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Haïm Korsia a été largement réélu dimanche grand rabbin de France, pour un second mandat de sept ans lors duquel il entend continuer à "servir" les communautés juives, qui ont selon lui "besoin de lien", notamment au sortir de la crise sanitaire.
"Unité" et "espérance", a prôné M. Korsia, élu dès le premier tour, avec 74,4% des voix des 254 grands électeurs présents - représentants des communautés de toutes les régions et environ 10 % de rabbins -, réunis au Consistoire israélite central à Paris.
Ses deux concurrents Mikaël Journo, 47 ans, rabbin d'une synagogue du XVe arrondissement de Paris, et Laurent Berros, 54 ans, rabbin de Sarcelles, ont obtenu respectivement 11,8 % et 13,4 % des voix.
Affable, érudit, cet homme de 57 ans est très attaché au dialogue de la communauté juive avec les institutions républicaines et les autres religions. "Je veux construire du lien", martèle-t-il.
D'abord rabbin de Reims, il devient à partir de 2000 aumônier général israélite de l'armée de l'air, puis a assumé cette même responsabilité à la tête de toutes les armées, de 2007 à 2014.
Petit, lunettes fines, barbe courte, ce juif séfarade, marié, avec cinq enfants, est bien introduit auprès de personnalités et responsables étatiques; il fut très proche de Jacques Chirac. Il a reçu récemment le titre de commandeur de l'Ordre national du mérite.
Sur le plan doctrinaire, Haïm Korsia est sur la ligne du Consistoire, majoritaire en France, se conformant à la "Halakha", la loi juive, mais il fait figure d'ouverture.
"Il a une oreille pour toutes les tendances du judaïsme", affirme à l'AFP Pauline Bebe, première femme rabbin en France, qui appartient au courant libéral (minoritaire).
- "Dignité des femmes" -
Parmi les chantiers qui l'attendent, le grand rabbin devra rassurer des communautés, "dont (il) sent parfois l'isolement, le besoin de lien", dit -il.
Son premier mandat a notamment été marqué par l'attentat de l'Hypercacher dans l'Est de Paris, en janvier 2015, ou encore l'assassinat en 2018 de Mireille Knoll, une octogénaire juive.
La communauté juive - la plus importante d'Europe avec environ 500.000 personnes - reste aussi échaudée par la décision récente de la Cour de cassation sur l'affaire du meurtre en 2017 de Lucie Attal, aussi appelée Sarah Halimi. La plus haute juridiction a entériné le caractère antisémite du crime mais a confirmé l'irresponsabilité pénale du son meurtrier, gros consommateur de cannabis et en proie à une "bouffée délirante".
A ce sujet, Haïm Korsia était intervenu publiquement pour critiquer la décision de la justice. Un livre réhabilitant sa vie va être prochainement édité, a-t-il affirmé.
Pour les prochaines années, il a promis de réformer le Séminaire israélite, d'où sortent seulement 3 à 6 rabbins par an, pour "qu'il soit beaucoup plus une école d'application" et prône de suivre le programme inter-religieux "Emouna" de Sciences-Po.
Il devra aussi faire revenir les fidèles dans les synagogues, après des mois de crise sanitaire. "Il faudra capitaliser sur ce qui a été inventé", dit-il faisant allusion aux outils numériques, mais aussi "ne pas abandonner le lien".
A son actif pendant son premier mandat: l'interpellation des responsables universitaires sur les dates d'examens pour qu'elles ne tombent pas les jours de Shabbat, ou encore le règlement des cas problématiques pour les femmes de divorce religieux.
"Il a mis en haut de sa liste la dignité des femmes", remarque Pauline Bebe.
Pendant la campagne, certains de ses adversaires lui ont reproché d'être "trop politique" et de ne pas assez s'occuper des communautés.
Le grand rabbin répond qu'il agit, en toute discrétion. Et qu'il fera tout pour gagner la confiance des 26% n'ayant pas voté pour lui.
Gad Weil, coprésident de Judaïsme en mouvement (courant libéral), interrogé par l'AFP, aimerait qu'il mette en place "une réflexion commune" associant les rabbins de tous les courants "sur la place du judaïsme en France".
Le Consistoire, mis en place par Napoléon en 1808 pour représenter les Juifs de France, ne les fédère plus tous, les courants libéral et massorti ayant leur autonomie. Il dit représenter un peu moins de 400 synagogues, soit un peu plus des trois quarts en France.