les deux hommes sont désormais poursuivis.

Le vice-président du Conseil d'Etat n'a pas souhaité réagir mais s'est toutefois expliqué dans une lettre adressée jeudi à ses équipes, que l'AFP a pu consulter.

"Je conteste avec toute mon énergie, (...) pouvoir, à quelque titre que ce soit, être regardé comme complice de méthodes de management que je n'ai jamais demandées ni cautionnées et que j'ai, lorsqu'elles ont été portées à ma connaissance, fermement condamnées", a-t-il écrit.

"L'instruction (...) soutient qu'en tant que président de l'institution, je n'aurais pas agi assez tôt et assez fort pour faire cesser le harcèlement au sein du service concerné. Et c'est ce point que je récuse formellement".

Une version des faits contestée par "l'association des amis d'Alain Mouzon", qui avait combattu la candidature de M. Lasserre au Conseil d'Etat, ainsi que par la défense de M. Zivy.

"Le service juridique est un service d'excellence au contact direct de la présidence" et de la "très forte personnalité" de M. Lasserre, fait valoir Me Sophie Sarre, avocate de M. Zivy, qui se défend d'avoir été à l'origine du harcèlement.

"Avant l'arrivée de mon client (en 2011, NDLR), la situation était intenable dans le service, soumis à une forte pression et une charge de travail très difficile", ajoute l'avocate, compte tenu de l'importance des contentieux gérés par le puissant gendarme de la concurrence.

Haut fonctionnaire sorti de l'ENA, Bruno Lasserre a la réputation d'être un "gros travailleur", toujours "très prudent" et "courtois". Son passage à l'Autorité de la concurrence a été notamment marqué par l'amende record de 350 millions d'euros infligée à Orange fin 2015 pour discrimination à l'encontre des autres opérateurs.

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